Breakfast avec Fantasy in a Concrete Jungle (Fantasme dans une jungle de béton)
Entretien avec Mehedi Mostafa, réalisateur de Fantasy in a Concrete Jungle (Fantasme dans une jungle de béton)
Quel est votre intérêt pour l’urbanisation ? Avez-vous d’autres projets sur ce thème ?
J’ai étudié l’architecture à Dhaka, c’est dans doute pour ça que je m’intéresse à l’urbanisme et à l’urbanisation. Je pensais à l’époque que Dhaka deviendrait une ville bien conçue, que ce serait possible. C’est bien sûr une utopie. Mais les utopies sont importantes pour le futur. J’ai vu Dhaka s’urbaniser très vite et c’est à présent la ville qui a la plus grande densité de population au monde. Je me demande parfois comment faire un film sur un endroit où je déteste habiter. Mon intérêt pour l’urbanisation est donc un peu multiple et éparpillé. Je travaille sur un long métrage documentaire nommé Making Places, lié au thème de l’urbanisation. Et je développe également une fiction sur une jeune personne qui fait ses études sur fond d’urbanisation à Dhaka.
Qu’est-ce qui pousse selon vous vos personnages à quitter les espaces ruraux pour lesquelles ils ont tant de nostalgie ?
Ils cherchent du travail, je crois que c’est assez commun partout dans le monde. Et nos campagnes sont toujours sous-développées en matière d’infrastructures publiques. Nos villages sont d’une verdure inestimable à côté de la laideur des villes au développement anarchique. Dans l’esprit des citoyens, la ville est donc mauvaise et moche. Ils y sont transitoirement en attendant de retourner dans leur village. C’est le fantasme de mes personnages, et je crois que c’est parce que nous ne savons pas ce qu’est ou peut être une cité. Nous n’avons pu qu’observer une rapide urbanisation, et nous n’avons pas ici de bon exemple à suivre en matière d’urbanisme. Ou peut-être nous est-il simplement impossible de repartir de zéro pour concevoir autrement des villes qui ont poussé aussi vite. Mon père aussi était maladivement nostalgique de son village. Il a commencé à s’occuper d’une ferme après sa retraite. Mais en même temps, il ne peut pas rester dans son village plus de deux semaines. Sur son passeport, son adresse de résidence est celle de la maison de village, pas de l’appartement où il habite à Dhaka.
Vous vivez vous-même à Dhaka ? Y a-t-il des endroits que vous appréciez ?
J’y habite. Il faut dire qu’hélas Dhaka dispose de très peu de lieux publics. J’aime les endroits de la ville où je peux profiter de quelque chose qui ressemble à un espace public, les endroits où je peux m’asseoir sans avoir à payer pour ça. Je le redis, on ne comprend pas le concept d’espace public dans cette ville. Tout est privé ou clôturé ici – même les espaces verts.
Pensez-vous qu’on puisse apprivoiser le béton ? Et croyez-vous qu’on ait vraiment apprivoisé la nature ?
La construction d’une habitation est quelque chose d’essentiel à l’existence sur terre. Nous avons besoin d’un domaine clos où vivre. Les animaux aussi vont se faire leur abri. Peut-être avons-nous simplement besoin de trouver l’équilibre entre la vie à l’état sauvage et les nécessités domestiques.
Quel est votre court métrage de référence ?
J’ai regardé beaucoup de courts à l’institut du film d’Inde. La plupart racontent une histoire. Un jour mon professeur m’a montré un court métrage documentaire qui s’appelait Before My Eyes, de Mani Kaul. C’était une commande de l’office de tourisme du Cachemire, en Inde, mais ce film n’avait rien d’un film touristique. En tout état de cause j’en ai un souvenir vivace aujourd’hui. C’était comme un documentaire en forme de paysage méditatif. Une mosaïque de plans statiques et changeants sur le panorama majestueux de la région du Cachemire, avec les sons de la vallée. L’auteur se sert de merveilleux éléments sonores hors-champ qui donnent une ouverture sur un monde différent tout en contemplant le paysage du Cachemire. Et on ne voit presque personne dans le film.
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Bien que je n’y sois jamais allé, je sais qu’il s’agit d’un festival de court métrage dont la programmation est très bonne et le public conséquent et attentif. J’ai aussi hâte d’explorer les activités de l’industrie du court dans les allées du Marché du court.
Pour voir Fantasy in a Concrete Jungle (Fantasme dans une jungle de béton), rendez-vous aux séances de la compétition labo L4.