Lunch avec Fest (Teuf)
Entretien avec Nikita Diakur, réalisateur de Fest (Teuf)
Comment avez-vous réalisé l’animation de Fest ?
L’animation est simulée. Les personnages sont des marionnettes accrochées à des ficelles virtuelles, un peu comme des marionnettes à fil en 3D numérique. L’animateur dirige les marionnettes en tirant les ficelles. En procédant de la sorte, on donne aux personnages une vraie liberté et une personnalité, car ils ne font pas toujours ce que l’animateur attend d’eux. On pourrait faire la comparaison avec la direction d’acteurs, où le résultat est souvent imprévisible et personnel. Cela laisse aussi de la place pour le chaos et les erreurs. Le défi, c’est de maîtriser ce chaos juste assez pour qu’il ne perturbe pas le récit.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans la représentation incomplète de personnages et d’éléments ? Ont-ils la capacité de se dématérialiser ?
Parfois, il ne sert à rien de peaufiner une scène à la perfection. Comme un croquis, une image 3D inachevée peut avoir autant de caractère et d’émotion, sinon plus, qu’une image complètement finie. L’inachevé permet à l’image de respirer, elle est moins sèche, plus directe et plus authentique. De plus, comme l’animation est simulée et calculée par ordinateur, pourquoi ne pas montrer d’où elle vient ? Tous les personnages prennent vie dans la fenêtre d’affichage du logiciel 3D et je pense qu’il est naturel de montrer cet espace, avec tout ce qu’il a d’incomplet, d’approximatif et de technologique. En faisant cela, on rend cet espace moins artificiel et plus tangible.
Pourquoi avoir donné ce côté frénétique aux personnages et à leurs actions ? Comment avez-vous obtenu cet effet ?
Les vidéos YouTube qui ont inspiré le film (« Russian Bungee Jumping » et « Thunderdome 97 ») sont très intenses, sous bien des aspects. Toutes deux montrent la déraison et la liberté. Elles contiennent beaucoup d’énergie et je voulais que cela ressorte dans l’animation. La simulation se fait par tâtonnements – il faut souvent plus d’une centaine de prises en simulation pour une seule action. Il a fallu beaucoup tâtonner pour recréer la même sensation en animation que dans les vidéos d’origine.
Pourquoi avoir choisi de montrer la séquence de saut à l’élastique sous différents angles ?
Le film évoque le chaos et tente d’y trouver un sens. J’ai voulu que cela ressorte au montage. Chaque séquence est pur chaos sous un angle ou un autre, mais mises bout à bout, elles prennent tout leur sens – enfin, dans une certaine mesure.
Diriez-vous que le format court vous a donné une certaine liberté ?
Peu de formats permettent autant de liberté et de singularité que le court métrage. Il permet d’explorer, d’expérimenter et au final, on se fait plaisir à soi, pas aux autres. Tout le monde peut faire un court métrage et il peut parler de ce qu’on veut. C’est un des supports les plus libres. Quand je fais un court métrage, je tente de raconter une histoire ou de récréer une émotion que j’ai ressentie. C’est une chance de pouvoir faire ça.
Pour voir Fest (Teuf), rendez-vous aux séances du programme L1 de la compétition Labo.