Goûter avec Pa Vend (Déplacé)
Entretien avec Samir Karahoda, réalisateur de Pa Vend (Déplacé)
Comment avez-vous abouti au choix de ce sujet et de ce protagoniste pour votre film ?
C’est une histoire que je connais bien. J’en ai entendu parler pour la première fois quelques années après la guerre du Kosovo, c’est-à-dire vers 2004-2005. Un ami proche, qui est l’un des personnages principaux du film, rentrait d’Allemagne, et s’était remis à jouer à un niveau professionnel, dans le club de tennis de table où il jouait avant de quitter le pays. Depuis, et encore aujourd’hui, ce club, qui est pourtant le meilleur club de tennis de table de notre état, n’a toujours pas résolu le problème de son espace d’entraînement permanent. Je me suis toujours dit que les deux protagonistes seraient meilleurs dans leurs propres rôles que n’importe quels acteurs. Nous en avons discuté ensemble, et ils ont fini par accepter de participer au film et d’interpréter leurs propres rôles ; je leur en suis très reconnaissant, vu la performance qu’ils nous offrent, et je suis ravi de notre décision.
Le cadrage de vos images en 4:3 est très convaincant. Pouvez-vous nous parler de cet aspect du film ?
En réalité, il s’agit d’un format carré, 1:1. Pendant la phase de recherches et de repérages, et après avoir analysé les joueurs pendant leurs entraînements, je me suis dit qu’il faudrait faire un maximum de gros plans. Dans les premiers tests, j’ai décidé d’être le plus proche possible des personnages, dans la mesure où ils se transforment en des personnages complètement différents au cours du match, et en resserrant le format, beaucoup d’éléments inutiles restaient hors champ, ce qui permettait de se concentrer sur les acteurs. C’est en soi une métaphore du manque d’espace, et esthétiquement adapté au format du récit.
Pa Vend a reçu le prix du meilleur court métrage au festival international du film de Toronto. Que projetez-vous pour la suite de ses aventures ?
Ce film a eu un parcours absolument incroyable. Il a été projeté pour la première fois à Cannes et c’était le premier film Kosovar à être sélectionné dans la compétition officielle du festival, et nous voilà nominés à l’Académie Européenne du Cinéma dans la catégorie des meilleurs court métrages européens. Puis on a gagné ce prix du meilleur court métrage à Toronto, au festival Cinemed de Montpellier, on a gagné le grand prix du court métrage, et plein d’autres. Récemment, le film a fait partie des cinq nominés pour le prix du cinéma européen et le film sera en compétition à Sundance. Au total, ça fait qu’on a réussi à être sélectionné en compétition dans 3 des 5 festivals les plus importants au monde, ce que je trouve extraordinaire.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
En tant que programmateur de courts métrages au Dokufest, le festival du court métrage et du film documentaire de Prizren au Kosovo, depuis près de 20 ans, je regarde des centaines de films chaque année, et je vois toutes sortes de formes et toutes sortes d’histoires. Je n’arriverais pas à n’en retenir qu’un. Mais regarder des films m’a formé en tant que réalisateur, car je n’ai jamais terminé mes études de cinéma. J’ai étudié la photographie. Le savoir et l’expérience que j’ai acquis en photographie rendent mon métier plus facile dans la mesure où je gère l’image de mes propres films et je conceptualise le format de mes récits principalement à travers la photographie.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Il faut qu’il fasse preuve de courage à la fois en termes de réalisation ou forme, et en termes de contenu.
Pour voir Pa Vend(Déplacé), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I14.