Dinner with L’effort commercial

9 January 2021
Festival, Meeting with…
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Interview with Sarah Arnold, director of L’effort commercial

Your film was inspired by a real event. Why did you decide to make this film based on this event?
L’effort commercial was the result of a call for projects initiative started by the association Femmes & Cinéma. In cooperation with the French TV channel France 3, their project was to produce films directed by women on the theme of young women at work. They received more than one hundred scenarios. As for me, they gave me the scenario written by Aline Crétinoir, a young script writer who is now at the Conservatoire européen d’écriture audiovisuelle. The other film created in this same structure is Max by Florence Hugues. The original scenario tells the story of a cashier and is based on Aline’s own experience. The action and the environment were replicated in a very realistic and convincing manner, but part of the story took place outside the supermarket. However I wanted a huis-clos, a unique setting. When I heard about Fadila, who had had a miscarriage at her cash register in a supermarket in Tourcoing, I immediately wanted to talk about that. I did a lot of research and I spoke to the local union at the supermarket. There was a tremendous sense of injustice in their remarks. Great anger as well. How do you prove that an embryo that detaches itself from the uterine wall is due to difficult working conditions? During the first three months, these things happen…. And yet, Woman knows. She feels it when her stress or outside conditions start “colliding” with her pregnancy. What’s interesting, I find, is that it’s when it begins to show, when the belly starts to get round let’s say, that the woman enters into a category of “holy bearer of the future.” We show her our best consideration, often casting an infantilizing gaze as if she were weak or fragile. But, when the belly starts to be visible, things are going well. The embryo has given way to a fetus and in the vast majority of cases, all’s good. It’s before that, precisely when it doesn’t show, when the hormones are turning the body and the mind upside down, that the woman is fragile and needs you to listen to her. Yet several times over, Fadila asked for her hours to be adjusted but this wasn’t granted. Why? Out of contempt? Racism? Worse? In order for that to happen which indeed did happen and to avoid having to pay maternity leave? You start to imagine all sorts of scenarios. For me, Fadila’s case is a broader symbol of a precarious work environment which is becoming widespread in countries such as France which want to be irreproachable in terms of labor laws.

The décor, de-realized, accentuates the aseptic world of supermarkets and its starkness makes the spectators focus their attention on the acting. Can you tell us a bit about this choice?
I didn’t want to make a film that was a “national reality” as some of my friends joke. One of these touching French films, weeping with truth, that soothes your conscience because you surprise yourself for feeling something, but which reassures you in the end because you are on the good side of the story. I thought it would be opportunistic to depend on this woman’s suffering to make a realistic film. Me, what do I know about her reality? The tactic that we employed with Eva Medin, the set designer, was, for me, a way to respect the subject. I’m not stealing anything from Fadila, I’m interpreting. By stripping away realism, we wanted this to be universal, and to eschew the anecdote.

The character Eric, through his rigidity and lack of affect, provokes a certain uneasiness. He’s an essential character who incarnates the rigidity and lack of compassion in the system. How did you work with Pascal Tagnati to achieve this result?
It’s he who creates that. Pascal has a particular way of acting, very “him.” It’s a mix of coldness and humor. He always shows a bit of self-mockery as well. That’s what I like about him. He’s very funny. It’s a sort of tragic comedy sense of humor that I like a lot. As I said earlier, we  weren’t looking to create a realistic character. We wanted an ambiguous character. Someone who is trying to be nice and doesn’t realize his potential for aggression.  It’s the management’s hypocrisy of “we’re a family” that is violent.

What reaction or reactions did you want the film to provoke with the spectator?
I don’t really know. Discomfort perhaps… I like films that make you uncomfortable. For me, the cinema is not the art of entertainment, it’s the art of disturbance.

What do you think the future holds for short films?
If it continues to be subsidized, the short film has a long life ahead! It’s an endless space of artistic freedom, a ground of self-discovery as an author. It’s also a domain of expression where you make fewer compromises than in feature length films. What saddens me, personally, is when the short film “mimics” the feature length. Tries to resemble it, to be perfect. You see a lot of that in the shorts that win a César. They are almost always films that resemble, in their form at least, a feature length. And that’s sad because I find that the short film should serve as a way to dare, to take risks.

L’effort commercial is being shown in the National Competition F12.

