Breakfast avec Chien bleu
Entretien avec Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, coréalisateurs de Chien bleu
Avez-vous choisi la couleur bleue en fonction du panthéon hindou ou est-ce venu plus tard dans l’écriture du scénario ?
La couleur bleue était là dès le tout début. C´est une couleur que l´on aime, qui nous rappelle des voyages et évoque pour nous une force douce. Mais la lecture du bleu varie selon les cultures et les contextes, et cette liberté d´interprétation nous plaît. Le panthéon hindou a découlé du bleu, et de notre rencontre avec un groupe de danseuses tamoules du quartier.
Comment avez-vous eu l’idée d’évoquer la maladie de l’anxiété sociale ?
Comme pour nos films précédents, nous avons commencé par passer du temps dans le quartier qui allait devenir le décor du film : Émile Dubois et la Maladrerie à Aubervilliers. L´association Approche.s ! nous a invité en résidence dans le quartier, c´était l´hiver, et nous avons ressenti une forme de mélancolie entre ces murs un peu gris. Nous avons eu envie de retranscrire ce sentiment, et d´aborder la solitude des milieux urbains. Des solitudes comme ça, empilées les unes contre les autres dans des grandes barres de béton. Mais on voulait surtout dire que ces individus seuls et côte à côte, ce sont autant de poèmes qui se touchent sans se connaître, et qui parfois se rencontrent, et la ça devient beau. C´est la direction du film, de l´enfermement vers l´extérieur, vers une danse de plusieurs couleurs.
Quel était votre intérêt dans le rapport aux oiseaux et au chien ?
On adore avoir des animaux dans nos films. Il se trouve que dans le quartier, il y a un arbre rempli de perruches multicolores, peut-être échappées d´un appartement ou elles se sentaient trop à l´étroit ? Puis pour le chien, quand on a rencontré Michel Pichon, qui joue Émile dans le film, il promenait son chien dans le quartier. Un grand chien loup aux yeux bleus. On le croisait chaque jour, et c´est comme ça que nous sommes devenus amis. Les animaux ont un effet magique sur le tournage, ils amènent beaucoup de douceur, et créent du lien entre les gens. C´est ce que provoque aussi le chien d´Emile, une fois peint en bleu. Il est une sorte d´avatar qui recrée du lien, entre le fils, Soraya, les danseuses, et finalement le père, Émile.
Croyez-vous que l’amour puisse donner des ailes ?
L´amour, la danse, les mots bleus, bien sûr. Nous en tout cas, ça nous fait planer.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans la relation père-fils et envisagez-vous de réaliser d’autres films mettant en scène cette thématique ?
Les rapports familiaux, c´est un vaste sujet qui nous préoccupe au quotidien et qui au cinéma nous émeut beaucoup. On adore les films de Kore Eda pour la subtilité avec laquelle il met en scène ces liens forts et tourmentés. Dans le long métrage que l´on prépare, la relation parent/enfant est une question centrale, et on aborde aussi la famille comme une entité que l´on se construit, au-delà des liens du sang. Les cités sont des territoires chargés de ces liens entre voisins. C´est aussi cette force du collectif que l´on cherchait à valoriser dans Chien bleu.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Chaque court nous permet d´apprendre sur notre manière de travailler. Avec ce troisième film, on a fait jouer des habitants du quartier et un jeune comédien professionnel, Rod Paradot. On a voulu écrire plus de scènes dialoguées. Ça a été des échanges riches. On a appris beaucoup, parfois en se trompant, en réinventant au tournage, au montage même. Le format court nous permet de raconter des histoires de manière assez spontanée. Et puis petit à petit, on constitue une équipe, avec Victor Seguin le chef opérateur qui a fait l´image de tous nos films, Daniel Darmon avec qui on a toujours monté. Il y a de nouvelles rencontres aussi, c´est toujours fort, et à chaque fois nos échanges s´affinent, on avance tous ensemble pour faire les choix justes, pour trouver les bonnes couleurs.
Pour voir Chien bleu, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F12 et à la séance Scolaire.