Dîner avec Ambasciatori (Les Ambassadeurs)
Entretien avec Francesco Romano, réalisateur de Ambasciatori (Les Ambassadeurs)
Ambasciatori évoque la violence au sein d’une communauté cachée dans laquelle des hommes âgés tentent d’acheter des prestations sexuelles auprès de deux jeunes albanais. Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce sujet et à ces protagonistes ?
Pour mes films, j’ai tendance à trouver l’inspiration dans la réalité que je vis ou que j’observe. J’ai découvert l’existence de ce cinéma pornographique dans un article de presse. Cela m’a intrigué et je m’y suis rendu. J’y ai passé beaucoup de temps avec mon cadreur, Alessio Angelone, et j’ai rencontré plusieurs personnes qui le fréquentaient. J’ai voulu faire ce film pour leur donner une voix, alors qu’ils font partie d’une communauté cachée, en marge de la société. Pour certains d’entre eux, ce cinéma est comme un club, un espace de divertissement qui leur permet de rompre avec leur solitude et les aide à vivre, tandis que pour d’autres c’est un moyen de gagner de l’argent et de survivre. Tous les personnages sont empreints de dignité et ont le droit d’exister : ils ont des vices et des vertus comme n’importe quel être humain.
Pour vous, quelle a été la partie la plus complexe lors de la réalisation de Ambasciatori et pourquoi ?
La scène la plus difficile à tourner a été celle dans les toilettes, qui montre une confrontation verbale et en partie physique entre les deux garçons et l’homme. Ils cherchent à obtenir plus d’argent en contrepartie de leurs performances sexuelles, mais l’homme refuse et ne peut pas les payer autant qu’ils le voudraient. Il y a des allers-retours permanents entre les trois personnages et la tension monte. C’était une scène compliquée pour cette raison, mais aussi à cause de l’embarras provoqué par la nudité partielle. Au début, et notamment lors des répétitions, ils étaient un peu hésitants. Je ne les ai jamais forcés et je leur ai dit que je ne filmerais que des plans rapprochés. Une fois sur le plateau, tout a changé et ils m’ont autorisé à les filmer en entier alors que leur sexe était visible.
Certaines scènes sont assez explicites. Comment s’est passée la direction des acteurs ?
J’ai adoré diriger mes acteurs. Je me suis beaucoup attaché à eux. La plupart ne sont pas des acteurs professionnels et je ne les remercierai jamais assez pour l’authenticité dont ils ont fait preuve devant la caméra. On a beaucoup travaillé et répété avec eux en amont du tournage. Une fois sur le plateau, ils avaient la possibilité d’improviser dans la limite d’un cadre et en respectant les points clés des scènes. Si quelque chose ne convenait pas, on essayait de résoudre le problème ensemble, en travaillant en équipe.
Quel effet espérez-vous que ces scènes aient sur les spectateurs ?
Pour être honnête, je ne me suis jamais fixé pour objectif d’étudier quel effet ces scènes devraient avoir sur le public. Je ne veux rien imposer aux spectateurs, mais j’espère toujours que chacun d’eux ressentira et vivra des émotions différentes. J’adore l’idée qu’une même scène puisse provoquer toute une palette d’émotions dans une audience.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
J’ai vu beaucoup de magnifiques courts métrages, dont la plupart n’ont rien à envier aux meilleurs longs métrages. Et j’ai hâte de me rendre au festival pour en voir autant que possible ! Donc c’est difficile d’en sortir un du lot, mais je pourrais citer The Sea Never Dies de Caterina Biasiucci, qui a également collaboré sur mon court métrage en tant que directrice de casting. Je l’aime beaucoup parce que son approche est à l’opposé de la mienne : c’est à la fois une fiction et un documentaire. Il raconte l’histoire d’une femme par le biais d’images d’archives d’époques différentes et de scènes sous-marines. Il m’a beaucoup ému.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Pour moi, c’est un film qui laisse entrevoir un univers unique et me donne matière à réfléchir. C’est encore mieux quand il soulève plus de questions qu’il ne donne de réponses.
Pour voir Ambasciatori, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I8.