Concours de la jeune critique 2019
RÈGLEMENT
Préambule
Le court métrage est un outil pédagogique intéressant dans l’apprentissage de la critique cinématographique. Sa durée réduite et la diversité de sa production lui confèrent un statut particulier propre à susciter la réflexion. Le concours souhaite prolonger la programmation scolaire en mobilisant, à l’écrit ou par une production audiovisuelle, le regard des élèves sur un support de création artistique de premier plan : il s’agit de leur offrir un espace d’expression, d’analyse filmique et d’initiation à l’exercice de la critique cinématographique.
Article 1
L’association Sauve qui peut le court métrage organise, à l’occasion de la 41e édition du Festival du court métrage de Clermont-Ferrand (du 01 au 08 février 2019), le 21e Concours de la jeune critique cinématographique 2019, en partenariat avec le Rectorat de Clermont-Ferrand, la fondation Varenne, le magazine Bref et la MAIF.
Article 2
Ce concours est ouvert aux élèves de tous les établissements scolaires, de la quatrième à la terminale, qui suivent tout ou partie de la 41e édition du festival.
Article 3
Les participants doivent rédiger une ou plusieurs critiques de films projetés lors des séances scolaires du Festival international du court métrage 2019. La critique doit être présentée sous forme d’une page dactylographiée de 250 mots, plus ou moins 10%, soit entre 225 et 275, (le nombre de mots doit obligatoirement être mentionné dans l’envoi) ou sous forme de vidéo de 03 minutes maximum. La critique peut être issue d’un travail personnel ou d’une réalisation suivie par un professeur.
Dans le cas d'une critique écrite, il est impératif que ce travail soit individuel, les critiques collectives ne seront pas acceptées dans le cadre du concours.
Article 4
Les textes chercheront à répondre aux trois objectifs prioritaires du concours :
- ouvrir un espace d’expression sur les courts métrages : la critique prolonge l’expérience de l’œuvre et présente une opinion argumentée.
- développer une réflexion sur l’outil cinématographique : la bonne compréhension du film et la pertinence de l’analyse filmique sont des éléments déterminants pour le jury.
- proposer un exercice rédactionnel : la critique est un genre écrit particulier, dont le concours permet d’explorer les facettes. Par ailleurs, le respect et la qualité de la langue sont décisifs.
Article 5
Il est demandé aux enseignants d’opérer une présélection des travaux de leurs élèves et de n’envoyer que les critiques qui leur ont semblé originales ou dignes d’intérêt. Ils doivent impérativement spécifier aux membres organisateurs le nombre total de critiques écrites au sein de leur classe.
Article 6
Les scénarios des films sont consultables sur le site du Festival du court métrage dans la rubrique "Éducation à l'image" > "Actions" > "Séances jeune public" > "Sco 13-18 ans".
Article 7
Le jury comprend des représentants des différents partenaires du concours.
Article 8
Les critiques des Sections cinéma peuvent porter sur n’importe quel film du 41e festival ; elles seront analysées par un jury particulier conduit par le magazine Bref.
Article 9
La date limite de réception des critiques est fixée au vendredi 05 avril 2019.
Les textes des critiques doivent parvenir sous forme de fichiers électroniques (formats Word, Works, ou RTF) et les vidéos critiques aux formats .mp4 ou .mov à l’adresse suivante : m.lasperas@clermont-filmfest.org
Un seul fichier par critique.
Les fichiers des critiques dactylographiée et vidéo doivent être nommé de la manière suivante :
Nom et prénom de l'élève - titre du film critiqué.
Chaque fiche individuelle comportera les mentions obligatoires suivantes :
- Nom et prénom de l’élève
- Classe et établissement
- Coordonnées de l’établissement, du professeur et de l’élève
- Titre du film faisant l’objet de la critique et nombre de mots ou durée du film
Il est préférable que l'envoi de la critique soit réalisé par le professeur encadrant afin que tous les critères soient respectés.
Des ordinateurs sont à la disposition des élèves au Centre de documentation de la Jetée pour envoyer leurs critiques. Horaires d’ouverture : mardi et jeudi de 13h30 à 19h, mercredi de 9h à 12h et de 13h30 à 19h.
