#ClermontFF23 – Clermont ISFF https://clermont-filmfest.org Festival du court métrage de Clermont-Ferrand | 31 Janv. > 8 Fév. 2025 Mon, 20 Feb 2023 16:03:09 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.5.5 https://clermont-filmfest.org/wp-content/uploads/2017/10/lutin-sqp-1-300x275.png #ClermontFF23 – Clermont ISFF https://clermont-filmfest.org 32 32 Goûter avec The Elevator (L’Ascenseur) https://clermont-filmfest.org/the-elevator/ Fri, 03 Feb 2023 15:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59772 Entretien avec Dong Jiang, réalisateur de The Elevator (L’Ascenseur)

Comment vous est venue l’inspiration pour The Elevator ? 
L’idée de base est issue d’une information à la télévision sur l’installation d’ascenseurs dans le cadre de rénovations de bâtiments des anciens quartiers. En mai 2019, dans un Starbucks de Pékin, j’ai pitché ce sujet, devant Jing Su et Li Ge, les producteurs de mon précédent film Day Dream. Ils ont trouvé ce sujet très intéressant, et Jing m’a raconté le film interactif Tantale de Gilles Porte, qu’elle avait vu au festival de Clermont-Ferrand, car il y avait une opportunité d’interactivité avec ce sujet. Lorsque François Serre est venu présenter le film Tantale en Chine en novembre 2019, je lui ai présenté les bases de mon scénario. L’idée lui a plu et nous avons commencé à décrire et à écrire l’interactivité, les situations, les personnages, les règles de vote, etc… Malheureusement, en raison de la pandémie de Covid-19 et des règles sanitaires en Chine, nous n’avons pu simplement réaliser qu’une version linaire de cette histoire en deux actes. 

Pourquoi avez-vous choisi de mettre en scène des relations humaines dans le cadre du voisinage plutôt qu’un autre, comme le cadre familial ou professionnel ? 
Au départ, le scénario était plus axé sur le père et le fils, et moins sur les relations de voisinage. Mais après avoir fait le choix d’un film interactif, les relations humaines qui interagissent dans le cadre des habitants du bâtiment sont devenues rapidement prépondérantes. Plus de subtilités et de réalisme étaient possibles, et pour le spectateur il y a plus de possibilités d’empathie. 

Qu’est-ce qui vous intéressait dans la question de l’accessibilité de la personne handicapée ?  Envisagez-vous de réaliser d’autres films sur cette thématique ? 
Par nature les gens ne se soucient que d’eux-mêmes, et au mieux de leur famille. Dans l’humanité, l’indifférence et le mépris sont ordinaires… La question de cet « ordinaire » est encore plus marquante de mon point de vue avec les groupes vulnérables (réfugiés, malades, handicapés, …), où l’on peut aussi y questionner la place des choix politiques. Même si la question du handicap est propice à la narration, en tant que jeune Chinois la question du vote, du choix, de l’intérêt personnel et de l’intérêt général me motive plus. Par exemple, la diffusion du film Tantale de Gilles Porte à laquelle j’ai participé en Chine, était incroyablement politique : amener les gens à voter lors d’une séance de cinéma, que le smartphone de chaque spectateur soit intégré dans le dispositif, et que les choix soient écrits par un artiste. Pour le moment, en termes de futur, je souhaite vraiment que cette sélection au festival de Clermont nous permette motiver des investisseurs pour réaliser la version interactive. Car même si nous restons sur une durée d’une dizaine de minutes, il faut produire plus de 60 minutes pour les différentes versions possibles. 

Comment avez-vous travaillé sur le personnage de l’officier public ? 
Pour nous dans ce film, l’officier public représente l’État, la « politique publique » et, dans le meilleur des cas, l’intérêt général. Dans chacune des branches de notre scénario interactif, cet officier définit au moins les règles du scrutin. Finalement c’est un personnage clé, car bien des cas de figure sont envisageables. Par exemple, je citerais facilement le désintéressement, l’autoritarisme, et la corruption. En fait c’est un personnage très facile à travailler car il est présent tous les jours dans l’actualité. 

Avez-vous envisagé de montrer ces voisins dans d’autres moments partagés ? 
Même si nous nous sommes servis de « l’ordinaire mépris » humain comme tenseur narratif et de générateur d’empathie sur la durée d’un court métrage, le sujet principal porte sur l’expression d’un choix ou plus exactement d’une résultante en fonction d’un scrutin. C’est l’extrapolation des modes de scrutin présentés dans ce film qui organise notre « vivre ensemble ». Voilà bien un des espaces de fusion culturelle entre la France et la Chine. Il ne nous est donc pas apparu nécessaire de montrer un autre « moment de voisinage ». Nous sommes restés focalisés sur comment ces voisins se sentent concernés, formalisent leurs argumentations, et sur l’acceptation de la décision collective. 

