Lunch avec Think Big
Entretien avec Mathieu Z’Graggen, réalisateur de Think Big
Comment avez-vous eu l’inspiration pour Think Big ? Avez-vous entrepris des recherches sur les fugues et les disparitions des adolescents, ou avez-vous basé votre histoire sur des faits réels ?
Le film se passe dans une petite ville dortoir du sud de l’Alsace en bordure d’un grand aéroport Franco-suisse et il se trouve que c’est la ville où j’ai grandi… L’histoire de Michel, qui piétine à côté de gens qui voyagent, est plus ou moins inspirée de faits réels, d’anecdotes, pour le point de départ en tout cas. Mais la fugue de Michel dans le film est une interprétation personnelle et non documentée de ce que pourrait être l’environnement déclencheur.
Comment avez-vous eu l’idée de vos personnages ? Et comment avez-vous procédé au casting ?
Les personnages se sont construits de la même manière que les décors, c’est à dire qu’ils ont une base réelle réinterprétée pour coller à l’univers légèrement décalé dans lequel je voulais installer le film. Tous les comédiens (en partie non professionnels) sont des connaissances ou des amis voire de la famille (ma grand-mère !). Nous avons malgré tout fait passer des castings car c’est toujours l’occasion de faire des rencontres et de recevoir une première lecture et interprétation de ce qu’on a écrit. Ça ouvre des portes et c’était pour moi l’occasion de tester les dialogues et d’éventuellement les adapter… Je l’ai pris comme un entraînement à la direction d’acteur et ça m’a été très bénéfique pour une première expérience.
Les sœurs et la mère du fugueur de Think Big ne semblent pas du tout conscientes de son état. Savez-vous ce qui existe comme accompagnements pour les jeunes en crise comme celui-ci ? Vous êtes-vous renseigné sur des situations réelles ?
Les femmes qui l’entourent n’ont effectivement pas conscience de ce qu’elles font subir à Michel. Il manque sans doute de considération qu’il va devoir chercher ailleurs, mais la situation n’est pas catastrophique ni dramatique et je n’ai pas eu la sensation de devoir m’accrocher à des expériences réelles.
Pourquoi avoir choisi cette étape dans le bowling ? Qu’est-ce que ce lieu apportait à l’histoire ?
Le bowling est un terrain de jeux fréquenté par des enfants et des adultes. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment un bowling mais un jeu de quilles, qui est une spécialité Haut-Rhinoise… Il existe des petites pistes de quilles comme ça dans la plupart des villages du Haut-Rhin. Et celle là est à Rixheim la ville dans laquelle se passe le film.
Dans le film, Michel découvre dans sa propre ville, un lieu atypique fréquenté par des gens atypiques. Sans s’en rendre compte il est déjà loin de chez lui.
Dans Think Big, on peut projeter une dimension crypto-gay. Êtes-vous d’accord avec cette possibilité ? L’aviez-vous en tête lors du tournage ?
C’est très drôle, je n’avais jamais entendu parler de cette qualification. Dès l’écriture, je voulais que les personnages secondaires masculins dégagent une forme de virilité autant que de tendresse ou de charme et c’est vrai qu’en travaillant ça avec les comédiens on se demandait si Michel n’était pas gay… La question est restée sans réponse et le film est devenu « crypto-gay ». Ahah.
Dans un passage de Think Big, vous donnez à voir la façon dont votre jeune héros, après sa fugue, se défoule sur les animaux qu’il a à garder. Pensez-vous que les individus susceptibles de nuire à leur environnement soient des personnes en crise comme ce garçon, pensez-vous qu’on pourrait les identifier avant qu’il ne soit « trop tard », et comment ?
Michel urine dans la litière d’un des chats du club de vacances et je n’avais pas vu ça comme de la maltraitance ou de la violence… Il le fait car son envie devient trop urgente et qu’il n’y a rien de plus proche. Un simple soulagement sous le regard déconcerté du propriétaire de la litière.
Think Big a été produit en France. Selon vous, dans le court métrage, qu’est-ce que la production française apporte que les autres n’ont pas ?
Je vais avoir du mal à comparer le système français aux autres car je ne sais absolument pas comment ça se passe dans les autres pays… Je ne savais même pas tellement comment ça se passait en France à vrai dire mais je découvre et je suis très agréablement surpris par le soutien des institutions régionales dans la création audiovisuelle et cinéma.
Dans notre cas, nous avons été très soutenus par la région Alsace à travers l’Agence Culturelle d’Alsace, ainsi que la Communauté Urbaine de Strasbourg, qui nous ont accompagnés dans ce premier film (qui en est également un pour la société de production).
Ce que je ressens en tout cas, c’est une réelle possibilité de s’exprimer à travers le court métrage, qui fédère de nombreux protagonistes : auteurs, producteurs, techniciens, comédiens… Mais malheureusement, peu de moyens de diffusion sont adaptés au format court en dehors des festivals.
Pour autant, le court métrage n’est pas obligatoirement qu’une étape avant le long.