Goûter avec Cerdita (La truie)
Entretien avec Carlota Pereda, réalisatrice de Cerdita (La truie)
Pourquoi ce thème du harcèlement moral ? Vous avez d’autres projets sur ce même thème ?
J’ai mis ma petite fille dans un monde qui parfois me terrifie. Ce film était une manière d’exorciser ces peurs en m’y confrontant.
Pourquoi avoir choisi la grossophobie pour illustrer vos propos ?
Au départ, je voulais écrire sur l’homophobie. Et puis un jour, au bord de cette piscine où se déroule le film, j’ai vu une enfant obèse venir se baigner aux heures les plus chaudes juste pour éviter de se confronter aux autres. Étant homosexuelle, je sais qu’à l’adolescence, la seule façon d’échapper à l’homophobie est de ne pas se dévoiler. Mais on n’échappe pas à la grossophobie. C’est là, exposé à la vue de tous et en lien avec l’agoraphobie. La grossophobie est un phénomène universel, y compris dans les communautés marginalisées, comme la communauté gay par exemple, ou même parmi ceux qui se considèrent comme des êtres “éveillés“.
Comment avez-vous trouvé l’actrice qui joue le rôle principal ?
Après 2 ans de recherche, j’ai vu Laura Galán dans une pièce. Elle avait 30 ans quand on s’est rencontré. Je cherchais une femme plus âgée que le rôle, qui soit prête mentalement pour le tournage. Mais là, j’ai eu peur qu’elle soit quand même un peu trop âgée et qu’on se retrouve avec un style à la Grease, où des acteurs de 40 ans essaient de vous faire croire qu’ils en ont 15… Le cinéma n’a pas autant de marge de manœuvre que le théâtre… Je lui ai donné rendez-vous dans un bar, et on a fait un essai à partir du dernier plan du film. C’était parfait. Je savais qu’il fallait que je prenne le risque. Elle était faite pour le rôle.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le fait que les tortionnaires fassent une vidéo de leur acte d’humiliation ?
Quand j’étais enfant, même dans un tout petit village, c’était possible d’échapper à la maltraitance en trouvant le réconfort de sa chambre. Aujourd’hui, avec les smartphones, il n’y a plus de refuge possible.
Est-ce que les questions de justice et de karma sont présentes dans votre récit ?
Je suis beaucoup plus intéressée par les questions du cercle vicieux de la violence. Comment un seul geste peut stopper le processus ou au contraire le perpétrer. Mais si quelqu’un a une lecture de cette histoire du point de vue du karma, ça me va aussi.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Oui. Quand il y a moins d’argent en jeu, la liberté de créer est plus importante. Quand on réalise un court métrage, on ne se pose pas la question de la recette. Malheureusement, d’entrée de jeu, on sait qu’on va perdre de l’argent. Du coup on fait ce qu’on veut.
Pour voir Cerdita (La truie), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I1.