Quel est votre court métrage de référence ? 
Pour ce film j’ai eu deux références principales de court métrage : le court métrage interactif Tantale de Gilles Porte, pour l’écriture interactive et les techniques de captation nécessaires pour faire un film qui ne s’arrête pas, avec un début et de multiples fins. Le court métrage Everything We Know About de Roland Denning, pour sa présentation claire du fait que ce qui nous caractérise personnellement le plus ce sont nos choix, et comment nos choix sont formatables et exploitables. Par exemple, cliquer sur « j’aime » sur Facebook ou Instagram, que l’on perçoit comme une liberté de choix, permet aux intelligences artificielles de Méta de nous parfaitement connaitre. 

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ? 
En tant que chinois, il est évident que le festival de Clermont est un tremplin. C’est un festival qui me permet d’envisager mon avenir dans le cinéma. 

Pour voir The Elevator (L’Ascenseur), rendez-vous aux séances de la compétition nationale F9.

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Lunch avec Rien d’important https://clermont-filmfest.org/rien-dimportant/ Fri, 03 Feb 2023 11:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59522 Entretien avec François Robic, réalisateur de Rien d’important 

Comment vous est venue l’inspiration pour Rien d’important ? 
Suite à un documentaire dans lequel j’avais filmé ma sœur et ses amis, j’ai eu envie de faire un film de fiction avec des personnes n’ayant jamais joué, qui interprèteraient leurs propres rôles durant des improvisations dirigées, retravaillées en direct au moment du tournage. Je voulais aussi faire un film simplement, en tout petit comité, sans impératifs de financement pour lesquels je devrais passer des années à attendre. Le film questionne le choix difficile consistant à partir ou à rester dans son village natal, les conséquences de celui-ci. Une question assez cruciale pour moi, toujours vive. Cela dit, ce choix me semble universel. À mon avis, c’est lui qui permet au film de ne pas tomber dans l’anecdotique. 

Qu’est-ce qui vous a poussé dans votre désir de réalisation : plutôt cet instant de vie à partir duquel vous avez inventé des personnages et un contexte ou plutôt une envie de dépeindre ces personnages précisément, dans cet instant comme dans d’autres que vous avez pu imaginer ? 
Le scénario s’inspire de mon vécu d’éboueur saisonnier l’été qui a suivi l’obtention du baccalauréat. Je n’ai pas écrit les personnages au sens classique du terme, leur composition est le fruit du travail des comédiennes que j’ai dirigées. Ensemble, nous avons tenté de trouver la manière juste de vivre les situations que le scénario contenait. Parfois, les scènes s’en sont trouvées profondément transformées. La fin du film, par exemple, était pensée comme un moment de comédie, placé au début du récit. Finalement, c’est devenu un épilogue mélancolique à cause de la manière dont ma sœur l’a vécue durant le tournage. De la même façon, ce que Flora confie à Gaëlle dans son long monologue vient en grande partie d’elle, elle exprime quelque chose que je partage avec ses propres mots et son vécu. En dépit de la méthode de fabrication du film, j’avais écrit un scénario relativement précis, bien que je ne l’aie pas donné aux actrices et aux acteurs. Non parce qu’il contenait un quelconque secret que je n’aurai pas souhaité leur divulguer, mais plutôt pour les préserver d’une certaine fabrication inévitable qui conduit parfois les comédiens novices/amateurs à une certaine fausseté. 

Qu’est-ce qui vous intéressait chez les jeunes adultes et la période juste après le lycée ? 
Je pense que c’est une période de laquelle je suis sorti, j’ai donc un certain recul sur celle-ci, nécessaire pour en dégager un film pertinent. Bien sûr je garde tout de même une proximité temporelle avec cet âge, un bon juste milieu. L’envie de représenter une jeunesse rurale populaire, un métier peu considéré et sous payé bien qu’absolument nécessaire, me parle dans la mesure où je viens de là. Cependant, je ne veux pas m’appesantir sur la nécessaire représentation de ce que j’ai connu et de ce que je suis, sur le fait qu’elle serait manquante. Les personnages ne sont pas des schémas sociologiques voués à délivrer un discours qui dépasserait le film. Ma sœur et Flora sont pleines d’acuité sur le monde, pensent par elles-mêmes dans une période où il est très compliqué d’énoncer un point de vue personnel original. Elles font partie d’une génération plus triste que celles qui ont précédé car plus consciente du marasme politique et social de notre pays, et du monde en général. Le film n’a pas la prétention de raconter cela mais mon intérêt personnel pour elle et les personnes de leur âge vient aussi de là.  

Comment avez-vous rencontré les comédiennes ? 
Je le disais Gaëlle est ma sœur. Flora est la sœur d’une de mes meilleures amies. René est son père, mécanicien et éboueur de métier. J’ai travaillé avec lui et je le connais depuis toujours. Impossible de me rappeler d’une rencontre avec les autres jeunes interprètes tant on se connait et on se croise depuis toujours. Ma grand-mère joue aussi dans le film avec son amie/voisine Marie Jeanne. Parfois les personnages sont écrits pour ceux qui les jouent, parfois je me demande qui parmi mes connaissances pourrait les jouer. 

