Dernier verre avec Lune
Entretien avec Zoé Pelchat, réalisatrice de Lune
Pourquoi avoir intitulé votre film Lune ?
Parce que le personnage principal répète tout au long du film le mantra : « Je mérite la lune » – je mérite ce qu’il y a de mieux. Ainsi, la lune est devenue, en quelque sorte, l’emblème du film. Au fil de l’histoire, Babz, la protagoniste, apprend à se prendre en main, à décrocher la « lune ».
Dans quelle mesure ce film est-il biographique ou autobiographique ? Qu’est-ce qui vous a inspiré le portrait de cette femme et de son parcours ?
Il n’y a rien d’autobiographique dans le film. Je voulais aborder le thème de la réinsertion sociale car j’ai vu de nombreux films ou séries télé sur les détenus, mais peu sur les anciens détenus. Ce qui m’intriguait, c’était la vie après la prison et les réalités complexes qui vont avec – refaire sa vie, se pardonner, renouer avec son entourage, affronter l’exclusion et les préjugés, résister à la tentation de retomber dans ses vieux travers, assumer sa solitude, vouloir être reconnu en tant que personne, etc. Cette situation me paraissait si complexe et si sensible que j’ai eu envie d’en faire un film. J’ai rencontré deux anciennes détenues, à deux étapes différentes – l’une au tout début de la phase d’écriture et l’autre juste avant le tournage (l’actrice principale, Joanie Martel, l’a également rencontrée). Ces deux rencontres ont été formidables. Sans inspirer directement le personnage principal, elles ont apporté une certaine profondeur au scénario et au jeu d’acteurs. Mais surtout, elles ont insufflé au film un élément essentiel : la dignité. Ces deux femmes hors du commun ont vraiment guidé ma vision du film.
Qu’espérez-vous que le public en retienne ?
J’espère susciter de l’empathie pour les femmes qui se retrouvent dans la situation de Babz – ou les personnes marginalisées en général. J’aimerais que les spectateurs arrivent à la fin du film avec un sentiment d’espoir, l’impression que les gens sont plus forts, plus coriaces qu’ils ne le pensaient. Le film a aussi un parti-pris « pro-réinsertion » : je suis convaincue qu’on doit donner une seconde chance aux anciens détenus non dangereux, avec les aides et les moyens adaptés.
Quels sont vos sujets de prédilection en tant que réalisatrice ?
Tous mes projets, je pense, traitent de la solitude. Tant de gens la ressentent, et ce qui me fascine, c’est que nous soyons si nombreux sur la planète et que nous puissions nous sentir parfois si seuls ! J’aborde également la notion d’identité féminine – et ses variations infinies – dans plusieurs de mes projets. Et j’aime inventer des personnages qui surprennent.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
J’espère que le court métrage va continuer à mettre en valeur les cinéastes du monde entier, à échanger de nouvelles idées, à nous faire découvrir des gens et des œuvres formidables, à nous ouvrir à de nouvelles histoires et de nouvelles perspectives ! Il serait bon que les courts métrages deviennent plus accessibles et qu’ils intègrent la culture dominante – diffusés à la télé, par exemple, ou facilement disponibles pour le public, etc. J’aimerais qu’il y ait plus de subventions pour le court métrage au Québec, afin que nous puissions rémunérer correctement nos équipes et pour que davantage de gens puissent réaliser des courts ! Je pense aussi que ce format est là pour prendre des risques !
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Industry – La nouvelles série sur HBO, qui se passe dans une banque londonienne. Trop bien.
Grand Army – Une magnifique série ado réaliste sur Netflix, qui montre les adolescents dans toute leur beauté et leur complexité.
Les émissions de téléréalité, toutes époques confondues – Love is Blind, Séduction haute tension, L’incroyable famille Kardashian, L’île de la tentation, Big Brother, Queer Eye, etc. De la balle !
Et si vous souhaitez découvrir des films québécois récents, voici de merveilleux longs métrages que vous pourrez sans doute louer sur iTunes :
– Tu Dors Nicole (2014) de Stéphane Lafleur
– Une Colonie (2018) de Geneviève Dulude De Celles
– Sashinka (2017) de Kristina Wagenbauer
– La femme de mon frère (2019) de Monia Chokri
– Mad Dog Labine (2018) de Jonathan Beaulieu-Cyr et Renaud Lessard
Et quelques courts métrages québécois de ces dernières années :
– Star d’Émilie Mannering
– La peau sauvage d’Ariane Louis-Seize
– Chez les heureux de ce monde de Jean-François Sauvé
– Celle qui porte la pluie de Marianne Métivier
– Brotherhood de Meryam Joober
– Fauve de Jérémy Compte
– Goodbye Golovin de Matthieu Grimard
– Viaduc de Patrice Laliberté
– Ina Litovski d’Anaïs Barbeau-Lavalette et André Turpin
– Cherche femme forte de Marilyn Cooke
– Juste toi et moi de Sandrine Brodeur-Desrosiers
– Bleu tonnerre de Philippe David Gagné et Jean-Marc E. Roy
– Mon boy de Sarah Pellerin
Pour voir Lune, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I6.