Article 10
Ce concours sera primé et récompensera les productions individuelles ainsi que la participation des établissements. Les prix porteront sur quatre catégories :
- 1 : Collèges
- 2 : Lycées d'enseignement professionnel
- 3 : Lycées d'enseignement général
- 4 : Sections cinéma audiovisuel toutes académies
Article 11
La cérémonie de remise des prix se déroulera le mercredi 29 mai 2019 à 11h00 à la Jetée.
Article 12
La participation au concours implique l’acceptation du présent règlement.
Présentation du concours
Le Festival du court métrage propose une séance scolaire à l’attention des collégiens et des lycéens, de la 4e à la terminale, qui attire plus de 5000 élèves chaque année.
La mise en ligne des scénarios, des story-boards et des notes d’intention relatifs à chaque film permet aux enseignants d’aborder avec leurs élèves l’écriture cinématographique et le passage à l’image. La rencontre des élèves avec les réalisateurs durant le festival rend possible une approche plus intime de la création cinématographique.
Les élèves ont ainsi de nombreux éléments pour s’exprimer sur les films, et le Concours de la jeune critique cinématographique, en partenariat avec le Rectorat de l’Académie de Clermont-Ferrand, la Fondation Varenne, le magazine Bref et le Fond MAIF pour l'Éducation, leur propose l’espace pour le faire. Le concours est l’occasion pour les élèves de proposer leur avis sur un court métrage de leur choix, en privilégiant un point de vue personnel argumenté.
Cérémonie de remise des prix du concours
Palmarès
Collège
Grand prix : Laura Hau du collège Pierre Mendès-France de Riom
Sur le film : Malanka de Paul-Louis Léger et Pascal Messaoudi
Critique de Malanka par Laura Hau
Tout est noir. On entend l'aboiement d'un chien et une cloche provenant du village. Un air étrange s'ajoute, créant une atmosphère mystérieuse et intrigante...
"Les Ukrainiens nous considèrent comme des Roumains et les Roumains comme des Russes." A qui le village de Krasnoilsk appartient-il ? Les habitants ont changé plusieurs fois de nationalité. La seule chose qui n'a pas changé : Malanka. C'est ainsi que Paul-Louis Léger et Pascal Massaoudi nous présentent cette singulière fête païenne.
Un premier très gros plan sur un visage nous intrigue : le contraste entre les yeux clairs et la peau curieusement maquillée de noir donne une identité presque animale à la personne. S'ensuivent des portraits déformés par le mouvement de la caméra, flous et mystérieux ; la confusion règne... Au fur et à mesure du documentaire, les choses s'éclaircissent. Le village et les habitants sont présentés par des plans d'abord fixes puis au ralenti : portraits intemporels comme Malanka.
Représenté avec de larges épaules, l'ours joue un rôle essentiel dans la fête qui se transmet de père en fils. Le poids très lourd du costume que les jeunes hommes doivent porter, est primordial : c'est comme une épreuve initiatique pour entrer dans l'âge d'homme. Les garçons s'affrontent mais cette violence est transcendée par l'art de la fête.
Les costumes, les danses, les traditions... rien n'a changé afin de relier les villageois à leurs ancêtres. Malanka est comme une origine, un instinct, un besoin, une identité éternelle contre l'oppression des pays voisins.
Les images, belles, étranges, parfois inquiétantes, nous subjuguent tout en faisant comprendre le sens profond de cette fête.
2e prix : Marie Theillard du collège Pierre Mendès-France de Riom
Sur le film : Je sors acheter des cigarettes d'Osman Cerfon
Critique de Je sors acheter des cigarettes par Marie Theillard
Entre hallucinations, conflits avec sa soeur et tristesse maternelle, un jeune garçon, Jonathan, est perturbé. Comment peut-il mettre un visage sur son père absent ? Pour lui, ce manque sur lequel aucun membre de la famille ne communique, est une obsession de tous les instants.