Quel est votre court métrage de référence ? 
Rien à voir avec mon film mais  La Peur, petit chasseur de Laurent Achard est peut-être le film court que j’aime le plus. Très impressionnant et rigoureux tout en étant très simple et modeste.  

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?  
Rien d’important est mon cinquième court métrage et sa sélection au festival est un encouragement et une reconnaissance extrêmement bienvenus. Au vu du rapport très personnel que j’ai au film, de sa méthode de fabrication si particulière et fragile je suis très heureux de pouvoir le partager avec un public, surtout dans un lieu comme celui-ci.  

Pour voir Rien d’important, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F8

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Dernier verre avec Summer Rain (Pluie d’été) https://clermont-filmfest.org/summer-rain/ Thu, 02 Feb 2023 23:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59381 Entretien avec Shao Tzu Lin, réalisatrice de Summer Rain (Pluie d’été)

Que vouliez-vous exprimer à travers la relation entre Kao Li-Hsuan et Kao Cheng-Hsuan ? 
Pendant la pandémie, en 2021, je suis rentrée dans ma ville d’origine pour passer deux mois avec ma mère et mon frère. Malgré les téléphones et tout le temps passé sur les réseaux sociaux, on s’ennuyait ferme. Il y a une dizaine d’années, mon frère et moi passions beaucoup de temps ensemble à attendre que ma mère rentre du travail pendant les vacances d’été. On n’avait pas de smartphones, mais on rigolait bien. Je trouve que les temps changent trop vite. En grandissant, on passe moins de temps avec sa famille. J’avais envie d’évoquer ces souvenirs en racontant cette histoire, cette relation entre Kao Li-Hsuan et Kao Cheng-Hsuan, et en montrant la maison où j’habitais avec mon frère (la maison que l’on voit dans le film est celle où j’ai passé mon enfance). 

Pourquoi avoir choisi le problème de l’eau comme catalyseur ? 
La première version du scénario s’intitulait Summer Sun. À l’origine, l’histoire se déroulait par une chaude journée d’été, au son du chant des cigales. Malheureusement, un typhon s’est déclaré pendant que l’on tournait. Il a fallu adapter l’action à un jour de pluie, mais je trouve que c’est mieux que la version précédente. 

Quels sont les histoires et les genres cinématographiques qui vous intéressent en tant que réalisatrice ? 
Les thèmes de mes films reflètent en général mon histoire personnelle. Si je suis perturbée, si je fais face à une situation ou à une émotion que je n’arrive pas à gérer, je ressens le besoin d’exprimer ces émotions – et en ajoutant des éléments de fiction, j’en fais une histoire. 

Quelle a été la plus grande source d’inspiration de votre carrière ? 
Shiang-chyi Chen, une actrice taïwanaise célèbre qui était aussi ma prof à l’université. Je l’adore carrément. 

Quel est votre court métrage de référence ? 
En fait, la liste est longue, mais il y en a un qui m’a vraiment marquée, c’est And so We Put Goldfish in the Pool, (en japonais :うして私たちはプールに金魚を), 2017, de Makoto Nagahisa. 

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ? 
Ce sera la première fois que je participe à un festival international. Bien que je ne parle pas super bien anglais, j’ai hâte de rencontrer des réalisateurs venus du monde entier. J’espère qu’on va sympathiser et passer ensemble de très bons moments. 

Pour voir Summer Rain (Pluie d’été), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I7

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Dîner avec Bergie (Sans abri) https://clermont-filmfest.org/bergie/ Thu, 02 Feb 2023 20:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59352 Entretien avec Dian Weys, réalisateur de Bergie (Sans abri)

Quel a été le point de départ de Bergie ?  
Trois éléments m’ont poussé à réaliser Bergie. Tout d’abord, je vis au Cap, et il n’est pas rare de croiser des personnes dormant sur les trottoirs. J’ai notamment entendu l’histoire d’un sans domicile fixe que les passants croyaient endormi, alors qu’il était décédé. Je me suis longtemps demandé combien de temps il leur a fallu pour se rendre compte qu’il était mort. Ensuite, il y a beaucoup de sans-abri près de mon immeuble. Je vois parfois les forces de l’ordre les réveiller et les déplacer. De temps en temps, des activistes tentent d’empêcher ces interventions en présentant des requêtes auprès du tribunal. Ces scènes se déroulent derrière notre immeuble, et sont souvent assez dramatiques. Et le dernier élément déclencheur est la course de 5 km organisée tous les samedis matin dans mon quartier. Juste après le départ, le tracé passe sous un pont où de nombreux SDF dorment, mais se font réveiller par l’animation et le bruit de nos foulées. Ces trois éléments se sont imbriqués alors que je participais à une de ces courses : je me suis dit que, malheureusement, on ne réalisait qu’un SDF était décédé que s’il se trouvait sur notre chemin. Et habituellement, ce sont les forces de l’ordre qui se retrouvent impliquées dans ce genre de situations, pas nous, simples citoyens. J’ai donc écrit le scénario avec ce lieu proche de chez moi en tête, là où tous ces événements se sont déroulés. 

