Dernier verre avec Malabar
Entretien avec Maximilian Badier-Rosenthal, réalisateur de Malabar
Comment est né Malabar ?
L’idée est née de ma rencontre avec Marcel Jacq, l’acteur de mon précédent court-métrage Ông Ngoai. Il n’avait jamais joué auparavant. C’était une pure coïncidence, quand je passais devant un bar en allant au travail. Il avait alors accepté d’interpréter le rôle de mon grand-père vietnamien. J’étais très pudique à l’idée de confronter Marcel à l’équipe du film. La chef opératrice Marianne Tardieu et le producteur Yassine Qnia ont très vite accroché avec Marcel, puis sur le tournage Mourad et Harrison se sont occupés de lui. Cette relation improbable qui s’est créée avec l’équipe m’a beaucoup marquée. Je pense que je l’ai transformé inconsciemment en une rencontre accidentelle entre Mourad, Harrison et le personnage de Marcel dans Malabar.
Que vouliez-vous explorer à travers cette rencontre nocturne fortuite entre les deux amis et le vieil homme ?
Là où dans Ông Ngoai j’évoquais la différence générationnelle et culturelle entre un grand-père et son petit-fils d’origine vietnamienne, dans Malabar je voulais confronter un grand-père vietnamien au monde extérieur, en bas de chez lui, en explorant peut-être les mêmes thèmes mais avec plus de distance, car Harrison et Mourad n’ont pas de liens de parenté avec Marcel. J’aimais aussi l’idée que leur rencontre amène à tisser un lien éphémère mais existant. C’est ce qui tend les personnages vers ce lien que j’ai pris plaisir à développer.
Comment avez-vous travaillé avec les trois acteurs principaux de Malabar ? Quelles directions leur avez-vous données ?
Je parle beaucoup de Marcel Jacq, pour qui j’avais écrit ce rôle. Malheureusement, il est décédé quelques mois avant le tournage. Je ne pouvais pas trouver un autre génie comme lui, le temps était trop court et surtout le tournage, cinq nuits d’affilée, était drastique pour un homme de cet âge sans expérience. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir trouvé Hiep Tran Nghia. Il connaît le métier, il s’est beaucoup investi et à très vite compris le rôle. Il a l’habitude de jouer « l’asiatique de service » comme il le dit souvent. J’ai principalement travaillé sur la déconstruction de ce mimétisme avec lui. Dès le début de l’écriture j’ai pensé à Mourad et Harrison. C’était important pour moi de bien définir le caractère de chacun des deux personnages à l’écriture : Harrison est plus jeune et naïf, Mourad est plus terre à terre. Nous avons eu deux sessions de répétition où nous avons défini les émotions des personnages pour chaque séquence. Sur le tournage, j’ai adoré composer avec eux. Leur jeu s’est amplifié avec les éléments du décor bien que nous ayons très peu improvisé.
Quelles réactions ou réflexions aimeriez-vous que votre film suscite chez le spectateur ?
Je ne peux pas prédire la réaction du spectateur, mais avec Malabar la seule réflexion qui me vient en tête maintenant c’est l’entraide, plus d’entraide surtout en cette période chaotique. Je pense notamment aux personnes âgées qui sont mises à l’écart, c’est très dur.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Je n’ai aucune idée de l’avenir du court métrage. On a vu avec les festivals en ligne que les spectateurs sont nombreux, et c’est positif. Le court métrage pourrait avoir sa catégorie dans les plateformes de vidéo à la demande. Personnellement, je préfère ce côté exclusif que le court métrage représente, ça lui laisse une grande liberté et c’est important pour les jeunes auteurs et les jeunes comédiens. Quand je dis « jeune », je parle en expérience ou notoriété, pas en âge.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Lire, profiter de ce temps libre pour lire. Et l’échange, même à distance. Je ne sais pas si on peut considérer ce plaisir de plaisir « culturel », mais c’est important de garder un contact avec les gens, c’est ce qui nous nourrit.
Pour voir Malabar, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F3.