Les premières images suggèrent déjà cette absence : hall d'immeuble tagué, et laissé à l'abandon. L'enfermement de Jonathan dans ce manque obsessionnel secret est bien rendu par de nombreux portraits surcadrés de l'enfant, et par des images récurrentes de pères fictifs, présents dans son jeu fétiche des Sept familles, ou cachés dans tous les recoins de la maison, comme le placard vitré de la salle de bains : les visages du père et du fils s'y superposent pour n'en former qu'un, distordu, belle métaphore du tourment de l'enfant.
Jonathan, qui a compris inconsciemment le drame familial, traduit le titre "Je sors acheter des cigarettes" en commentant ironiquement un film où un homme quitte sa famille : mise en abîme de sa propre histoire. Sa soeur, abandonnée par son petit ami, est victime, elle aussi, de cette lâcheté. En partant, ce dernier laisse tomber son paquet de cigarettes, symbole réitéré de la lâcheté masculine. C'est comme si l'histoire se répétait.
Finalement, Jonathan découvre un portrait véritable de son père ; l'émotion est soulignée par le "Stabat mater" de Pergolèse : le fils va pouvoir faire son deuil, et ses visions disparaissent. Cette libération est symbolisée par l'image finale : une fenêtre ouverte où volète légèrement un rideau.
A travers ce court métrage, original et sensible, on peut mieux comprendre la difficulté de se construire sans connaître son père.
3e prix : Héloïse Géffard du collège Val d'Argent de Sainte-Foy-l'Argentière
Sur le film : Chien Bleu de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh
Critique de Chien Bleu par Héloïse Geffard
Émile a le blues : il a peur de sortir dans son quartier gris. Pourtant le bleu va lui ouvrir des horizons. Il pense que cette couleur le protège et c’est ainsi, sous un beau ciel bleu qu’il va faire avec son fils et son chien des découvertes et des rencontres dans un quartier qui prend des airs azurs.
Le bleu est omniprésent. On le trouve dans l’appartement où le plafond et les murs bleus donnent une impression que le ciel est à l’intérieur. On le voit sur le sari, sur les perruches dans les rues, sur les colibris à la télévision… et même sur le chien. C’est ce chien qui va faire le lien entre les habitants de toutes les couleurs du quartier gris. Même la musique est bleue,“ les mots bleus“ de Christophe qui est douce et nostalgique et qui raconte une rencontre où les mots sont silencieux, dits avec les yeux. Cette chanson n’a pas été choisie au hasard: même dans les regards, il y a du bleu. La plupart des séquences contiennent du bleu, rare est son absence. Cette couleur permet un contraste avec le quartier gris. Cela lui donne de la lumière et plus de vie.
Ce film réalisé avec des acteurs habitants du quartier, nous montre que parfois il faut dépasser ses limites pour pouvoir avancer - même les idées les plus farfelues valent la peine d’être essayées - qu’il faut parfois prendre confiance en soi et faire confiance aux autres plus qu’on ne le pense. Ce film montre que l’on peut tous mettre un peu de couleurs dans nos vies.
Mention établissement : Collège Sancy-Artense de La Tour d'Auvergne
Lycée général et technologique
Grand prix : Inès Louvel du lycée Fénélon de Clermont-Ferrand
Sur le film : Malanka de Paul-Louis Léger et Pascal Messaoudi
Critique de Malanka par Inès Louvel
Tout d’abord vinrent les questionnements. Et puis un mot explose comme un millier de rires dans nos esprits. Malanka. Enfant chéri d’un peuple libre, il nous prend par la main et alors qu’il nous serre contre son cœur, on découvre enfin le parfum de nos joies. Malanka. Mère des indigents, elle guide le berger et son étoile au-delà des sombres méandres de la fin de l’an. Malanka. Sage au dos courbé, il narre le chant de l’ours, le chant d’une ethnie sans age ni nom.
Et pourtant, malgré les rires, malgré la joie, malgré les chants et les combats joyeux, une pointe de douleur nous envahit alors qu’est enfermé sur une simple toile monochrome le sublime éclat de ton histoire. Ni Gigi, l’aède contant ta vie, ni les Hommes, ni l’ours ne te délivreront de cette prison d’émerveillement. Et l’on entraperçoit, entre les plaines vallonnées et dansantes de ton montage, au détour de la singulière beauté de tes images, un portrait flou, une lointaine silhouette. Silhouette lointaine certes, mais silhouette unissant enfin une peuplade libérée de pays, silhouette dont l’éclatante éternité sublime de ses visages notre triste mortalité.
