Breakfast avec Am Cu Ce
Entretien avec Hannah Weissenborn, réalisatrice de Am Cu Ce
Pouvez-vous nous expliquer le choix du titre ?
Ce film parle des routiers en Europe de l’Est qui passent leur vie sur les routes afin de ramener de l’argent à la maison. C’est une vie de solitude, mais ils savent pourquoi ils le font. Certains rêvent de faire construire une maison dans leur pays, d’autres ont seulement besoin de gagner de l’argent pour leur famille. La plupart du temps ils n’ont pas d’autres moyens pour gagner leur vie dans leurs pays d’origine. « Am Cu Ce » est une expression roumaine qui signifie « j’ai tout ce dont j’ai besoin » ou encore « je sais ce qui me fait vivre ». Je voulais que le titre représente ces hommes qui reste en contact avec leurs familles toute la journée via Whatsapp mais qui sont aussi toujours sur la route.
Le personnage de Stancu est-il inspiré d’une personne que vous connaissez ? Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de raconter son histoire ?
L’idée du film est née alors que je faisais de l’auto-stop. Un camionneur m’a raconté que son patron, avec qui il s’entend très bien, lui avait donné une seconde carte conducteur. Cela m’a étonnée. Il conduisait autant d’heures que deux conducteurs et ne se plaignait pas d’être exploité. J’ai commencé des recherches et j’ai rencontré Dariusz. J’ai passé une journée avec lui dans son camion dans lequel il vit depuis plus de 12 ans. Il m’a parlé des attentes irréalistes en matière de livraison, du manque de places pour se garer et du fait que certains routiers en arrivent à uriner dans des bouteilles par manque de temps. Néanmoins, Dariusz exerce son métier avec beaucoup de fierté et de dignité. Il ne s’est jamais plaint en racontant tout cela. Il n’a pas non plus compris pourquoi son fils ne souhaitait pas devenir camionneur à son tour. Ce dernier trouvait que c’est un travail trop ingrat. Dariusz m’a émue et sa personnalité se retrouve dans le personnage de Stancu.
Quels autres sujets aimeriez-vous explorer en tant que réalisatrice ?
J’ai envie d’explorer les différents milieux sociaux et traiter des sujets politiques. J’aime beaucoup la phase de recherche, découvrir des détails dont je n’avais pas connaissance auparavant. Depuis que j’ai tourné un court métrage en co-production avec La Fémis l’an dernier à Paris, je suis tombée amoureuse du cinéma français et j’ai découvert des sujets qui ont suscité mon intérêt. Par conséquent, je peux envisager de faire des co-productions internationales dans le futur. Nous verrons bien !
Pouvez-vous nous parler de votre passé en tant que réalisatrice ?
J’ai étudié la politique, les sciences sociales et le droit avant de commencer à travailler en tant qu’assistante de recherche et de direction ainsi que chasseuse de tête pour des documentaires et des fictions. J’ai un bagage à la fois politique et cinématographique, plutôt avec une approche documentaire. La première fois que j’ai voulu devenir réalisatrice c’était parce que je voulais travailler avec des acteurs. La création de personnages me fascine. Je vois la réalisation de films comme l’alliance parfaite de mes intérêts politiques et artistiques.
Diriez-vous que le format court vous a donné une certaine liberté ?
Oui et non. Je me souviens m’être plainte du peu de temps que j’avais. Il y avait tellement de choses à dire sur le monde des routiers, j’ai eu l’impression de me restreindre. Nous avons discuté longtemps sur le fait que ce sujet pourrait être plus approprié à un format de long métrage. Finalement, le court métrage nous a poussés à résumer ce que nous voulions raconter. Am Cu Ce est un court métrage très dense en termes de narration, ce qui est une bonne chose. L’avantage du format court est qu’il oblige à se concentrer sur le cœur de l’histoire.
Am Cu Ce a été projeté en compétition internationale.