Dîner avec La lampe au beurre de yak
Comment avez-vous eu l’idée de réaliser un film sur la communauté tibétaine ?
D’abord je suis un enthousiaste de culture tibétaine. J’ai fait plusieurs voyages au Tibet quand j’étais étudiant à l’Université de Pékin. J’ai observé une mutation accélérée du Tibet à cette époque surtout compte tenu du contexte politique complexe. L’idée de départ du film est la mémoire d’une époque et un endroit qui sont passés et ne reviendront jamais.
Êtes-vous parti tourner sur place ou avez-vous fait le tournage… par exemple en Auvergne ?
Franchement j’ai failli décider de faire ce film en Auvergne, après plusieurs tournages manqués au Tibet… Vous pouvez imaginer tous les difficultés que nous avons traversées, la tension pour notre équipe de tournage moitié française moitié chinoise vivant difficilement la chaleur de la saison et n’arrivant pas à obtenir ses autorisations de tournage… mais finalement je ne pouvais pas me résoudre à faire ce film ailleurs qu’au Tibet. On a réglé tous les problèmes et le film a donc bien été enfin terminé, au Tibet.
Vous nous présentez des personnages vivant dans des communautés rurales visiblement peu connectées au monde moderne puisque l’appareil photo semble y être une exception. La ruralité des protagonistes du film est-elle exagérée par rapport aux réalités de la région tibétaine ?
D’abord c’est un film totalement fictif… oui évidement les protagonistes sont exagérés par rapport aux réalités tibétaines d’aujourd’hui. Il y a des comportements et des réactions qui n’existent plus aujourd’hui mais ça ne signifie pas que ça n’a jamais existé. Par exemple, la première fois où je suis allé au Tibet, les gens étaient vraiment proches des protagonistes de La lampe au beurre de yak… Mais ils ont changé graduellement.
Vous n’avez pas tourné, en comparaison, d’images de Lhassa, la grande ville, où nos deux photographes vont peut-être développer leurs clichés dans un labo photo. Par contre il y a une très belle séquence avec cette vieille dame qui honore sa religion. Pourquoi avoir choisi d’insister sur la nature très traditionnelle des tibétains ? Les traditions méritent-elles d’être conservées ?
La croyance religieuse est un principe de la culture tibétaine depuis des millénaires. Elle perdure même s’il y a beaucoup de changements avec la modernité, la mondialisation ou l’idéologie chinoise. Je ne peux pas vous répondre si elles le méritent ou non, mais je pense qu’il ne faut pas abandonner ou oublier ces traditions, c’est l’âme de l’ethnie tibétaine. Si un jour leurs traditions sont détruites, les tibétains cesseront d’être un peuple différencié et disparaîtront dans l’assimilation.
Face à cette ruralité, vous nous montrez l’arrivée du progrès comme une évidence qui ne peut être arrêtée. Alors, faut-il se résoudre à la fatalité ou se battre pour préserver son quotidien ?
Assurément il y a certaines choses pour lesquelles il faut se battre sans négociation.
Quelle est votre vision personnelle du progrès ?
C’est très difficile de répondre à cette question. Je ne me positionne ni en partisan ni en opposant du progrès.
Et de certains progrès : que pensez-vous des vaches à trous pour analyser leur digestion ? Comment réagiraient selon vous les personnages de votre film face à cette réalité ?
C’est la première fois que j’apprends cette réalité : des vaches a trous ?… C’est horrible. Et en même temps, si elle ne le sent pas et que ça peut aider la vache ?
En Chine on dit : « Il faudrait se voir avec l’œil de son voisin ». Il y aura toujours des personnes qui s’excluent de la modernité et d’autres qui y adhèrent. Ça dépend de chacun.
Pensez-vous que le progrès bouleverse ces populations et que cette ruralité ne soit bientôt plus qu’un lointain souvenir ?
Je ne sais pas. On verra.