Breakfast avec Photo jaunie
Entretien avec Fanie Pelletier, réalisatrice de Photo jaunie
Pourquoi vouliez-vous rendre hommage à votre père ?
Le point de départ était une quête de sens : comprendre son désir de partir. Ensuite, inévitablement, c’est devenu un hommage à mon père, mais surtout à la mémoire et à ce matériel envers lequel je ressentais une responsabilité.
Qui tenait la caméra dans les images d’archives ? Comment se fait-il que vous ayez tant de vidéos de cette qualité pour la jeunesse de votre père, à la fin des années 60 et le début des années 70 ?
Il s’agit de mon grand-père, pour la plupart du 8mm et quelques VHS, ainsi que mon père qui tenta de poursuivre cette pratique familiale. Mon grand-père s’était acheté une bonne caméra et filmait constamment par la suite. Je crois qu’il avait l’œil et a développé un talent pour filmer. C’est ce qui donne cette qualité esthétique contrairement à celle plus amateure qu’on est habitué à voir dans les films de famille conventionnels.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le fait de partager avec tous le regard de votre père sur la masculinité avec sa sensibilité et sa tendresse naturelles ?
On parle beaucoup de la condition des femmes, mais rarement de la condition masculine. Je crois que les hommes souffrent également du patriarcat. J’ai compris en lisant les journaux de mon père que cette image de l’homme fort avait beaucoup contribué à son mal-être. Je crois que si on veut une représentation de la femme plus forte et rationnelle, cela ne peut pas se faire sans accepter celle de l’homme dans sa fragilité et sa sensibilité.
Est-ce que la voix off masculine est totalement une lecture des textes de votre père ou en avez-vous écrit certaines parties ?
Entièrement de ses écrits. Je n’aurais pu écrire à sa place. Par contre, il y a un grand travail de sélection et de construction d’une histoire à partir de ces écrits fragmentaires sans fil dramatique. J’ai construit le récit en faisant un ordre cohérent chronologiquement et thématiquement.
Votre père abordait-il d’autres thématiques dans ses mémoires ou avez-vous suivi ses pensées en intégralité ?
Oui, il abordait beaucoup de thématiques différentes, c’était même un peu chaotique, mais je me suis attardée à ce qui se dégageait principalement dans son ensemble. Mon travail est surtout au niveau du sens qui s’est fait par la sélection et l’ordre de ces fragments écrits. Les questions qui sont abordées dans le film sont celles qui ressortaient le plus souvent et sur lesquelles j’ai voulu me concentrer pour mieux comprendre son malaise. C’est en ce sens que ce projet part avant tout de ma propre quête de sens.
Envisagez-vous de réaliser d’autres films à partir de souvenirs ou autour de cette question ?
Pas nécessairement à partir de souvenirs mais sur les traces, ce que les archives nous révèlent sur une société. Mon prochain film portera sur l’adolescence du point de vue féminin à l’ère des nouveaux médias et je m’intéresse plus particulièrement aux vidéos en direct produites par les jeunes filles.
Avez-vous de l’intérêt pour la question de la transmission et du besoin qu’en ont les êtres humains ? Avez-vous d’autres projets sur ce thème ?
Oui absolument, je trouvais ça magnifique que cette tradition familiale de filmer soit allée jusqu’à moi et je veux la transmettre à mon tour. Je veux également enseigner pour transmettre ma passion pour le documentaire. Pour moi, tout projet documentaire est finalement une question de transmission, que ce soit d’un savoir, d’une émotion, d’une réflexion ou d’une expérience.
Combien de temps avez-vous travaillé sur Photo jaunie ?
Beaucoup de temps, 2 ans environ à temps partiel dont 4 mois intensifs à temps plein pour le montage image.
Pour voir Photo jaunie, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I2.