Breakfast avec Jour & Nuit
Entretien avec Mélanie Matranga, réalisatrice de Jour & Nuit
Comment avez-vous eu l’inspiration pour Jour & Nuit ?
En lisant le roman de Virginia Woolf Nuit et Jour, qui, en surface, n’a pas grand-chose à voir avec mon histoire mais qui, fondamentalement, parle de désirs frustrés et de difficulté à s’adapter aux conventions sociales et aux attentes des autres et celles que nous nous imposons à nous-même.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans les rapports sociaux entre ces personnages et les malaises qu’ils rencontrent dans leur échange ?
Rétrospectivement je pense que ce qui m’intéressais le plus c’est que l’empathie vienne du spectateur et qu’il n’y en a pas vraiment de la part des personnages. J’aimais que les liens se tissent en dehors d’eux. Qu’ils n’arrivent pas à se saisir de la situation pour créer des « connexions ». C’est un peu comme s’ils se regardaient à la loupe, saisissant quelques détails distordus de chacun mais ne parvenant jamais à avoir une vue d’ensemble. Ils n’ont aucun recul ni sur la situation ni sur eux-mêmes.
Pourquoi avoir choisi l’espace du restaurant pour cet échange ?
Je cherchais un endroit impersonnel où les personnages se retrouvent pour satisfaire un besoin vital, manger en l’occurrence. Certains y parviennent mieux que d’autres. Autour de cette table il ne se passe pas grand-chose, et la complexité arrive de choses très basiques comme manger, désirer, parler. Peut-être que c’était une façon d’envisager la narration de façon plus expressionniste et organique, l’histoire, si on peut parler d’histoire, se raconte à travers les bouches, les mains, les yeux, les fesses, les seins…
En quoi le rapport aux langues et/ou aux cultures étrangères vous intéressait ?
De la même manière que je ne cherche pas à raconter des histoires, à proprement parler, dans mes films, j’aime aussi que les personnages ne se comprennent pas directement à travers le langage. C’est une manière assez naïve de toucher du doigt une certaine humanité brute.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
À mon humble avis je pense que le format du court métrage a un très grand avenir devant lui !
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
J’aimerais beaucoup être optimiste mais la culture a toujours besoin d’être mis en perspective avec la réalité pour prendre de l’ampleur. C’est tous ces allers-retours entre le réel et la fiction qui donnent de la consistance avec ce que l’on lit, écoute, regarde. Cette mise en perspective étant considérablement réduite par l’enfermement j’ai bien peur que nous ayons à nous accommoder de l’ennui.
Pour voir Jour & Nuit, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F5.