Pouvez-vous expliquer ce que signifie « bergie » en Afrique du Sud ? 
En Afrique du Sud, le terme « bergie » désigne les sans-abri. Ils sont appelés comme ça car ils avaient pour habitude de se réfugier sur les versants de la Table Mountain (« Tafelberg  » en Afrikaans). En afrikaans, comme en néerlandais et en allemand, « berg » signifie « montagne ». L’ajout du suffixe « -ie » transforme le mot en diminutif. 

La plupart des plans se concentrent sur le visage du personnage principal et ses réactions. Avez-vous fait ce choix pour permettre aux spectateurs de s’impliquer émotionnellement ? 
Oui, c’est évident, mais je voulais aussi éliminer le reste du monde. La caméra ne capture pas seulement ce qui se trouve en face d’elle, elle élimine aussi le monde autour d’elle. Et c’est important, car de la même manière, dans la vraie vie, il y a énormément d’informations auxquelles nous n’avons pas accès. Pour moi, c’est une forme de narration plus honnête, car elle reflète notre expérience du monde individuelle et limitée. Je voulais non seulement que les spectateurs puissent observer les réactions du personnage face à cette situation, mais aussi les encourager faire preuve d’imagination concernant l’espace hors-champ et donc les intégrer dans le processus de réalisation cinématographique. 

Quelle réaction attendez-vous de la part du public ? 
J’espère que le film poussera les spectateurs à s’interroger sur les relations qu’ils entretiennent avec les personnes qui souffrent, et sur ce qu’une telle responsabilité peut impliquer. 

Quel est votre court métrage de référence ? 
Ex aequo : Une nuit douce de Qiu Yang et I Am Afraid to Forget Your Face de Sameh Alaa. Laps de Charlotte Wells arrive juste derrière. 

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ? 
Pour moi, le festival de Clermont-Ferrand incarne la fête du format court. Si beaucoup de personnes considèrent les courts métrages comme un point de départ avant de passer au long métrage, je les vois comme des médiums à part entière qui permettent d’oser davantage et d’avoir plus de libertés. Les possibilités qu’offrent les courts métrages sont infinies. 

Pour voir Bergie (Sans abri), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I5.  

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Goûter avec Escasso (Pénurie) https://clermont-filmfest.org/escasso/ Thu, 02 Feb 2023 15:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59323 Entretien avec Clara Anastácia et Gabriela Gaia Meirelles, coréalisatrices de Escasso 

Comment est née l’idée de réaliser un faux documentaire ? C’est un format original  ! 
Clara : Je voulais représenter le goût pour la mise en scène de l’époque actuelle. Pas seulement sur scène, mais au sein du discours, qui semble toujours spontané. Je me suis inspirée de vidéos YouTube et de l’œuvre du documentariste Eduardo Coutinho, et j’ai compris que pour réaliser un film qui donnerait à voir la simplicité et la grandeur des femmes brésiliennes marginalisées de l’Etat de Rio de Janeiro, il me fallait chercher une proximité incongrue entre le documentaire et la fiction.  Il était important de poser des questions, de s’opposer, de douter, de remettre en cause et de trouver une façon intime et simple de représenter le Brésil profond. Le Brésil subversif, non seulement à travers son image tapageuse, mais aussi dans ses contraintes langagières et scéniques. C’est peut-être, pour moi, la meilleure façon de dire que lorsqu’on parle de cinéma et d’Amérique latine, l’improbable et l’absurde ont toute leur place. 

Gabriella : En tant que réalisatrice, l’”entre-deux” m’a toujours intéressée. On retrouve aussi ce caractère hybride, entre la fiction et le documentaire, dans mes films précédents.  Par exemple, Afeto (2019; 15′), était un documentaire expérimental qui utilisait les codes de la science-fiction et de l’horreur pour interroger l’effacement symbolique des femmes dans les villes brésiliennes. Pour ça, j’ai mélangé des images d’archives, des interviews, du cinéma direct et des recherches universitaires, pour transmettre des données concrètes par le biais d’une fiction. 

Qui est Rose ? Est-elle inspirée d’une personne réelle ? 
Clara : J’ai créé le personnage de Rose en m’inspirant des femmes de ma famille. Elle représente également, d’un point de vue décolonisé, l’esprit des femmes qui peuplent les faubourgs de Rio.  