A chaque question, elle est la réponse, à chaque goutte de peine, elle est larme de joie et à chaque flocon de douleur, elle est éclat de douceur. Elle est le pont entre tout, passé et avenir, néant et trépas. Elle est Vie. Et c’est alors 14 minutes d’oubli , 14 minutes de vérité que Paul-Louis Léger et Pascal Messaoudi nous offrent généreusement avec un court-métrage qui prend vie peu à peu et qui se pare d’une substance unique : une communion parfaite entre humain et divin.
2e prix ex-aequo : Marianne Bach du lycée René Descartes de Cournon-d'Auvergne
Sur le film : Chien Bleu de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh
Critique de Chien Bleu par Marianne Bach
Et si, à défaut de la voir en rose, vous pouviez voir la vie en bleu ? Dans ce court-métrage, du bleu, il y en a partout. L’appartement ? Bleu. Les murs, le sol, les meubles, tout est bleu. Le chien ? Peint en bleu. Le sari ? Bleu évidemment. Et enfin le ciel, lui aussi, toujours bleu.
Dans ce film, le bleu est omniprésent, à la fois synonyme d’enfermement et de liberté. Le père de Yoan ne sort plus de chez lui et se protège du monde extérieur en recouvrant tout de cette couleur qui semble le rassurer. Mais la rencontre de son fils avec Soraya, une jeune danseuse en sari bleu, pourrait bien tout changer.
Fanny Liatard et Jérémy Trouilh racontent la vie quotidienne, dans une cité populaire, d’un jeune homme qui aide son père, rencontre une jeune fille et promène son chien. Un simple chien ? Non, un chien bleu. Et c’est là que cette histoire sort de l’ordinaire.
Les réalisateurs montrent comment la vie peut changer, simplement avec une rencontre, et une (importante !) touche de bleu.
Les plans sont simples, au plus proche de la vérité. La caméra fait ressortir les émotions brutes, mais toujours en douceur, sans cris ni larmes, par des gros plans sur les visages et les yeux des personnages, et également grâce à l’utilisation des couleurs. Il y a peu de dialogues mais la complicité entre les personnages fait comprendre au spectateur, à demi-mot, leurs sentiments les plus profonds.
Un court métrage surprenant, intrigant même, mais surtout très touchant. A découvrir.
2e prix ex-aequo : Coline Meral du lycée Jeanne d'Arc de Clermont-Ferrand
Sur le film : Chien Bleu de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh
Critique de Chien Bleu par Coline Meral
Emile broie du noir. Coincé dans son appartement d’une cité d’Aubervilliers, il se refuse à sortir. A l’extérieur tout l’effraie. Tout y est gris. Il broie du noir mais c’est le bleu qu’il a choisi pour se protéger. Du bleu qu’il a badigeonné du sol au plafond. Et si Emile ne voit que du bleu, il n’entend aussi que “Les mots bleus” de Christophe, qu’il passe en boucle. Un bleu nostalgique qui le rassure. Mais un bleu froid qui l’enferme aussi.
Et c’est son fils Yoan qui va chercher dehors de l’aide, pour l’amener à percevoir au pied de son logis autre chose que les façades lépreuses d’une cité décrépite.
Le fils promène alors son chien (si drôle en bleu !) et son ennui dans un triste espace bétonné, filmé en plongées qui écrasent.
Mais les couleurs vont peu à peu envahir cet espace. Par petites touches d’abord. C’est Annette, la voisine, dansant dans une fluide robe jaune. C’est plus loin Khadija, grands yeux verts et claquettes à fleurs. C’est surtout Soraya, irradiante danseuse tamoule. La caméra la suit, gracieusement portée, alors qu’elle grimpe l’escalier de l’immeuble, virevoltant dans son sari... bleu.
Les comédiens, pour la plupart habitants du quartier, jouent quasiment leur propre rôle dans ce “conte- documentaire-fiction” qui aborde avec sensibilité le thème du repli sur soi. Et celui de la rencontre salvatrice.