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Dîner avec L’effort commercial

9 January 2021
Festival, Rencontre avec...
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Entretien avec Sarah Arnold, réalisatrice de L’Effort commercial

Votre film est inspiré d’un fait réel. Pourquoi avoir décidé de réaliser un film à partir de cet événement ?
L’Effort Commercial est issu d’un appel à projet, lancé par l’association Femmes & Cinéma. Avec France 3, leur projet était de produire des films réalisés par des femmes sur le thème de la jeune femme au travail. Ils ont reçu plus d’une centaine de scénarios. Moi on m’a confié celui d’Aline Crétinoir, une jeune scénariste qui aujourd’hui est entrée au Conservatoire Européen d’Écriture Audiovisuelle. L’autre film, réalisé dans ce même cadre, c’est Max de Florence Hugues. Le scénario d’origine racontait l’histoire d’une caissière et se basait sur la propre expérience d’Aline. Les gestes et l’univers étaient retranscrits de manière très réaliste et convaincante, mais une partie de l’histoire se passait en dehors du supermarché. Hors, je voulais faire un huis clos. Lorsque j’ai entendu parler de Fadila, qui avait fait une fausse couche à sa caisse, dans une grande surface de Tourcoing, j’ai tout de suite eu envie d’en parler. Je me suis beaucoup documentée et j’ai parlé avec la section syndicale du supermarché. Il y avait une profonde sensation d’injustice dans leurs propos. Une très forte colère aussi. Comment prouver qu’un embryon qui se décroche d’une paroi utérine est imputable à des conditions de travail difficiles ? Les trois premiers mois, ce sont des choses qui arrivent… Et pourtant, la Femme sait. Elle sent quand son stress ou les conditions extérieures viennent « heurter » sa grossesse. Ce qui est intéressant je trouve, c’est qu’à partir du moment où ça commence à se voir, où le ventre prend forme disons, la femme entre dans la catégorie des « saintes porteuses d’avenir ». On lui accorde les meilleurs égards, projetant sur elle un regard parfois infantilisant, comme si elle était faible, ou fragile. Or, quand le ventre commence à se voir, c’est que ça va très bien ! L’embryon a laissé place au fœtus et dans la grande majorité des cas, ça roule ! C’est avant, quand ça ne se voit pas justement, quand les hormones chamboulent le corps et l’esprit, que la femme est fragile et a besoin d’être entendue. Or, à plusieurs reprises, Fadila a demandé un aménagement horaire qui ne lui a pas été accordé. Pourquoi ? Par mépris ? Par racisme ? Pire ? Pour qu’il se passe ce qui s’est effectivement passé et éviter ainsi de lui payer un congé maternité ? On en vient à imaginer toutes sortes de scénarios ! Pour moi, le cas de Fadila est un symbole plus large de la précarisation du travail qui se généralise dans un pays comme la France qui se veut exemplaire en droit du travail.

Le décor déréalisé accentue l’aspect aseptisé de l’univers du supermarché, et son abstraction concentre l’attention du spectateur sur le jeu des acteurs. Pouvez-vous dire quelques mots sur ces choix de mise en scène ?
Je n’avais pas envie de faire un film « national réaliste », comme plaisantent certains de mes amis. Un de ces film français poignant, larmoyant de véracité, qui vous mettent la conscience tranquille parce que vous vous surprenez à ressentir des émotions, mais qui vous rassurent à la fin, parce que vous êtes du bon côté de l’histoire. Je trouvais que c’était opportuniste de se baser sur la souffrance de cette femme pour en faire un film réaliste. Qu’est-ce que j’en sais, moi, de sa réalité ? Le pas de côté qu’on a opéré avec Eva Medin, la cheffe décoratrice, c’était pour moi une manière de respecter le sujet. Je ne lui vole rien à Fadila, j’interprète. En déréalisant, on voulait universaliser, sortir de l’anecdote.

Le personnage d’Eric, par sa rigidité et son absence d’affect, provoque un certain malaise. C’est un personnage essentiel, qui incarne la rigidité et l’absence d’humanité du système. Comment avez-vous travaillé avec Pascal Tagnati pour parvenir à ce résultat ?
C’est lui qui amène ça. Pascal a un jeu très particulier, très « à lui ». C’est un mélange de froideur et d’humour. Il a toujours un peu d’autodérision aussi. C’est ça que j’apprécie. Il est très drôle ! C’est un humour tragi-comique que j’aime beaucoup. Comme je le disais plus haut, on n’a pas cherché à composer un personnage réaliste. On a cherché à faire un personnage ambiguë. Quelqu’un qui cherche à être sympa et qui ne se rend pas compte de son potentiel agressif. C’est l’hypocrisie managériale du « nous sommes une famille » qui est violente.

Quelle(s) réaction(s) souhaitez-vous que ce film provoque chez le spectateur ?
Je ne sais pas trop. De la gêne peut-être… J’aime bien les films qui gênent. Pour moi le cinéma n’est pas un art du divertissement, c’est un art du dérangement.

Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
S’il continue à être subventionné, le court métrage a une longue vie devant lui ! C’est un espace de liberté artistique inépuisable, un terrain de découverte de soi en tant qu’auteur. C’est aussi un lieu d’expression où l’on fait moins de compromis que dans un long métrage. Ce qui personnellement, moi, m’attriste un peu, c’est quand le court métrage « singe » le long métrage. Qu’il cherche à lui ressembler, à être parfait. On retrouve beaucoup ça dans les courts qui gagnent aux César. Ce sont pratiquement toujours des films, qui dans leur forme tout du moins, ressemblent à du long. Et c’est dommage, parce que je trouve que le court métrage devrait servir à oser, à se mettre en danger.

Pour voir L’Effort commercial, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F12.

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