Où avez-vous tourné le film ? A qui appartient la maison ? 
Clara : C’est la mienne. Je l’ai choisie à cause de la métalangue entre l’autrice et le personnage.  Ce qui m’intéresse, c’est que Rose soit entrée dans ma maison et que ce faisant, peut-être, elle invente mon existence. La deuxième raison, c’est que je voulais documenter la maison en images. La scène se déroule dans un endroit où l’on vit vraiment, auquel nous n’avons rien changé avant de tourner le film.   

Comment s’est déroulée cette coréalisation ?  
Les deux : Nous sommes un duo interracial de femmes artistes, et ce qui nous intéresse, c’est d’évoquer les films laids réalisés dans un pays qui exporte la beauté. Nous partageons de grandes affinités créatives, mais nous vivons des expériences extrêmement différentes. Finalement, Escasso est aussi né de ça : de ces rencontres, de ces décalages entre nos corps et nos expériences. 

Quel ont été vos parcours respectifs, en tant que réalisatrices ? Quels sont vos futurs projets ? 
Les deux : En ce moment, nous nous concentrons sur nos projets respectifs, mais nous projetons également de travailler à nouveau ensemble dans les années à venir.  

Clara: Escasso est mon premier film. Il est le résultat d’années d’études en esthétique et en linguistique. Il est la matérialisation du concept que j’ai élaboré et qui s’appelle le mélodrame décolonial. J’ai étudié l’esthétique et la théorie de l’art dramatique à l’Unirio. Je suis une femme noire élevée dans les faubourgs de Rio de Janeiro : j’ai grandi dans le bidonville de « Pedreira », au cœur de nombreuses cultures, d’expressions de religions africaines et de violence. Le mélodrame me permet d’explorer cette culture populaire. En 2021, Netflix m’a sélectionnée pour faire partie de son programme « CoCreative Lab », un atelier pour les scénaristes noir.es brésiliens. Donc mon prochain projet sera lié à cette œuvre, le mélodrame décolonial. Mon prochain film traite de mémoire et de colonie. Il s’appelle Retract, il s’agit d’identité, de colonies et de célébration.  

Gabriella : J’ai deux projets en cours, un court et un long métrage.  Les deux évoquent les femmes d’Amérique latine et utilisent les codes du réalisme fantastique pour raconter l’histoire des femmes et de leur relation mythologico-ancestrale avec la mer, un sujet que j’étudie depuis des années. Miradas (que ya no se encuentran) est un court métrage de fiction qui questionne la construction des « identités frontalières » dans un contexte de mondialisation et de choc des cultures dans une mégalopole telle que São Paulo. J’aimerais aussi me consacrer à un autre projet, Ejá, mon premier long métrage :  j’étudie les mythes fondateurs indigènes et afro-brésiliens pour établir un dialogue direct avec Barravento, le premier long métrage du réalisateur brésilien Glauber Rocha. Escasso est mon cinquième film en tant que réalisatrice, mais le deuxième que je co-dirige – une façon de procéder en laquelle je crois réellement. Il est évident que j’ai été influencée par l’endroit où j’ai grandi et par les femmes qui m’ont élevée. Je suis née à Rio de Janeiro, au Brésil, plus précisément à Tijuca, un quartier entouré d’écoles de samba, de bars, de favelas et d’appartements pour les familles de militaires de la classe moyenne. Mon œuvre s’intéresse aux histoires de personnages de femmes fortes dans une perspective décoloniale.  Je développe des projets audiovisuels pour des productions brésiliennes telles que Conspiração Filmes et aujourd’hui Delicatessen Filmes. J’écris une série documentaire HBOMax tout en réalisant des projets commerciaux.  

Quel est votre court métrage préféré ? 
Clara : República de Grace Passô, Zombies de  Baloji, Alma no Olho de Zozimo Bulbul, Dias de Greve d’Ardley Queiroz et Rap, o canto da Ceilândia d’Ardley Queiroz.  

Gabriella : Je suis sûre que j’oublie des films que j’adore et qui ont été décisifs pour moi, mais tant pis… Blue d’Apichatpong Weerasethakul, República de Grace Passô, Fantasmas de Gabriel Martins, Big in Vietnam de Mati Diop, Dreaming Gave Us Wings de Sophia Nahli Allison.  

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ? 
Les deux : Nous croyons au pouvoir du format court. En tant que réalisatrices brésiliennes indépendantes, être à Clermont-Ferrand, l’un des festivals de courts métrages les plus anciens et les plus importants d’Europe, cela signifie beaucoup ! Nous avons toutes les deux autofinancé Escasso avec nos maigres ressources. Nous avons réalisé le film lors de la pandémie, avec l’aide de collaborateurs.ices qui, comme nous, croyaient en l’idée et au pouvoir du film. De voir où l’histoire de mademoiselle Rose nous a emmenées, c’est beaucoup de rêves qui se réalisent. C’est aussi l’aboutissement d’un dur travail ! Être à Clermont Ferrand c’est aussi la possibilité d’échanger avec des cinéastes et des cinéphiles du monde entier, et nous l’espérons, donner vie à nos futurs projets, en tant que duo et individuellement.  

