Dernier verre avec À propos de Lanzarote en général et de Michel Houellebecq en particulier
Entretien avec Vincent Tricon, réalisateur de À propos de Lanzarote en général et de Michel Houellebecq en particulier
Comment est née l’idée du film ?
Montrer les vacances de Houellebecq m’amusait beaucoup : ce monstre sacré de la littérature, en vacances, ressemble finalement à n’importe qui, avec ses tongs et ses coups de soleil. C’est une façon tendre et ironique de faire un film sur lui, sans le montrer puisqu’il est derrière la caméra, et en évitant le film de fan, ou au contraire le film polémique ambiance plateau télé. Je ne voulais pas faire une adaptation littéraire, plutôt traduire visuellement le ton et le rapport au monde que Houellebecq a. Distant, amusé, ironique et désabusé.
Qu’est-ce qui, dans ces images d’archives, a suscité votre curiosité et vous a inspiré à réaliser ce film ?
Je trouvais amusant de montrer des images de vacances sur grand écran, d’en faire la matière d’un film. Elles ne sont pas destinées à ça, plutôt à la diffusion sur les réseaux et les téléphones, ou au souvenir intime. C’est la vieille idée que tout peut devenir cinéma, car il est l’art de l’hétérogène, de l’impur. Peu importe les moyens, les formats, les sujets. Ce qui compte, peut-être, c’est l’émotion que l’on arrive à fabriquer, le bonheur court et fugitif que l’on arrive à transmettre.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le travail de montage ?
Solitaire, acharné, joyeux. J’ai mis beaucoup de temps avant de trouver le rythme du film : efficace et rapide, tout en laissant l’ennui s’installer dans les plans. L’autre idée importante a été de confronter les images du passé à celles plus contemporaines de Google Street View. Ces images de machine traitées par algorithmes, froides et impassibles, me semblaient correspondre tout à fait au style de Houellebecq.
Michel Houellebecq a-t-il vu le film et si oui, quelles ont été ses impressions ?
Il n’a pas encore vu le film. Nous allons lui montrer. J’espère que ça le fera rire.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Le court métrage est un grand espace de liberté, d’expérimentation, d’apprentissage, de plaisir et de découverte. Avec les outils actuels, les quantités d’images produites et les sources disponibles gratuitement, on peut faire beaucoup avec peu. À propos de Lanzarote a été fait à la maison, avec un portable et un partage de connexion 4G. Il préfigure le type d’objets que les périodes de confinement et restrictions de libertés nous laissent libres d’inventer.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Lire Houellebecq et se promener sur Google Street View. Mais au bout d’un moment, je pense que c’est ennuyant.
Pour voir À propos de Lanzarote en général et de Michel Houellebecq en particulier, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F5.