Car ce sont bien ces personnages flamboyants qui vont tirer Emile de son blues léthargique, jusqu’à la scène finale, incroyable d’énergie. Et des “Mots bleus” de Christophe on bascule alors dans l’univers musical d’Edith Piaf : “Quand tu me prends dans tes bras... je vois... la vie en rose...”.
Mention établissement : Lycée Jean Zay de Thiers
Lycée professionnel et agricole
Grand prix : Justine Gomez du lycée Germaine Tillion de Thiers
Sur le film : Mort aux codes de Leopold Legrand
Critique de Mort aux codes par Justine Gomez
Mourir… en toute sécurité
J’ai aimé ce court métrage réaliste où j’ai eu l’impression d’accompagner les urgentistes, sirène hurlante et rue défilant devant mes yeux. Je suis restée près d’eux grâce à la succession de plans rapprochés. Je les ai suivis, caméra à l’épaule. De dos j’ai ressenti leur précipitation. De face, j’ai partagé leur impuissance devant les obstacles qui les freinaient malgré l’urgence. J’ai entendu, comme eux, les seuls bruits de la rue, les discussions ou le chien qui aboyait, car il n’y avait pas de musique en fond sonore. J’ai admiré le professionnalisme du médecin qui rassurait et guidait la femme de la victime au téléphone, malgré sa fébrilité et la tension qui montait, poussant un urgentiste à briser une vitre pour entrer car personne ne voulait ouvrir à des inconnus.
J’ai aimé ce court métrage pour son cynisme et sa morale. D’abord je me suis dit : « Tous ces codes, c’est abuser ! ». Puis je me suis très vite agacée : « l’homme est en train de mourir ! ». Censés protéger des dangers extérieurs, les codes causent la mort d’une personne qui, pourtant, était consciente au début, j’en suis témoin ! Avec Léopold Legrand, je regrette « l’absurdité de ce "dit monde moderne" qui privilégie la sécurité au détriment de la liberté ». C’est ce que j’ai lu dans le désarroi de la femme que j’observais depuis le palier où m’avaient laissée les urgentistes, et dans le long fondu au noir marquant la mort du patient et ouvrant sur une nouvelle journée et sur nos héros pleins d’amertume.
2e prix : Lise Murat du lycée Bort-Artense de Bort-les-Orgues
Sur le film : Je sors acheter des cigarettes d'Oman Cerson
Critique de Je sors acheter des cigarettes par Lise Murat
Un moment fort en émotions !
Osman Cerfon à travers ce court métrage d’animation en 2 dimensions nous offre une véritable leçon de psychanalyse. Pendant les premières minutes du film, des scènes surprenantes, voire inquiétants suscitent l’interrogation du spectateur. Qui sont ces personnages masculins au visage identique qui cohabitent avec Jonathan, sa sœur et sa mère ? Pourquoi se logent-ils dans les placards, les tiroirs ou encore la machine à laver ? Jonathan est-il le seul à les voir ?
Puis, au fur et à mesure du récit, on finit par comprendre qui se cache derrière ces hommes envahissants qui hantent le quotidien du jeune Jonathan. C’est son père absent, ce père qui est parti un jour brutalement et qui n’est jamais revenu. Le titre prend alors tout son sens. La musique de Prokovief utilisée en toile de fond n’est pas sans nous rappeler une certaine publicité, et le mot égoïste résonne alors à nos oreilles.
Le réalisateur aborde avec un graphisme simple et beaucoup d’humour, un sujet grave, celui de la difficile construction d’un adolescent qui ne connaît pas son père, qui ignore tout de lui, jusqu’à son apparence physique. C’est un homme sans visage, comme sur le tableau de Magritte, Le fils de l’homme, accroché dans la cuisine. Jonathan doit composer avec son imagination pour combler ce vide et répondre à ses interrogations identitaires.
Sous son apparence légère, ce film se révèle être un moment fort en émotions.
3e prix : Enzo Aït Slimani du lycée Germaine Tillion de Thiers
Sur le film : Malanka de Paul-Louis Léger et Pascal Messaoudi
Critique de Malanka par Enzo Aït Slimani
Derrière le masque
Malanka est un court métrage émouvant. Il parle d’une fête ancestrale, pleine de partage et de traditions, qui soude les habitants et les met en relation avec leurs morts, notamment grâce aux costumes. Car ceux-ci sont à l’identique de ceux de leurs ancêtres et, quand ils les revêtent, leurs défunts « peuvent ainsi se réveiller en nous », explique la voix off qui nous raconte la fête, accompagnée d’une musique douce.
