Entretien avec Sarah Blok et Lisa Konno, coréalisatrices de Baba (Papa)

Qu’est-ce qui vous a poussées à raconter l’histoire de Baba ?
Baba (Ceylan Utlu) est un personnage fascinant de par son ambivalence. D’un côté, c’est un homme très intelligent, instruit, érudit, et de l’autre, il refuse d’admettre que sa vie ne s’est pas passée comme prévu. Ceylan est arrivé de Turquie aux Pays-Bas pour s’imprégner de culture occidentale et en nourrir ses idées socialistes, comme il le dit lui-même. Il avait l’intention de rentrer au bout de quelques années pour faire quelque chose d’utile dans son pays. Sa fille, moitié turque, moitié néerlandaise, veut savoir pourquoi il n’est jamais rentré en Turquie. Baba retrace la vie de Ceylan, mais également le parcours de nombreux immigrés qui étaient venus en Europe occidentale avec l’idée d’y passer un an ou deux et ont fini par y faire leur vie.

Pourquoi avoir choisi de raconter cette histoire d’une façon aussi stylisée ? Comment avez-vous sélectionné les éléments à inclure dans le film ?
Nous avons choisi de travailler avec le monde de la mode et des étudiants en art très excentriques afin de souligner le côté extraverti et haut en couleur de Ceylan. Le film utilise ces scènes stylisées pour se rapprocher du personnage mieux qu’avec des mots. Et puis, nous voulions raconter une histoire d’immigration qui soit centrée sur la beauté visuelle, car nous pensons que l’art arrive à transcender le journalisme dans la façon de raconter. Nous avons tenté de raconter l’histoire de Ceylan d’une façon qui fait défaut dans les récits de migration et d’intégration : avec poésie.

Comment vous êtes-vous rencontrées ?
Lisa et moi sommes amies depuis dix ans. Nous avons eu de nombreuses discussions sur l’engagement social dans l’art. Lisa a un diplôme de styliste, et moi d’auteur dramatique. Nous étions toutes les deux à la recherche de nouvelles façons de raconter une histoire, comme le cinéma, par exemple, mais tout en exploitant nos connaissances dans nos domaines respectifs.

Comment était Ceylan en tant que sujet de documentaire ? Était-il disposé à partager ses émotions et ses réflexions avec vous ?
Son humeur et son approche du projet pouvaient varier d’une heure à l’autre. Parfois, il ne croyait absolument pas en ce que nous faisions, et d’autres fois, il parlait de sa vie avec aisance en affirmant nous faire entièrement confiance.

Avez-vous envie de réaliser d’autres documentaires ou de vous lancer dans la fiction ?
Nous sommes en train de réaliser le dernier portrait de cette trilogie. Ensuite, nous aimerions nous lancer dans la fiction.

Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Je pense que le court métrage permet à des réalisateurs débutants d’expérimenter à l’extrême sans devoir investir énormément de temps et d’argent, comme c’est le cas pour un long métrage. Comme les gens regardent de plus en plus de films en ligne, j’espère que le format court métrage va être revalorisé.

Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Si vous ne courrez pas après un diplôme, l’université d’Oxford propose des cours en ligne gratuits, avec de vrais professeurs.

Pour voir Baba (Papa), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I3.