Pour voir Escasso (Pénurie), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I14  

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Lunch avec Le Jour où j’étais perdu https://clermont-filmfest.org/le-jour-ou-jetais-perdu/ Thu, 02 Feb 2023 11:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59311 Entretien avec Soufiane Adel, réalisateur de Le Jour où j’étais perdu 

Parlez-nous un peu du lien qui unit le Voyager et le parcours d’Alain ?  
La mission spatiale Voyager a été initiée par la N.A.S.A. dans les années 70 dans le but d’explorer le système solaire, et d’envoyer les signes de nos sociétés terrestres vers des potentielles civilisations extraterrestres. C’est une bouteille à la mer, lancée dans un océan immense et mystérieux. Cette volonté de dépassement faisait pour moi écho à l’utopie d’Alain, à sa vision du futur, projetée elle aussi vers l’inconnu. La sonde est une métaphore du destin d’Alain. Dans les deux cas, il y a un désir radical d’inconnu et d’altérité. Alain porte un projet de refondation de l’entreprise automobile, basée sur une approche absolue de la mobilité. L’ayant lui-même expérimentée dans son parcours social et professionnel, il veut maintenant l’élever à la hauteur d’une révolution industrielle et humaine. Il est inspiré par la pensée transhumaniste, par son courant « démocratique » disons ; il croit cette évolution nécessaire pour atteindre la justice sociale. Mais la frontière entre vision et idéologie est parfois très fine… et Alain est résolu à avancer coûte que coûte. Dans cet élan, il pourrait être rattrapé par la mécanique qu’il voudrait dépasser. Sa révolution atteindra-t-elle son but ou reproduira-t-elle un schéma de domination ? Chaque spectateur sera libre de chercher sa réponse.   

Qui ou quoi vous a inspiré ce personnage ?  
Pendant mes d’études de design industriel, un ancien élève a été invité pour nous parler de son parcours. Il était désormais cadre dans une grande entreprise française. À cette occasion, il nous a raconté un événement survenu lors de son premier jour de travail. Il faisait le tour des bureaux pour découvrir les locaux et au moment d’aller serrer la main à un futur collaborateur, celui-ci lui a demandé de vider la corbeille, en le croyant homme de ménage, juste parce qu’il était noir. Cette histoire n’a cessé de me poursuivre et à partir de cette anecdote, le film s’est construit progressivement. 

Pouvez-vous expliquer le choix du titre ?  
Le Jour où j’étais perdu emprunte le titre d’un scénario de James Baldwin, écrivain américain qui n’a cessé de prêcher l’amour et le rapprochement fraternel des hommes, au-delà de toute distinction de cultures, d’origines et ce malgré les blessures du passé. Je l’ai choisi aussi car il m’évoque un moment décisif, qui est à la fois effrayant et profond. Souvent, au moment où on se perd, il nous est possible de bifurquer, de changer quelque chose en nous…. pour le meilleur ou pour le pire. 

La musique joue un rôle très important. Comment avez-vous créé cette bande son ?  
La musique du film est composée de plusieurs moments, assez hétérogènes dans le genre et les tonalités émotives. L’un des principaux est celui du début, avec la réinterprétation du second air de la Reine de la nuit de La Flûte enchantée de Mozart, conçue par le compositeur du film Othman Louati ; un travail rythmique, aussi d’imaginaire, avec des touches « SF», et un épilogue évoquant l’enfance, pendant qu’Alain regarde les étourneaux. Othman est un compositeur qui a une grande connaissance du répertoire classique, mais aussi un goût pour l’électronique, l’expérimentation contemporaine et la musique populaire. Il m’importait de travailler avec un compositeur éclectique, car il est question d’un dépassement de frontières dans le film, et la musique devait être approchée également dans cette direction. Dans l’appartement de Thomas par exemple, l’un des moments « SF » du film, nous avons amené des tonalités arabisantes, une contribution du compositeur Geoffroy Lindenmeyer, avec lesquels j’ai travaillé sur mes films précédents. L’univers de la science-fiction est un imaginaire très occidental. J’avais envie de perturber cet imaginaire culturel musical à ce moment du film où Thomas se perd lui même, où il se remet profondément en question. 