C’est un rituel hivernal qui respecte scrupuleusement les mêmes pratiques de génération en génération. Mais c’est surtout « un besoin, comme respirer », nous précise le narrateur pour qui « Malanka est vivante parce qu’on n’a pas de patrie ; parce qu’on a des racines ». Un temps soviétique mais interdit de fêter Malanka, aujourd’hui ni ukrainien, ni roumain, ce peuple voit dans ce rituel sa patrie. Il lui permet d’affirmer son identité, de savoir qui il est.
On ressent ce besoin presque vital de fêter Malanka car un gros plan sur les yeux du narrateur au début du récit nous permet d’entrer en lui et de découvrir cette tradition à travers son regard. C’est une découverte pleine de poésie où les nombreux gros plans et les ralentis nous présentent les participants et les costumes. De plus, le choix de filmer en noir et blanc donne une impression de naturel, sans couleur artificielle, et de luminosité renforcée par le décor enneigé. Il crée aussi un sentiment de nostalgie et tend à effacer les frontières du temps. Car, derrière le masque, il y a, comme une renaissance perpétuelle, le peuple de Malanka.
Mention établissement : Lycée Pierre Boulanger de Pont-du-Château
Section cinéma
Grand prix : Agathe Chevrier du lycée Louis Armand de Chambéry
Sur le film : L'espace commun de Raphaële Bezin
Critique de L'espace commun par Agathe Chevrier
L’angle et le cadre sont deux questions fondamentales du cinéma. Pour repousser les limites du cadre, L’Espace commun superpose des plans provenant de différents films mais pris dans un même lieu. Cette mosaïque d’image « recyclées » s’axe autour d’un centre qui traverse les films et surtout le temps. Cette proposition étonnante se développe en parallèle de l‘évolution urbaine : la ville grouille, vie, meurt en intervalles.
Par delà l’improbabilité de ce patchwork mouvant, cet « espace commun » nous propose de glisser dans un monde où les films seraient reliés, où chaque expérience visuelle trouverait sa continuité dans une autre à travers le lieu; où l’intimité du cadre est exhibé à la vue de tous.
Les bords du cadre sont-ils un obstacle à franchir? Le court métrage attise le désir du hors- champ, de l’inconnu. Il redonne sa place essentielle au lieu, réinvente sa réalité. On devine la permanence des lignes et des mouvements au delà du cadre, du cinéma. Les bruits célèbrent l’existence d’une vie à l’intérieur des films, toujours en co-existence avec l’extérieur.
Le film est donc un contrepied à la virtualité invasive de l’image; à l’essor des effets spéciaux et de l’image numérique. Il protège un « espace commun » aux images, antérieur aux plateformes interconnectées de réalité virtuelle : la réalité; celle qui lie les images, renferme un champ infini de possibilités, de détails, que ne peut définir aucun algorithme. L’Espace commun réactive la mémoire des films oubliés, garde leur trésor. Il donne matière au temps fracturé.
2e prix : Arthur Morard du lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand
Sur le film : Shooting Stars de Magdalena Jaroszewicz
Critique de Shooting Stars par Arthur Morard
Une nuit. Un quartier. Des gens. Des feux d’artifices. Ce soir, c’est la fête. Tout le monde sort dans la rue et des bruits d’éclat retentissent partout. Gare aux fiers qui ne s’éloignent pas assez des explosifs. Attention à ceux qui sont sortis dehors. Dommage pour ceux qui voulaient dormir ce soir.
Du bruit, du bruit, du bruit partout. A droite, en haut, à gauche, devant, derrière. Et puis des gens aussi. A droite, en haut, à gauche, devant, derrière.
Avec un cadrage qui se concentre sur les gens et leurs émotions plutôt que sur les feux d’artifices eux-mêmes, ainsi que des bruits d’explosions omniprésents, Magdalena Jaroszewicz décrit précisément l’ambiance de cette nuit-là.
