Lunch avec Ainda Ontem (Hier encore)
Entretien avec Jessica Candal, réalisatrice de Ainda Ontem (Hier encore)
Pourquoi vous êtes-vous intéressée à la transition entre l’adolescence et l’âge adulte, et avez-vous d’autres projets qui traitent de cette période de la vie ?
Cette période entre l’adolescence et l’âge adulte m’intéresse car c’est le temps des possibilités multiples, mais où tout reste à définir. C’est un âge où de nombreuses voies semblent possibles, mais il est très difficile de faire le premier pas dans un sens ou un autre. La tension entre rêve et réalité, le désir et l’accomplissement de soi, voilà ce qui m’a poussée à écrire et à réaliser des films. Hier encore est le premier volet d’une série de trois courts métrages qui évoquent cette période de transition. J’espère boucler l’étude de ce thème avec la sortie du long métrage Horizon, que j’ai également écrit et qui est en phase de financement.
Pourquoi vouliez-vous des personnages qui déclament des poèmes en rap ? Avez-vous écrit vous-même les chansons ? Aimez-vous particulièrement ce style de musique ?
À l’origine, l’histoire se passait dans une petite ville, dans les années 1990, et les rêves des personnages se situaient dans un monde plutôt rock et grunge. Mais pendant le casting, les acteurs ont imprégné leurs rôles de leurs vécus personnels. Leurs rêves à eux étaient liés au monde du hip-hop, inspirés de leur vie dans les quartiers de Curibita. À partir de ces échanges, nous avons incorporé l’univers du rap et des quartiers de banlieue, mais tout en gardant l’idée centrale du projet, qui était de parler de la tension entre rêves et réalité. Donc en fait, les poèmes du film ont été écrits par les acteurs eux-mêmes. Certains ont été improvisés devant la caméra, d’autres ont été écrits au préalable.
Qu’est-ce que la chanson « CIC » ? Pourquoi est-elle importante dans le film ?
La chanson « CIC » a été écrite par J.A.C. (Juri de Atitude Consciente), un des plus vieux groupes de rap du quartier de CIC et de Curibita. Pendant le tournage du film, Betinho Celanex (membre actuel du groupe, qui joue Betão dans le court métrage) a fait remarquer que c’était les 15 ans de cette chanson, et les jeunes acteurs se sont mis à nous raconter leurs souvenirs liés à la chanson : l’un d’eux a nous a dit qu’il l’avait entendue pour la première fois dans la cour de l’école pendant la récré. Un autre, qu’il avait vu le groupe en concert dans son quartier. Non seulement ils la connaissaient tous, mais chacun avait un fort attachement affectif à cette chanson. Après avoir entendu toutes ces histoires, je me suis dit qu’il était important d’incorporer la chanson au film, car elle est chargée de beaucoup de sens. Donc dans le film, Betão évoque la chanson comme un souvenir de temps difficiles dans son quartier, dont il redoute le retour (à cause des valeurs néolibérales et élitistes qui ont envahi la politique du pays). Pour le personnage Neto et ses jeunes amis, c’est une chanson qui donne envie de réagir et de changer les choses aujourd’hui.
Avez-vous déjà prévu un voyage qui n’a jamais eu lieu ?
Comme les rêves des personnages s’expriment sous forme de poèmes dans le film, je vais vous répondre en reprenant les vers de la poétesse brésilienne Ana Martins Marques (dans son poème « Amor Não Feito »). Dans ce poème, elle dit qu’elle se souvient mieux de l’amour qu’elle n’a jamais connu, de la maison où elle n’a jamais vécu, du pays qu’elle n’a jamais visité, de la plage inaccessible vue d’en haut. C’est pareil pour moi. Plus forts que les souvenirs de ce que j’ai vécu, il y a les souvenirs de ce que j’ai rêvé de vivre un jour. Mais ce jour n’est jamais arrivé. Dans le poème, elle se demande ce que l’on fait de ce désir non assouvi. En faisant des films, je tente de répondre à cette question.
Diriez-vous que le format court vous a donné une certaine liberté ?
Les courts et moyens métrages que j’ai réalisés auparavant étaient plus expérimentaux et j’avais plus de liberté pour essayer différentes façons de tourner. Dans ce projet, notre mode fonctionnement était plus important et plus structuré, j’ai donc eu moins de place pour l’expérimentation.
Ainda Ontem (Hier encore) a été sélectionné dans la compétition internationale (I1).