11e Court d’Histoire – Les Mondes Paysans
Les gueux et les cochons
Qu’y-a-t-il de commun entre La révolte des gueux (1947-1949) de Raymond Lamy et Cochon qui s’en dédit (1979) de Jean-Louis Le Tacon ? Entre un film en noir et blanc tourné en 35 mm réalisé durant les années chaudes de la guerre froide et un documentaire en couleur quasi expérimental, tourné en 8mm, gonflé en 16, au moment où le cinéma militant explose en un feu d’artifice baroque ?
La révolte des gueux évoque habilement et soigneusement la grande révolte des vignerons en 1907, Cochon qui s’en dédit donne la parole à Maxime, un éleveur de porcs hors-sol, et nous plonge littéralement dans la merde, le lisier et la pourriture. Pasolinien, le film de Le Tacon regarde dans les orbites le pire du XXIe siècle, tant du point de vue écologique que sur le plan de l’aliénation au travail. S’appuyant fermement sur une lutte du début du XXe siècle, le film (collectif) de Raymond Lamy ne doute pas du sens de l’histoire.
On pourrait conclure de manière professorale sur la diversité des mondes paysans et la diversité du cinéma militant ou engagé. Ou sur la fonction de miroir déformant et absolument indispensable de ce genre de cinéma, reflet singulier de son époque. Au passage, on remarquerait que La Révolte des gueux fut interdit par la censure et que Cochon qui s’en dédit, si provocateur, a reçu le prix Georges Sadoul et le prix du festival du cinéma rural. Mais, face aux situations d’injustice, il plaira peut-être aussi aux citoyens de conclure que la révolte collective et individuelle est ô combien nécessaire, aussi bien pour le cochon des villes que pour le cochon des champs.
Tangui Perron
La révolte des gueux
Raymond Lamy / France / 1949 / Documentaire / 21′
Le film évoque la révolte viticole de 1907 à l’aide de nombreuses scènes de reconstitutions historiques et de documents. Cette évocation est encadrée, en ouverture, par des images des grèves de 1947, par des vues stigmatisant la répression et par des plans documentaires d’ouvriers et de paysans au travail tandis que le commentaire appelle à l’unité contre les banquiers, les industriels, le gouvernement et la politique de guerre des “Milliardaires américains”. Le film, réalisé en pleine guerre froide, est fortement marqué par les affrontements contemporains à sa réalisation. Il montre la volonté du parti communiste d’assumer et d’utiliser tous les grands conflits sociaux antérieurs à sa propre création, ainsi que son désir de s’adresser à la petite paysannerie.
Réalisation : Raymond Lamy.
Image : André Dumaitre, René Vautier. Musique : Gloire aux soldats du 17e, L’Internationale.
Contact copie : Ciné-Archives / contact@cinearchives.org
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Cochon qui s’en dédit
Jean-Louis Le Tacon / France / 1979 / Documentaire / 37′
Attention certaines scènes peuvent choquer les personnes sensibles.
Le réalisateur Jean-Louis Le Tacon a suivi une exploitation agricole d’élevage de porc pendant trois ans dans les années 70. Elève de Jean Rouch, il en fera sa thèse de doctorat. Le film sera finalisé en 1979 et aura une importante carrière. Par la force de son témoignage, il deviendra emblématique d’un regard sans concession sur un certain productivisme dans le monde rural. Exploitation sans vergogne d’un jeune paysan breton par un système financier implacable, traitement concentrationnaire des animaux, 40 ans après, il reste un grand film contemporain.
Réalisation : Jean-Louis Le Tacon.
Scénario, image : Jean-Louis Le Tacon. Son : Jean-Pierre Charpentier. Musique originale : Urban Sax. Montage : Thierry Le Merre. Avec : Maxime Duchemin. Carrière : prix Georges-Sadoul 1980, prix du court métrage festival Cinéma et Monde Rural Aurillac 1981.
Contact copie : Jean-Louis Le Tacon / jeanlouis.letacon@free.fr
La projection sera suivie d’une conférence de Tangui Perron
Historien, chargé du patrimoine à Périphérie (centre de création documentaire établi en Seine-Saint-Denis). Collaborateur occasionnel à Positif, il a écrit plusieurs ouvrages et de nombreux articles scientifiques ou de vulgarisation, tous consacrés au cinéma militant.
Derniers ouvrages parus : L’Écran rouge, syndicalisme et cinéma de Gabin à Belmondo, éditions de l’Atelier 2018, livre-dvd Cité de la muette, un film de Jean-Patrick Lebel, Ciné-archives et Périphérie, 2020.
Jeudi 6 février – 16h00
Salle des Frères Lumière
Cité Universitaire
25 rue Étienne-Dolet
Attention cette séance est sur réservation : g.bollon@clermont-filmfest.org