Dîner avec Palma
Entretien avec Alexe Poukine, réalisatrice de Palma
Pourriez-vous nous expliquer le choix du titre ?
Pendant toute la préparation et le tournage du film, le projet s’appelait Kiki, du nom de la mascotte de la classe. Le film était écrit comme une tragi-comédie, mais le projet s’est transformé au fur et à mesure. A la fin du montage, on s’est aperçu que le titre d’origine ne correspondait plus vraiment au ton du film finalement plus dramatique que ce que j’avais imaginé. On a décidé de l’appeler Palma parce qu’il s’agit du nom de la ville où les deux héroïnes passent le week-end, mais aussi à cause de ce que ça évoque : la palme. C’était un clin d’œil à cette recherche de la mère de faire les meilleures photos de Kiki, de se présenter comme une mère formidable.
Y a t-il des éléments autobiographiques ? Qu’est-ce qui vous a poussé à raconter l’histoire de Jeanne et d’explorer la relation entre la mère et la fille lors de ce voyage ?
Ce film est né de mon désir de rejouer un épisode que j’ai vécu il y a quelques années avec ma fille. J’étais alors dans une situation difficile émotionnellement et financièrement et ai décidé de partir à Majorque sur un coup de tête car je ne supportais pas l’idée que ma fille ait à exposer une vie que je n’aimais pas et qui me faisait honte, devant toute sa classe, photos à l’appui. L’idée était là. J’ai seulement eu ensuite à pousser un peu les curseurs de la fiction. Il s’agissait d’abord de se moquer un peu de moi (sur le mode « faute avouée à moitié pardonnée »). Et puis surtout de parler de la maternité d’une autre façon. Il me tenait à cœur de présenter cette femme ni comme une mère maltraitante ni comme une mère-courage, mais simplement comme quelqu’un qui fait ce qu’elle peut, qui voudrait être à la hauteur et n’y arrive pas toujours.
Le film est très touchant et le chagrin et les frustrations de la fillette et de la mère se font ressentir. Qu’aimeriez-vous communiquer au public ?
Je crois que la maternité est l’un des grands sujets auquel le cinéma (mais aussi la littérature, la chanson, etc.) devrait s’atteler. Le regard (souvent masculin…) porté sur les mères est parfois assez stéréotypé, je trouve. J’avais envie de montrer une femme banale, avec des sentiments ordinaires, c’est à dire en effet le chagrin, la frustration, mais aussi la tendresse. Je ne me reconnais pas beaucoup dans les portraits de mères hystériques, abusives ou sacrificielles. J’avais envie d’essayer de filmer une mère qui ressemblerait à celles que je connais et pas à un modèle archétypal.
Parlez-nous un peu du casting.
Le désir de faire ce film est né de l’envie de filmer ma fille. Comme elle est très réservée, je me suis dit qu’il serait plus simple de jouer moi-même le rôle de sa mère. Pour finir, après plusieurs essais, on s’est rendu compte qu’il était très difficile pour elle de faire la différence entre notre relation et celle des personnages du film. Et je crois que j’avais plus envie de la voir jouer qu’elle n’avait, elle, réellement envie de jouer. On a donc décidé de trouver une autre petite fille, et pour des raisons de budget et de facilité, j’ai gardé le rôle de Jeanne. On a fait passer des essais à plusieurs petites filles. Lua Michel est la fille d’une amie réalisatrice. Je suis allée chez elle, nous étions seules et on s’est mis à jouer. J’ai tout de suite su que j’avais trouvé le personnage de Vanya. Lua aime réellement jouer et elle est tellement précise et juste qu’il est difficile d’être tout à fait mauvaise quand on joue avec elle. Je suis très honorée qu’elle est acceptée de jouer dans mon film. Les autres personnages jouent leur propre rôle. Les deux logeuses espagnoles sont les dames à qui j’avais loué une chambre à l’époque, par exemple. Je les ai recontactées pour le film. Le jeune homme que je rencontre durant mon errance nocturne est un ami de Marta, la régisseuse. Nous aurions dû filmer un groupe d’adolescents mais nous étions tellement en retard que j’ai préféré annuler. A 2h ou 3h du matin, il est arrivé. Je lui ai juste demandé de m’offrir une bière. Rien n’était écrit. Aucun des comédiens n’a lu le scénario. D’ailleurs, nous avons tourné plusieurs parties du film pratiquement comme un documentaire, avec une toute petite équipe et en se servant de ce que le réel nous offrait comme surprises.
Que souhaitez-vous explorer par la suite en tant que réalisatrice ? Aimeriez-vous travailler sur d’autres courts métrages et vous attaquer aux longs ?
Je commence à être trop vieille pour faire des courts métrages, plus personne ne voudra bientôt me produire 😉 ! Je suis en train d’écrire deux longs métrages de fiction et je travaille sur un nouveau documentaire. Ces prochains films ont avoir avec l’émancipation féminine et la maternité encore.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
J’ai l’impression qu’il y en aura de plus en plus, et qu’ils seront de moins en moins standardisés. De plus en plus de gens filment et montent, et font des films hyper libres et singuliers. Le plus difficile, j’ai l’impression, est parfois de conserver cette liberté (de ton et de forme), en passant au format long.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous ?
Pourvu que non !!!… mais si c’était le cas, je conseillerais la série I love Dick de Sarah Gubbins avec Kevin Bacon et Kathryn Hahn. Une merveille, selon moi. Et Drunk, de Thomas Vinterberg. Je me suis mise à lire des BD pendant le premier confinement. Je n’y connaissais rien du tout. J’ai adoré par exemple celles d’Alessandro Pignocchi.
Pour voir Palma, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F7.