Dîner avec Chasse royale
Interview de Lise Akoka et Romane Gueret, réalisatrices de Chasse royale
Pourquoi avoir choisi de vous intéresser à cette période de l’adolescence ?
Nous nous sommes toutes les deux rencontrées en travaillant sur le casting sauvage d’un long métrage où nous cherchions des jeunes adolescents vierges de toute expérience de tournage. Chasse royale est le fruit de rencontres que nous avons faites au cours de ce casting. Notre premier mouvement a donc été d’écrire pour ces ados que nous avions croisés et qui nous avaient tant impressionnées et touchées, sans distinction d’âge. Nous avons seulement eu des coups de cœur de personnalités pour certains d’entre eux. Cela n’empêche pas que cet âge frontière nous touche beaucoup et qu’observer ce moment où tout est en mutation, en jachère, où la personnalité se construit et s’affine, nous paraît éminemment poétique et cinématographique.
Pensez-vous que la révolte soit nécessaire à l’acquisition de l’autonomie ?
Pas toujours nécessaire non, mais souvent féconde. Du moins la révolte est parfois un très beau moyen d’expression.
Comment vous est venue l’idée d’intégrer un casting au sein du collège ? Vous êtes-vous inspirées d’un précédent tournage ? Avez-vous vécu un épisode similaire pour tourner Chasse royale ?
Chasse royale est largement inspiré de notre expérience du casting auprès d’enfants. Nous avons voulu parler de ce que nous avions observé dans cette pratique si particulière qu’est le casting sauvage. D’un côté, la magnifique expérience que cela peut-être pour un enfant, les perspectives que cela peut ouvrir, d’un autre les projections, les espoirs déçus.
Comment avez-vous travaillé l’environnement social et familial d’Angélique ? Auriez-vous pu faire Chasse royale dans un univers bourgeois ?
Nous avons travaillé en immersion. Plus d’un an et demi d’allers-retours entre Paris et Valenciennes, beaucoup de castings dans divers endroits, de rencontres : avec le corps enseignant, le voisinage, le personnel qui encadre les quartiers, ceux qui travaillent dans les foyers ; on s’est nourries de leur énergie, de l’atmosphère, et du décor. Nous n’aurions pas pu faire Chasse royale dans un univers bourgeois car il s’agirait alors d’un tout autre film, ne questionnant pas les mêmes problématiques.
Chasse royale questionne les rapports humains sous toutes ses formes, qu’est-ce qui vous intéressait le plus : le regard sur soi, le regard des autres ou le regard sur les autres ?
Effectivement Chasse royale parle de projection réciproque d’un milieu social sur un autre, il y a le point de vue des directrices de casting qui représentent le monde du cinéma et celui des enfants. On se questionne alors sur notre métier, et sur ce que le cinéma engage quand il s’invite brusquement dans la vie de ces jeunes par le biais du casting sauvage. Chasse royale est un court métrage de fiction, nous en sommes les réalisatrices, il s’agit donc de notre point de vue sur les thèmes qui nous intéressent et que nous avons décidé de mettre en lumière. Les trois regards dont vous parlez se répondent et vont difficilement l’un sans l’autre dans Chasse royale.
Dans Chasse royale, vous questionnez aussi le regard porté à travers la transposition et au sentiment de libération que peut permettre la projection, des « jeux de rôle » qu’on s’autorise ou pas… pensez-vous que le « jeu de rôle » permette de mieux appréhender le réel dans toute sa complexité ?
Oui, nous pensons que le jeu peut, s’il est bien encadré, avoir une fonction cathartique et libératrice.
Quels ont été vos coups de cœur au cinéma cette année ?
L’économie du couple de Joachim Lafosse, Willy 1er de Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas et Elle de Paul Verhoeven.
Si vous êtes déjà venues, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
Nous ne sommes jamais venues au festival de Clermont Ferrand. Nous sommes excitées et fières d’en faire partie cette année. Nous avons très envie de voir le maximum de courts métrages et profiter des nombreuses rencontres qu’offre ce festival.
Le film a-t-il bénéficié d’autres diffusions publiques ?
Il a été sélectionné en compétition officielle au festival Premiers Plans d’Angers.
Pour voir Chasse royale, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F10.