Dîner avec Animal
Interview de Jules Janaud et Fabrice Le Nezet, réalisateurs de Animal
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le rapport à l’animal et des réactions qu’il peut susciter en nous, de la peur à l’empathie en passant par le rapport au dressage de l’animal ?
On voulait tout d’abord ne pas trop le voir. L’entendre et le deviner à la manière d’un vieux film de genre. Cultiver le mystère pour mieux le découvrir en fin de film. L’imagination du spectateur est bien souvent plus puissante que les meilleurs effets spéciaux. On voulait faire un truc plutôt dégueulasse aux premiers abords qui pouvait presque devenir mignon et attachant sur la longueur. Et enfin, même doté d’une certaine élégance lorsqu’il apparaît recouvert de ses ornements aux motifs tribaux à la fin du film.
Pourquoi avez-vous choisi d’intégrer des séquences de danses mystiques au film et comment avez-vous travaillé le rythme du film avec ces séquences qui semblent comme « suspendues » dans le temps ?
Cela nous permettait de développer le caractère de Jawak en appuyant le côté traditionnel/mystique du personnage. Nous aimons la danse, ces séquences sont donc venues assez naturellement, mais nous avions des craintes sur l’exécution et la dimension mystique de ces scènes. Nous voulions quelque chose de simple et en même temps original et plausible. Il fallait avoir une ressemblance aussi entre la danse de l’enfant et celle de l’adulte sans être une copie l’une de l’autre. Les acteurs sont pour beaucoup sur le développement des chorégraphies. Nous avons répété avec Issaka, très bon danseur, qui est venu rapidement avec les bons mouvements. Nous avons ensuite travaillé cette base avec Ibrahim (Jawak enfant) pour qu’il trouve sa propre interprétation. L’utilisation du ralenti a amené la légèreté atmosphérique que nous recherchions et enfin, le travail du son, la touche de magie en plus.
Comment avez-vous imaginé l’espèce animale du film ?
On trouvait intéressant de développer une espèce qui n’était a priori pas faite pour se déplacer vite et donc pas du tout faite pour se battre. Aussi un mélange singulier de différentes espèces, à la fois terrestre et aquatique. Nous nous sommes donc inspirés du serpent, du poulpe, et même du porc pour certaines parties. On aimait bien aussi l’idée d’avoir un animal sans yeux et jouer avec sa tête plutôt à la manière d’un museau. Il était question à un moment de parties mécaniques et robotiques mais nous avons préféré la direction de l’ornement et de la décoration. Cela s’intégrait mieux dans notre histoire et ça nous permettait de développer aussi une charte graphique cohérente pour tout le film.
Pourquoi vouliez-vous traiter dans Animal des rapports sociaux, en partant d’un groupe d’enfants, sans guide, qui s’amusent et dépassent certaines limites ?
On voulait faire un film qui mélange plusieurs genres : faire un film de science-fiction intimiste et pourquoi pas social par moments, ça nous plaisait. D’autre part, en plus du contexte particulier, tisser rapidement les liens sociaux/affectifs des personnages permet d’asseoir un film plutôt visuel dans une fiction qui raconte vraiment quelques chose. Il y a sans doute aussi la nostalgie des films américains des années 90 où les enfants occupaient une place centrale, celle du héros qui bravait souvent l’interdit.
Quels ont été vos coups de cœur au cinéma cette année ?
Vivant à l’étranger ces films ne sont probablement pas de cette année, mais nous avons aimé Mustang de Deniz Gamze Ergüven, pour la “pétillance“ de sa gravité et Victoria de Sebastian Schipper pour sa modernité et la justesse de son exercice de style.
Si vous êtes déjà venu(e)(s), racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
Oui nous sommes déjà venus à plusieurs reprises. D’ailleurs nous étions ici tous les deux en 2006, avec chacun nos films d’étudiants respectifs. Ça ne nous rajeunit pas ! Nous sommes donc des vétérans. Il faisait très, très froid, il y avait de la glace partout dans la rue, du coup pour éviter les gamelles, on allait voir des films et pour se réchauffer un peu on allait boire des coups à la Brasserie de la Gare Routière…
Le film a-t-il bénéficié d’autres diffusions publiques ?
Le film c’est finalisé en décembre donc il n’y pas encore de diffusion publique de prévues. Clermont-Ferrand sera donc la première diffusion du film.
D’autres participations sont-elles prévues durant le festival (rencontres, expressos, etc.) ?
Oui, nous serons là et ferons une rencontre scolaire le jeudi 9 ainsi qu’une rencontre avec le public le vendredi 10 au cinéma Le Rio.
Pour voir Animal, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F10.