Parlez-nous un peu de la cinématographie et des effets spéciaux. 
Mon parcours de designer a été source d’inspiration pour l’esthétique du film, qui se déroule dans le milieu de la création industrielle. C’est un monde de formes, volumes, surfaces, matières. Le rapport entres ces données est toujours important au cinéma, mais là ils le sont d’autant plus. L’idée générale était de filmer les machines en suggérant leur vitalité, et les hommes comme de machines, aliénés par le travail, pris dans des automatismes. Au niveau des effets spéciaux, l’enjeu principal était de reproduire la sonde Voyager et les planètes du système solaire de façon réaliste, en allant chercher l’identification et l’émotion, plutôt que la distance. À côté des séquences dans l’espace, qui sont intégralement en images de synthèse, il y a eu d’autres interventions, plus simples, permettant d’intégrer des éléments dans les plans : comme la lune ou les étourneaux. Il était important pour moi de créer des points de contact entre la nature et les personnages du film, Alain et Thomas ; que leurs regards interrogent la nature à un moment, comme un mystère à percer.  

Quelles sont vos sources d’inspirations cinématographiques ou autres ? 
La démarche et le travail de Stanley Kubrick. Je pense en particulier à son Napoléon, le film qu’il n’a pas pu réaliser, mais dont tout le processus de documentation a été édité : correspondance, études de costumes, photos de repérage, versions de scénario, storyboard… Allemagne année zéro et Rome ville ouverte de Roberto Rossellini, aussi. 

Quel est votre court métrage de référence ? 
At Land de Maya Deren ou La Jetée de Chris Marker. 

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?  
C’est le festival qui en 2005 a présenté mon premier court métrage autoproduit Nuits closes. J’aime beaucoup ce festival et la façon dont il arrive à investir une ville entière, à mélanger professionnels et grand public. Je tenais particulièrement à revenir avec ce film, après tant d’années.   

Pour voir Le Jour où j’étais perdu, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F10

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Breakfast avec Nowhere Float (Nulle part où aller) https://clermont-filmfest.org/nowhere-float/ Thu, 02 Feb 2023 08:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59294 Entretien avec Fan Zhang, réalisateur de Nowhere Float (Nulle part où aller)

Qu’est-ce qui vous a inspiré l’histoire de Xiaomei?
Xiaomei est une actrice d’opéra traditionnel qui a fui sa ville natale, Cangshan, pour aller à Shanghai, où elle fait des ménages. Lorsqu’elle revient à Cangshan, elle retrouve sa famille, à qui elle n’a pas parlé depuis longtemps, son mari, qu’elle a quitté, et sa mère, qui a la maladie d’Alzheimer, et elle se sent déchirée. Elle voudrait emmener sa mère vivre avec elle à Shanghai, tandis que ses sœurs aînées la poussent à revenir vers son mari. Lorsque son patron, M. Song, lui téléphone de Shanghai, elle ne sait pas quoi dire, elle est perdue. C’est alors qu’elle apprend que la ville de Cangshan a changé de nom.Je viens moi-même de Cangshan. En tant que cinéaste, mon sujet de prédilection, c’est ma ville natale. Je suis parti voilà des années pour travailler. Beaucoup de gens de ma ville sont dans la même situation, ils partent pour survivre. Un jour, en rentrant à Cangshan, ma famille m’a appris que le nom de la ville avait été changé.  En entendant ça, j’ai ressenti tout un tas d’émotions qui se sont enfouies dans mon cœur, comme une graine. Après des années de pluie, la graine a poussé pour donner Nowhere Float, le film tel que vous pouvez le voir aujourd’hui.

Pouvez-vous expliquer ce choix intéressant d’avoir un personnage qui ne dit rien – celui de la mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer ?
Alzheimer est la maladie de l’oubli. La mère est une métaphore de la relation entre la protagoniste, Xiaomei, et sa ville de Changshan. Elles ont toutes deux été oubliées avec le temps.

Quels sont les réalisateurs qui vous ont inspiré ?
Alfonso Cuarón et Krzysztof Kieślowski. J’ai été très marqué par le Dekalog de Kieślowski.

Quel est le meilleur conseil qu’on vous ait donné en matière de cinéma ?
De faire ce qu’on veut et de ne rien lâcher.

Qu’attendez-vous du festival de Clermont-Ferrand ?
Tout d’abord, j’espère que mon film va plaire au public et aux membres du jury. J’espère aussi que le comité pourra me mettre en relation avec des personnes susceptibles de m’aider dans mes projets cinématographiques à venir.

Pour voir Nowhere Float (Nulle part où aller), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I2.

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Dernier verre avec Mulika https://clermont-filmfest.org/mulika/ Wed, 01 Feb 2023 23:01:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59278 Entretien avec Maisha Maene, réalisateur de Mulika

Quel a été le point de départ de Mulika ?  
L’idée du film m’est venue au cours de mes questionnements sur l’avenir du Congo, un pays qui possède d’énormes ressources en minerais, dont la population ne profite absolument pas. En tant que cinéaste afro-futuriste, je souhaite imaginer l’avenir de mon pays ainsi qu’un moyen de sortir de l’actuelle exploitation en se reconnectant à nos cultures et à nos ancêtres.

