Dernier verre avec Serpêhatiyên Neqewimî (Une histoire non vécue)
Entretien avec Ramazan Kılıç, réalisateur de Serpêhatiyên Neqewimî (Une histoire non vécue)
Votre court métrage précédent a été présenté à Clermont-Ferrand. Comment vous est venue cette nouvelle idée de film ?
L’idée m’est venue d’une photo de Reza Deghati, prise à Ağrı, la ville où je suis né. Sur cette photo, on voit deux enfants qui marchent en portant une carcasse de téléviseur. Le cliché est pris de façon à ce que l’on voie les habitants du village dans le cadre du téléviseur. L’idée m’est venue de cette photo. Quand je l’ai vue, je me suis posé des questions – que se passait-il ? Pourquoi ces enfants portaient-ils cette vieille télé ? Qu’en ont-ils fait ? À partir de là, j’ai imaginé l’histoire que j’avais envie de raconter.
Ce film a-t-il été tourné dans la même région que le précédent ?
Non, il a été tourné à Ağrı, la ville où je suis né et où j’ai grandi. C’est le premier film que je tourne dans ma ville d’origine. Servıs avait été tourné dans une province de Turquie sur les bords de la mer Noire.
Ces deux films sont des histoires très humaines et très émouvantes. Avez-vous une prédilection pour un genre particulier ? Quelles sont les histoires que vous aimez raconter ?
Merci beaucoup. Je n’avais pas de genre précis en tête quand j’ai écrit ces histoires. Mais en regardant mes films, anciens ou plus récents, je m’aperçois que j’aime les histoires qui finissent bien. Ce qui ne veut pas dire que je m’enferme dans un genre. Je suis toujours à la recherche d’une façon nouvelle de raconter. Dans Serpêhatiyên Neqewimî, j’avais envie de raconter l’histoire avec une pointe de magie. En écrivant le scénario, je me suis inspiré du mouvement du réalisme magique. Je voulais que les gens regardent mon film en se demandant si c’était une histoire vraie ou pas. Voilà pourquoi j’aime les histoires humaines. Je veux raconter des histoires qui ont un côté magique mais également réaliste.
Comment s’est passé le tournage ? Avez-vous travaillé avec des acteurs professionnels ?
Le tournage s’est bien passé. Il a pris cinq jours. La plupart des acteurs étaient des amateurs. Şükran Aktı, qui joue le rôle de la mère, était la seule actrice professionnelle. En réalité, il est très difficile de trouver des acteurs professionnels de langue kurde. C’est pour cela que j’ai dû travailler avec des amateurs. Mais vous savez quoi, oubliez que j’ai dit le mot « amateur » – ils ont fait un meilleur boulot que n’importe quel professionnel.
Quel est votre film préféré de l’année ?
Burning Days, écrit et réalisé par Emin Alper, projeté en avant-première à Cannes en sélection Un certain regard, est mon film préféré de cette année. Burning Days aborde de nombreuses questions sur la Turquie. Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est ce que dit le film sur la culture du lynchage dans le pays.
Pouvez-vous nous raconter une anecdote ou un souvenir de votre passage à Clermont-Ferrand ? Quelles sont vos attentes pour cette édition ?
J’allais à la première projection de mon film Servıs, et bien sûr, j’étais un peu nerveux. En arrivant à la porte, on m’a dit qu’il n’y avait plus de places dans la salle. J’ai dit que mon film allait être projeté, que j’étais le réalisateur. Mon film va passer, et vous ne me prenez pas. C’est absurde, je leur ai dit. Ils m’ont répondu d’attendre la prochaine séance, car il n’y avait pas de place. Plus tard, j’ai compris que ce n’était pas absurde, c’était juste très pro. Cette année, j’ai envie de passer un aussi bon festival qu’en 2020. De rencontrer de nouvelles personnes, d’élargir encore mon réseau. Je veux rencontrer des gens qui m’aideront à raconter mes histoires et les emmener avec moi dans cette aventure.
Quel est votre court métrage préféré de l’année ?
Tria de Giulia Grandinetti. Je l’ai vu à la Berlinale cette année. Ce qui me plaît, c’est le regard humoristique de la réalisatrice sur une histoire d’immigration.
Pour voir Serpêhatiyên Neqewimî (Une histoire non vécue), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I2.