Lunch avec Matriochkas
Interview de Bérangère McNeese, réalisatrice de Matriochkas
Que vouliez-vous explorer dans cette relation toxique entre une mère immature et une jeune fille sans repère ?
Je voulais traiter de maternité et de mères de la manière dont je les observe souvent autour de moi : pas forcément comme des symboles, des figures, mais comme des humains, des humaines qui font ce qu’elles peuvent avec maladresse. J’ai l’impression que l’on ne se transforme pas en mère dès lors que l’on a un enfant, on décide, ou non, de le devenir, en apprenant, au fur et à mesure. Dans le cas du film, la mère d’Anna refuse ce rôle, pourtant elle aime profondément sa fille. Anna décide de ne pas faire le même choix que sa mère à son âge, mais elle sait que sa mère va forcément le vivre comme une trahison, comme un jugement du choix qu’elle a fait elle-même. Enfin, je voulais parler des alliés que l’on trouve dans les combats dits « de femmes ». Ici il s’agit de Nelson, alors qu’il aurait pû être un opposant, un prédateur. Ce rapport de confiance inattendu m’intéressait.
Comment avez-vous travaillé avec les deux actrices principales ?
J’ai casté beaucoup de jeunes filles pour le rôle d’Anna avant de rencontrer Héloïse qui n’avait encore jamais tourné, c’était son premier casting. Mais elle a beaucoup d’instinct et une intelligence de jeu fascinante. Pendant l’écriture, je pensais déjà à Victoire, que je ne connaissais pas personnellement, alors que le personnage de Rebecca est assez éloigné de ce qu’elle dégage dans la vie. Je pense que le challenge de composition lui a fait envie. Et de faire travailler les deux ensemble, c’était hyper jouissif. Je veux capturer les premières prises, donc on a fait peu de répétitions, mais j’aime bien diriger vers différentes intentions pour obtenir une palette de possibilités au montage, et elles proposaient beaucoup.
Quelles sont vos œuvres de référence ?
Les films de Maïwenn, de Kechiche, de Pialat, des films qui laissent vivre, respirer les comédiens. Ce sont les personnages qui me touchent, je sais qu’en tant que spectatrice, c’est ce qui me transporte le plus. J’essaye de transposer cette priorité à mes films.
C’est votre troisième court métrage (après Le sommeil des Amazones, en 2015 et Les corps purs, en 2017). Quels sont vos projets pour la suite ?
J’écris mon premier long-métrage, entre les tournages sur lesquels je travaille comme comédienne.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées ?
Le court métrage a été pour moi un terrain d’expérimentation fabuleux. Il m’a aussi appris la réalisation puisque je viens du jeu et que je suis autodidacte. Il m’a permis de forger mes goûts en matière de récit, d’image, de montage, de rencontrer mon équipe avec laquelle j’espère travailler longtemps. J’ai aussi appris avec mon court-métrage Les corps purs, à être à la fois devant et derrière la caméra, ce qui impliquait une part de risque, d’expérimentation, que seul le court pouvait m’offrir.
Pour voir Matriochkas, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I1.