Lunch avec Les Larmes de la Seine
Entretien avec Yanis Belaid, Eliott Benard, Nicolas Mayeur, Étienne Moulin, Hadrien Pinot, Lisa Vicente, Philippine Singer, Alice Letailleur, coréalisateurs de Les Larmes de la Seine
Le choix du sujet de la manifestation du 17 octobre 1961 a-t-il été rassembleur ou plutôt sujet à discussions au sein du groupe ?
Lorsque nous devions nous accorder sur le choix du film que nous allions réaliser, Yanis a proposé l’idée d’un film sur cet événement. Ce qui l’a marqué c’est que la plupart d’entre nous ne connaissions pas du tout cet événement, bien qu’il soit un morceau d’histoire de notre pays. Il est très vite devenu une évidence pour nous tous de raconter cette histoire, à notre manière, pour informer le trop grand nombre de personnes n’étant pas encore au courant de ce qu’il s’est passé. Les discussions sur le film ont sans attendre dérivé sur les moyens à mettre en place pour raconter notre histoire (notamment du côté technique car il y a un vrai enjeu en représentant de la foule variée), et nous ne nous sommes pas attardés sur le sujet en lui-même puisqu’il nous a tous rassemblés derrière cette même envie de faire connaitre l’événement au plus grand nombre.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le fait de commencer le film avec des cadrages et des coupes donnant la sensation de reproduire des images d’archives ? Avez-vous entrepris des recherches sur le déroulé des événements ?
La première partie du film se veut démonstrative, sans prise de parti, et la caméra embarquée s’y prêtait très bien car elle nous immerge dans la manifestation et retrace en globalité le parcours des travailleurs algériens. Cela a permis également de faire un gros travail sur le son, qui immerge le spectateur dans notre récit afin qu’il vive et ressente l’intensité de ce qu’il s’est passé au travers du film. Le déroulé du film retrace le parcours qui a réellement été réalisé le soir de la manifestation, en montrant des points clés de la ville de Paris, autant dans l’esthétique que dans l’image qu’ils envoient. Nous avons voulu être le plus fidèle possible sur le déroulé des événements, la similitude avec l’environnement, et les actions qui se sont produites ce soir-là : c’est donc sur ça que nous avons axé nos recherches.
Comment avez-vous travaillé sur les couleurs du film ?
Nous avons travaillé les couleurs du film en nous basant sur certaines références cinématographiques, comme par exemple Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, afin que les couleurs accentuent l’ambiance, qui évolue au court du film : des couleurs chaudes évoquant la fin de journée au début de la manifestation, la nuit tombée sur la place Saint-Michel rythmée par les gyrophares des camions de police intensifie le danger des actions qui s’y déroulent, l’opposition de couleur sous l’eau qui fait s’affronter les couleurs du passé et l’avenir avec la deuxième partie du film plus festive tout en isolant notre protagoniste, ou encore le stade avec ses projecteurs et couleurs pétantes qui amènent la joie et la mélancolie.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le rapport au rire et à la fête ?
Nous avions déjà fait le choix avec la stylisation du film de ne pas raconter les choses de manière trop frontale. Nous voulions, en montrant les choses factuellement dans la première partie, surprendre le spectateur dans la seconde avec un décalage entre ce à quoi il pourrait s’attendre et ce qu’on lui apporte : nous racontons la même histoire mais dans un monde parallèle, qui se veut festif et axé sur le vivre ensemble. L’opposition entre les violences de la manifestation et la joie et la douceur de la fête, accompagnées par la sublime trompette d’Ibrahim Maalouf, permet d’amener le spectateur vers un possible questionnement sur cet événement.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
Nous avons pu découvrir au cours de notre production le film Souvenir souvenir de Bastien Dubois, qui aborde des thématiques similaires à notre film. C’était très intéressant de voir la façon dont il a traité le sujet, et de pouvoir échanger avec lui.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Réaliser un film est un pouvoir qui ouvre toutes les possibilités, il y a des millions de façons de raconter des histoires, et tout autant de techniques et moyens pour les fabriquer. Pour nous, faire un film c’est créer quelque chose qui nous ressemble, raconter quelque chose qui nous tient à cœur : si le film plait à celui qui l’a créé, alors c’est un bon film, le reste dépend de la façon dont chacun le percevra.
Pour voir Les Larmes de la Seine, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F9.