Lunch avec Pitbull
Entretien avec Fabián León López, réalisateur de Pitbull
Tout d’abord, pourquoi ce titre ?
De plus en plus, le pitbull est utilisé par ses maîtres pour montrer leur force. Il est devenu la façade d’une virilité simpliste qui vole en éclats aujourd’hui.
Que souhaitiez-vous montrer à travers cette relation ? Entre l’homme et la femme, entre l’homme et le chien ?
Je voulais me remettre en question, moi et les autres hommes, à travers l’expérience de ce jeune homme solitaire et son rapport avec sa virilité intérieure et sa part féminine. Je pense qu’aujourd’hui, les rapports de forces entre les hommes et les femmes, c’est un sujet sur lequel tout le monde est amené à réfléchir, pour se remettre en question. Il faut trouver un terrain d’entente. Les conceptions traditionnelles n’existent plus, et si on s’y accroche, on va juste se faire du mal. Le chien représente cette virilité stéréotypée qui continuera à faire profondément souffrir le personnage s’il ne se résout pas à se réconcilier avec ses propres désirs, qui ne sont pas exactement tels qu’il le croyait. Il doit trouver le juste équilibre entre sa force, son attention et ses besoins.
Pourquoi avoir choisi de faire un film quasiment sans dialogues ?
C’était la meilleure façon d’exprimer cette solitude masculine que nous subissons dans la vraie vie. On a l’habitude d’utiliser des mots pour atteindre des objectifs extérieurs, mais quand il s’agit d’exprimer des sentiments, dans la société dans laquelle j’ai grandi, c’est peu commun.
Comment avez-vous filmé les scènes de sexe ? C’est quelque chose qui a tendance à être très règlementé de nos jours. Comment les avez-vous travaillées avec les acteurs ?
Je me suis efforcé d’être aussi clair et aussi bienveillant que possible. De ne pas faire de surprises aux acteurs. Le plus important était de leur dire dès le départ ce que j’attendais. Une fois qu’ils ont lu le scénario et qu’ils l’ont accepté, je devais arriver à ce qu’ils me fassent confiance, les mettre à l’aise en leur donnant des instructions claires quant à l’intensité que je voulais obtenir dans la scène de sexe. Il nous fallait une scène qui ne soit ni romantique ni vulgaire, juste du sexe assumé entre adultes, dénué de sentiments – un homme qui veut impressionner une femme plus âgée, tandis qu’elle, de son côté, prend du plaisir librement avec un beau mec jeune.
Comment avez-vous travaillé avec le chien ?
Notre superbe chien s’appelle Loki, c’est un animal dressé. À l’origine, j’avais prévu plusieurs scènes que nous n’avons pas réussi à finaliser dans les trois jours de tournage qui nous étaient impartis. Il nous a fallu beaucoup de patience et d’attention. Mais avec l’aide du dresseur et du maître de Loki, nous avons compris qu’il fallait une mise en scène aussi épurée que possible, afin d’obtenir les plans-séquences très simples que l’on voulait. Et ce que j’ignorais, c’est que notre acteur avait très peur des chiens, mais il a vite compris que Loki était un super chien, très protecteur et affectueux.
Quel est votre parcours de cinéaste ?
Je viens d’une petite ville du sud du Mexique qui s’appelle Tabasco, dans l’état du pays où l’on exploite le plus le pétrole. C’est là que je me suis heurté pour la première fois à ce rôle d’homme autoritaire et chef de famille qu’il me fallait endosser pour devenir adulte. Mais après trois tentatives, j’ai été pris à l’école nationale de cinéma, l’ENAC. Je suis parti à Mexico et à la fin de mes études, j’avais réalisé cinq courts métrages et bossé sur pas mal de films de potes. J’ai appris un maximum de choses sur le métier de réalisateur, mais j’ai aussi découvert la renaissance du mouvement féministe, ce qui m’a amené à m’interroger sur tous les préjugés qui me venaient de ma vie en province. Dans chacun de mes films, j’abordais systématiquement l’homme et son parcours intérieur, et Pitbull est le point culminant de cette démarche. En ce moment, je réfléchis à ce sujet, mais du point de vue féminin, pour un long métrage que je prépare avec mon équipe.
Qu’attendez-vous du festival de Clermont-Ferrand ?
L’objectif principal, c’est toujours de faire des rencontres. J’aime l’idée de montrer mon travail à un public nouveau. Mais c’est surtout une occasion rêvée de croiser d’autres réalisateurs et des gens qui travaillent dans ce milieu. J’ai eu la chance d’aller à plusieurs festivals au cours de ma carrière, mais Clermont sera un cran au-dessus, j’en suis certain. Je suis reconnaissant et enchanté par avance d’y aller, j’ai hâte d’en apprendre encore plus sur ce monde magnifique et difficile du cinéma.
Pour voir Pitbull, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I10.