Dernier verre avec Comment Fernando Pessoa sauva le Portugal
Entretien avec Eugene Green, réalisateur de Comment Fernando Pessoa sauva le Portugal
Avez-vous un lien particulier avec le Portugal ?
Oui, sous forme d’une affinité élective. Comme avec les Basques, il y a quelque chose chez les Portugais et dans leur culture qui trouve en moi une résonnance profonde.
Aimez-vous Fernando Pessoa en particulier ? Un poème préféré ?
Fernando Pessoa est peut-être le plus grand écrivain européen du siècle dernier, et en fait, avec ses hétéronymes, il représente quatre, voire cinq écrivains. Mon œuvre préférée, orthonyme, est Mensagem (Message), un livre de poèmes qui exprime le destin historique du Portugal, et un espoir messianique.
Connaissez-vous particulièrement le monde de la création publicitaire ?
Pas du tout, mais, comme tout le monde, j’en subis les assauts, dont j’essaie de me protéger.
Fernando Pessoa a bien réellement écrit ce slogan ? A-t-il rencontré des problèmes de censures ?
L’histoire est absolument véridique, à part l’exorcisme, que j’ai inventé, mais qui aurait pu avoir lieu.
À quel point vouliez-vous dénoncer la dérive totalitaire et la manipulation du pouvoir politique sur le peuple, avec complicité des instances religieuses ?
Le film évoque surtout une situation où la Barbarie (c’est ainsi que je désigne l’entité géographique qui se trouve entre le Canada et le Mexique) domine et colonise non pas avec des soldats, mais à travers la télévision et Internet, véhicules de la publicité, au sens large. Mais c’est aussi une évocation de la condition de l’artiste : Pessoa rêvait de réussir dans les affaires, mais chacune de ces tentatives dans ce domaine (il y en a eu d’autres) fut un échec total. Malgré son génie, il est mort jeune, pauvre, et inconnu en dehors d’un petit cercle d’intellectuels au Portugal. Même si cela passait par la tyrannie d’un régime fasciste, son échec, dans le cas du slogan qu’on entend dans le film, a eu comme effet de faire interdire dans son pays, pendant cinquante ans, le Coca-Louca, véhicule de la déculturation universelle, et de la domination barbare.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apporté en particulier ?
Un film doit avoir la longueur inhérente à son sujet, que cela donne quatre heures ou quinze minutes. Ce sujet donnait un film d’une demi-heure, et je suis content du film et de sa longueur.
Pour voir Comment Fernando Pessoa sauva le Portugal, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F12.