Dernier verre avec Como la Primera Vez (Comme la première fois)
Entretien avec Yennifer Uribe Alzate, réalisatrice de Como la Primera Vez (Comme la première fois)
En racontant la relation de Rosa avec Dalia, quel thème vouliez-vous aborder en priorité ? La sexualité ? L’amour ? L’émancipation ?
Je voulais que Rosa comprenne qu’elle a une intimité qui lui appartient, et qu’elle n’a jamais explorée, indépendamment de son mari, de son fils, de ses tâches ménagères et de son environnement quotidien. Qu’elle en prenne conscience et qu’elle l’apprivoise. Oui, il s’agit bien d’émancipation. Ainsi, Rosa peut ressentir de l’amour, du désir, ou explorer de nouvelles formes de sexualité, mais toujours dans le but d’une meilleure connaissance d’elle-même. Cette émancipation permet à Rosa de défier son destin et son quotidien à travers son intimité.
Comment voulez-vous que le public interprète la fin ? Et vous-même, qu’est-ce que vous y voyez ?
La fin de Como la primera vez reste ouverte, nous ne savons pas ce qui va arriver entre Rosa et Dalia, ni entre Rosa et son mari, d’ailleurs moi non plus je ne le sais pas. L’important, c’est qu’après cette aventure, Rosa est une femme nouvelle, elle ne sera plus jamais comme avant, ce qui aura des répercussions sur sa vie quotidienne, sa façon de la mener et de la construire. Il s’est passé quelque chose en elle et c’est ce que je voulais montrer à la fin.
Où laisse-t-on la relation entre les deux femmes et celle entre Rosa et son mari à la fin du film ?
Rosa et Dalia installent petit à petit une relation basée sur la complicité, la confiance, la compagnie, l’empathie, et où la féminité est un élément rassembleur qui inspire solidarité, affection et intimité. La relation avec son mari est usée par la routine et le manque de petites attentions qui nourrissent la vie quotidienne d’un couple : manque de respect, d’amour, d’entente et de liberté. Dans cette relation-là, il y a une hiérarchie qui annihile la personnalité de Rosa, ses opinions et ses sentiments.
Diriez-vous que les salons de beauté sont habituellement un lieu de rencontres (sociales) pour les femmes en Colombie ?
Oui, je pense que les salons de beauté sont le théâtre d’un lien social : les femmes s’y rencontrent, elles parlent des hommes, de leurs amants, de leurs plaisirs… Elles échangent leurs secrets, leurs soucis, leurs rêves. Elles viennent y chercher une certaine confiance, une complicité. On y parle aussi beaucoup de séries télé, d’actualité, de musique, de fringues, etc., des choses de la vie quotidienne. Pour moi, on peut voir dans les salons de beauté – du moins en Colombie – une illustration minimaliste de la société.
Avez-vous eu des coups de cœur au cinéma l’année dernière ?
L’année dernière, j’ai découvert un réalisateur italien qui a tourné aux États-Unis, Roberto Minervini. Ses films ont été une vraie révélation pour moi, surtout Le Cœur battant (2013). Quand je vois un film pareil, je sais pourquoi j’aime le cinéma et pourquoi je veux continuer à filmer des histoires. J’ai adoré sa façon de saisir les nuances subtiles de la réalité – les gestes, les regards, le désir, les doutes. La subtilité des relations entre les personnages et la mise en scène sont admirables. L’an dernier, j’ai aussi apprécié notamment Les Mille et une nuits, vol. 1, 2 et 3, du réalisateur portugais Miguel Gomes, O futebol (2015) de Sergio Oksman et Nuit blessée (2015), du réalisateur colombien Nicolás Rincón.
Si vous êtes déjà venue à Clermont-Ferrand, pouvez-vous nous raconter une anecdote sur le festival ? Sinon, quelles sont vos attentes pour cette édition ?
Como la primera vez est mon premier court métrage et c’est la première fois que je viens au festival. Je suis très émue d’être ici car c’est une occasion unique et tout réalisateur de court métrage rêve de montrer son film à Clermont-Ferrand. Ce sera une chouette expérience de rencontrer des réalisateurs du monde entier et de discuter ensemble, j’aurai ainsi l’occasion de découvrir d’autres regards sur mon travail.
Pour voir Como la Primera Vez, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I13.