La caméra est dans un immeuble, en hauteur. Elle est simplement posée. Elle est comme un spectateur, un témoin. La caméra c’est nous. D’ailleurs aucun étalonnage ne semble avoir été fait, les images sont laissées telles quelles.
Ce qui fait la richesse de ce film, c’est l’immense liberté d’interprétation qu’il offre. L’atmosphère est à la fois bruyante et bizarrement calme. Les visages insouciants des fêtards sont inquiétants tout comme ceux, apeurés, des enfants du quartier. Une menace semble rôder. Dans la bande sonore se mêlent bombardements et rires. On dirait que c’est la guerre. Mais une guerre qui n’effraie pas tout le monde.
Ce que la réalisatrice a réussi à faire c’est donc nous mettre dans une ambiance. Peu importe si elle nous donne envie de faire la fête ou bien de se cacher. Une chose est sûre, après ces seize minutes intenses de film, le spectateur est imprégné de cette atmosphère. Difficile de revenir à notre réalité.
3e prix : Lola Fauveau-Merle du lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand
Sur le film : La nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel
Critique de La nuit des sacs plastiques par Lola Fauveau-Merle
C’est la nuit. Agathe, trébuchant à talons sur un sol couvert de détritus, se répète ce qu’elle dira à son ex, quand elle le trouvera dans sa boite de nuit : « Écoute, Marc-Antoine, j’ai très envie de faire un enfant avec toi ». Elle ne semble pas prêter attention au décor apocalyptique qui l’entoure. A travers une dystopie, Gabriel Harel fait de la ville de Marseille des collines rocheuses couvertes de ruines où déchets et sacs plastiques sont éparpillés. Dans la boîte de nuit, les gens dansent et chantent. Jusqu’à ce que les sacs plastiques ne prennent le pouvoir.
C’est un film de fin du monde, des cris, des cadavres, la panique. Les sacs plastiques disséminés dans la ville prennent vie, comme seule couleur du film, mouvant comme des méduses, et étouffant l’humanité. Présent partout, par milliers, l’Homme ne semble avoir aucune issue. Seule Agathe parait aveugle à tout cela. Ce personnage est trop calme, elle suit Marc Antoine et tente d’avoir une discussion sérieuse de couple avec lui, au milieu du chaos. Agathe veut que Marc Antoine lui fasse un enfant, et cela devient obsessionnel.
Le titre est une référence à La nuit des morts vivants, film d’horreur américain de George Romero. On ressent vraiment une volonté du réalisateur d’inscrire des codes du film d’épouvante dans son film d’animation. La musique qui monte en tension renforce l’ambiance angoissante. Seulement, le personnage d’Agathe détonne et dérange le spectateur qui ressent comme un malaise, mêlé entre le rire pour un comique cynique et l’angoisse. Agathe serait-elle une incarnation métaphorique de l’humanité, qui alors qu’elle détruit la planète, s’obstine toujours à vouloir faire des enfants ? Ce personnage peut à la fois être perçu négativement, pour son égoïsme, mais aussi positivement, comme le seul espoir de faire perpétuer l’humanité.
Le film prend un autre tournant, plus fantastique et presque mystique, alors qu’Agathe et Marc Antoine sont sur une barque couverte de boyaux, dans l’eau noire. Le récit prendra alors la forme d’une genèse. Ce court-métrage d’animation surprend et fascine par ses dessins sombres et sa bande-son captivante. Tout cela renforcé par un très bon jeu d’acteur de la protagoniste voix du personnage d’Agathe.
Mentions spéciales critique vidéo
Classe cinéma du lycée Jean Monnet d'Yzeure
Sur le film : Le Mans 1955 de Quentin Bailleux
Clément Taillandier, Quentin Tennevin, Jérémy Roiron, Ivi Riou, Jean Thevenon et Ronan Veysseire du lycée Jean Zay de Thiers
Sur le film : Le Mans 1955 de Quentin Bailleux
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Contacts
JÉRÔME TERS
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Membre du comité de Sélection National
Membre du comité de sélection International
Coordinateur Lycéens au cinéma
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Accueil des groupes scolaires pendant le festival
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