Breakfast avec Three Room (Trois chambres)
Entretien avec Na-Yeon Lee, réalisatrice de Three Room (Trois chambres)
Qu’est-ce qui vous a inspiré Three Room ?
Ma mère, mon père, mes sœurs et moi vivons séparément depuis plus de dix ans. Mon père, qui était très autoritaire, s’est affaibli avec les années. Il nous avait souvent dit qu’il voulait vivre avec ses filles et ça m’effrayait. Je me posais tout un tas de questions : Peut-on vivre ensemble ? Est-ce vraiment nécessaire ? Voilà ce qui m’a amenée à faire ce film. Je parle des membres de ma famille dans le film. Nous avons tous partagé ce parcours difficile, même quand nous étions éloignés, et j’espère les réconforter grâce à mon film – un peu comme un bol de nouilles bien chaudes.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans ces retrouvailles familiales ?
Pour moi, les relations familiales sont les plus difficiles à gérer. Il est bien plus facile d’être gentil avec les autres qu’avec les membres de sa famille. Il y avait eu beaucoup de tensions avant l’éclatement de ma famille, et chacun en avait gardé des blessures. Mais on ne pouvait ni se détester, ni renoncer les uns aux autres. On se manquait, on voulait se retrouver. Malheureusement, on ne s’est jamais retrouvés, on a continué à se faire du mal. Tout ce temps-là, je me suis demandé ce que signifiait la famille pour moi, ce qui est venu se mettre en travers de la mienne, et pourquoi nous voulions malgré tout encore vivre ensemble. Voilà pourquoi j’ai fait un film qui parle de retrouvailles familiales.
Souhaitez-vous faire d’autres films sur les relations familiales ?
Une des raisons qui me poussent à faire du cinéma, c’est que j’ai une très mauvaise mémoire. Ma famille est là pour me rappeler d’où je viens, pour m’apprendre à gérer mes relations avec les gens, mais si on ne fait pas attention, on oublie ces choses-là. Faire du cinéma n’est pas forcément la solution, mais c’est pour moi une façon très personnelle de prier. Je veux croire que je ferai d’autres films sur la famille. J’ai déjà réalisé un documentaire sur des questions familiales. Et je viens de terminer un court métrage sur ce même thème – en bref, l’histoire de trois frères et sœurs qui parlent de l’absence de leur mère en faisant le kimchi. J’espère revenir au festival international de Clermont-Ferrand pour présenter ce film.
Que cherchiez-vous en montrant la rencontre entre cette famille et la population locale ?
J’aime les films qui traitent non seulement de l’univers des personnages principaux, mais aussi de celui qui les entoure. Et je m’inspire souvent de la nature, donc j’ai imaginé que la ville où se passe le film avait été le théâtre d’un typhon. Un souvenir, aussi douloureux soit-il, permet d’apprécier les petites choses et les gens qui nous entourent. En fait, j’ai entendu dire que la terre se durcit après le passage d’un typhon. Un beau symbole de la famille. On espère qu’en réfléchissant à ce qui leur est arrivé, ils vont parvenir à consolider et réparer leurs relations. Ce ne sera pas facile, mais c’est ce que je leur souhaite.
Le film est-il une histoire à part entière ou une partie d’une histoire plus vaste ?
Il y a plusieurs histoires qui sous-tendent le film. À l’origine, nous avions quatre versions du scénario, très différentes les unes des autres. Celle du père qui ne pouvait pas payer le loyer car son entreprise avait fait faillite mais qu’il refusait de vendre sa belle voiture, celle de la fille aînée qui perdait patience, celle de la plus jeune qui était gênée d’emménager avec sa grande sœur. À l’origine, c’était l’histoire d’une famille qui se disputait en cherchant un appartement, mais j’ai tout changé, je ne sais pas pourquoi, et j’en ai fait une histoire bien plus sommaire.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
La dernière scène aurait été impossible si on n’avait pas été dans une économie de court métrage. On avait besoin de beaucoup de figurants, et grâce à mon assistante réalisatrice, Hakyoung Lee, les gens du quartier ont accepté de nous aider. Elle a même fait venir toute sa famille de très loin. Si ce n’avait pas été un court métrage, il y aurait sans doute eu des problèmes de budget.
Où voir votre film après le festival ?
L’an dernier, le film est passé en Corée au festival du court métrage Mise-en-scène et au festival du film catholique. Cette année, il est programmé sur de nombreux festivals internationaux. Je tiens à remercier mon distributeur, Film Dabin, de m’avoir offert cette fabuleuse opportunité.
Participerez-vous à d’autres événements durant le festival de Clermont-Ferrand ?
Oui, je participerai à un maximum d’événements. J’ai prévu de rester quelques jours à Clermont-Ferrand après le festival. Le travail m’a épuisée ces derniers temps, j’ai donc l’intention de faire un break et de bien m’amuser au festival du court métrage.
Pour voir Three Room, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I8.