Breakfast avec Hilum (Remède)
Entretien avec Don Josephus Raphael Eblahan, réalisateur de Hilum (Remède)
Pouvez-vous nous expliquer le choix du titre ?
« Hilum » a deux sens dans notre langue. En tagalog, « hilum » ou « hilom », ça veut dire « remède », mais en langue bisaya, ça veut dire « silence ». J’ai grandi à Manille, où l’on parle tagalog, et ma mère vient de la région où est parlé le bisaya (langue également parlée dans les îles Camotes, où on a tourné le film). J’ai eu l’idée de mélanger nos deux cultures pour obtenir un titre qui exprimerait cette « guérison silencieuse ». Dans la mesure du possible, quand je parle du film, je préfère dire Hilum, en évitant de traduire pour garder cette multiplicité de sens – et un peu pour rappeler l’hétérogénéité de la langue philippine.
C’est un film très poétique. Qu’est-ce qui vous a amené à cette histoire ? Pourquoi avoir choisi de la traiter de cette manière ?
Je voulais parler du passage à l’âge adulte. Pour être le plus fidèle possible à un récit d’initiation, je devais me référer à mon vécu. Le dialogue final raconte ma propre expérience d’un accident de voiture. Quand j’étais jeune, pour garder la face, je mettais souvent des barrières et dans mes relations aux autres, je jouais toujours un « rôle ». J’ai donc choisi ce concept de la « pleureuse professionnelle » dans le scénario pour exprimer les efforts désespérés que nous faisons dans l’espoir de guérir, de grandir. Comme le travail de ces personnes, un film poétique s’apparente à une performance, mais il laisse aussi beaucoup de place – dans ce cas précis, de la place pour le deuil. Il met en avant la dimension cosmique du deuil, non seulement dans le cas de la perte d’un proche, mais aussi le deuil d’une culture qui faisait jadis partie du quotidien des Philippins.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les pleureuses professionnelles ?
C’est une vieille tradition bisaya, dans laquelle les vieilles femmes chantaient des chants funèbres pour exprimer le chagrin des familles endeuillées ou des veuves. Le film se contente d’évoquer cette tradition archaïque et de la faire revivre dans un contexte moderne – alors qu’elle a été absorbée par le catholicisme, comme la plupart des traditions indigènes dans le pays. Elle n’est plus pratiquée aujourd’hui.
Comment se passe le tournage d’un court métrage aux Philippines ? Nous avons de superbes longs métrages ou films de genre qui nous viennent de là-bas. Y a-t-il beaucoup de moyens alloués au cinéma ?
Oui ! Il y a beaucoup de films magnifiques. Les Philippines bénéficient d’un monde artistique très dynamique. Hilum est le premier film que je tourne aux Philippines avec un budget et une équipe. Je ne sais pas si c’était parce que nous étions sur une petite île avec une équipe minuscule, mais l’ambiance était très détendue et joyeuse. Les voisins de ma grand-mère ont été très disponibles, prêts à proposer leur aide à tout moment.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
De plus en plus de réalisateurs, et même des gens qui ne sont pas réalisateurs, font des courts métrages aujourd’hui. C’est devenu un langage universel, et de plus en plus d’artistes contribuent à le faire évoluer.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Quand je faisais mes études à Chicago, ma façon d’échapper à l’ennui et au mal du pays, c’était de regarder sur YouTube des vidéos de battles de rap philippin. Il existe une ligue de rap, appelée FlipTop Battles. C’est très intense et incroyablement créatif. J’ai partagé ces vidéos avec des amis musiciens dont certains font du hip-hop, et à chaque fois ils sont admiratifs du niveau culturel et artistique de ces performances, bien qu’ils n’en comprennent pas un mot. Vous pourriez essayer ! Le hip-hop est un langage universel, lui aussi.
Pour voir Hilum (Remède), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I7.