Goûter avec Late Blooming in a Lonely Summer Day (Floraison tardive un jour d’été solitaire)
Entretien avec Sein Lyan Tun, réalisateur de Late Blooming in a Lonely Summer Day (Floraison tardive un jour d’été solitaire)
Pourquoi teniez-vous à écrire et à tourner un film comme Late Blooming in a Lonely Summer Day, qui se concentre sur le désir d’une femme d’âge moyen pour un jeune collègue ?
Je travaille sur des projets portant sur les droits des femmes depuis des années : la Birmanie et un pays dominé par les hommes, où les femmes parlent rarement ouvertement de leur désir sexuel à cause d’une dynamique culturelle marquée par la honte et la peur. C’est encore pire pour elles passé un certain âge. Au niveau social et émotionnel, les femmes continuent de dépendre des hommes, notamment quand elles ont le sentiment qu’elles deviennent trop vieilles. Le patriarcat est un système qui s’imprime dans notre cœur et notre esprit, et c’est important de combattre ces idées qui sont enracinées en nous, et qui se perpétuent de génération en génération.
Votre film se concentre sur la vie quotidienne, la routine et les tâches domestiques. Dans un sens, cela rappelle le cinéma de Yasujirō Ozu. Diriez-vous qu’il a été une grande source d’inspiration pour vous ?
Je dirais même que c’est un hommage à Yasujirō Ozu, qui a eu une très grande influence sur mon travail. Je n’ai pas suivi de cours dans une école de cinéma, et regarder des films a été pour moi le seul moyen de trouver l’inspiration pour devenir réalisateur. J’aime observer les gens de loin et essayer d’entrer dans leur vie. Je me demande ce qu’ils pensent, quel regard ils portent sur le monde et ce qu’il se passe dans leur quotidien.
Votre film aborde la question du désir féminin, subvertit avec brio le « male gaze » et fait voler en éclats de nombreux stéréotypes perpétués par le cinéma. Pouvez-vous développer ces facettes de votre film ?
J’avais envie de montrer le côté un peu « coquin » des femmes entre deux âges. Je sais qu’une femme qui fait de l’œil à un homme pendant plus longtemps que la normale, ça peut sembler bizarre. Mais ça arrive souvent. Je veux que les spectateurs comprennent tout de suite ce qu’elle pense. J’avais aussi envie de montrer le fossé générationnel et les modes de communications modernes dans la société. Aujourd’hui, les gens sont un peu plus ouverts concernant leur désir et leur sexualité, mais les anciennes générations considèrent encore que leur estime dépend du regard des hommes. Dans Late Blooming in a Lonely Summer Day, j’avais envie de monter qu’une femme d’âge moyen pouvait avoir du désir, mais aussi mettre en évidence les attentes et comportements stéréotypés envers les femmes et qui peuvent les blesser.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
Chaque film raconte une histoire à sa manière. Heureusement, l’année dernière j’ai pu voir davantage de courts métrages lors de festival, et je dois admettre que j’ai vraiment beaucoup aimé Hors de l’eau de Jela Hasler. Dans le film, la réalisatrice montre l’audace du personnage féminin, qui essaye de profiter de sa journée en dépassant les limites qu’elle se fixe elle-même. Ce film m’a inspiré pour développer mes personnages féminins.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
C’est un film que l’on regarde encore et encore, en l’appréciant toujours autant, qui nous fait du bien et qui donne matière à discuter. C’est ma définition d’un bon film.
Pour voir Late Blooming in a Lonely Summer Day, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I14.