Pouvez-vous nous parler un peu de l’afro-futurisme ?     
L’afro-futurisme est une projection dans l’avenir et une représentation de l’Afrique du futur à travers une construction mythique d’un avenir connecté à la culture et au rêve africains.

Votre film évoque la question des grandes ressources minières du Congo et le fait que la population n’en bénéficie pas. Espérez-vous que votre film engage un dialogue sur le sujet ?
Oui, ce film est un bon outil pour engager un dialogue sur la question des minerais au Congo, et aussi pour envisager des solutions à ce problème, à travers une projection dans le futur. J’ai eu de bons échanges avec le public congolais lorsque j’ai présenté le film à Goma, ainsi qu’avec d’autres publics.

Avez-vous de nouveaux projets en tête ?  
Mon prochain projet s’intitule The Man Who Dreams the Space. C’est un long métrage documentaire qui parle de Keka, un ingénieur africain génial qui rêve d’aérospatiale dans un pays plongé dans les affres de la guerre à cause de la grande richesse en minerais de son sous-sol. Troposhère, une série de fusées fabriquées en République démocratique du Congo, à Kinshasa, est une initiative de Keka Aerospace, une filiale de l’entreprise Développement Tous Azimuts. L’objectif de Keka est de mettre en orbite des satellites congolais, mais il peine à obtenir du gouvernement congolais les financements qui lui permettraient de concrétiser son rêve.

Quel est votre court métrage de référence ?
Until the Quiet Comes de Khalil Joseph.

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Clemont-Ferrand est un des plus grands festivals du court métrage du monde. Pour moi, présenter Mulika à ce festival est une excellente occasion d’échanger avec un public plus large sur cet aspect singulier de l’histoire du Congo.

Pour voir Mulika, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I6.

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Goûter avec Hafra’at Hitmotetut Hamoshava (Syndrome d’effondrement des colonies) https://clermont-filmfest.org/hafraat-hitmotetut-hamoshava/ Wed, 01 Feb 2023 15:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59239 Entretien avec Amos Holzman, réalisateur de Hafra’at Hitmotetut Hamoshava (Syndrome d’effondrement des colonies)

Votre film traite de deux jeunes Israéliens , dont l’un essaie d’échapper au service militaire obligatoire. Qu’est-ce qui vous a incité à raconter cette histoire ?
Il est souvent facile d’oublier que les soldats sont des adolescents. Ils se font cueillir à 18 ans et on attend d’eux qu’ils tirent un trait sur leur adolescence du jour au lendemain. Je voulais montrer la dissension du soldat ado, dissension qui fait partie des réactions normales et viscérales dans une atmosphère de devoir et de discipline. J’ai voulu capter une expérience de l’armée qu’on connaît bien mais dont on parle peu en Israël, le fait de ne pas vouloir être là. Pas au nom de grandes idées, mais parce que la jeunesse est précieuse.

Peut-on voir dans vos films le portrait d’une nouvelle génération, qui exprimerait à travers son refus du service militaire obligatoire l’espoir d’un avenir différent ?
À travers ce film j’ai essayé de transmettre la tension entre la norme sociale du service militaire obligatoire en Israël et le désir d’être libre de ses choix et de sa vie qui caractérise la fin de la jeunesse. Je pense que cette tension sous-tend l’ensemble des luttes sociales de la société israélienne. Je ne suis pas sûr de représenter ou d’évoquer une génération entière, mais j’ai l’espoir d’un avenir tout autre, même si c’est plus difficile que jamais de l’imaginer sous le régime actuel.

Qu’est-ce qui s’est avéré le plus difficile pour vous durant le tournage, et pourquoi ?
Le film a été tourné entre deux confinements dus au Covid-19, ce qui a été extrêmement difficile sur le plan logistique. Mais le plus difficile, ce fut le casting. Il nous fallait trouver des comédien·ne·s à l’allure suffisamment flexible au point de vue du genre. Nous avons reçu des actrices et des acteurs pour chacun des deux rôles principaux. Puis nous avons mis ensemble et essayé de faire correspondre ceux et celles que nous aimions en différentes variations. C’était un long processus, plus exigeant qu’à l’accoutumée, mais aussi un moment très particulier, et nous sommes très satisfaits du choix qui en a résulté.

Comment la collaboration avec les comédien·ne·s s’est-elle passée pour le développement des personnages ?
La première phase du développement consistait à essayer de transmettre cette flexibilité du genre. La création d’un récit comportant le moins d’informations possible sur les personnages est un aspect essentiel du film. Leur classe sociale, leur passé, et plus significativement leur sexe, n’est pas manifeste. Il nous a fallu travailler sur la gestuelle et le discours. Il fallait écrire un dialogue qui sans divulguer le genre resterait naturel et fluide. J’ai demandé aux comédien·ne·s de décider pour eux-mêmes le genre qu’il voulait donner à leur personnage, mais sans se le dire ni me le dire. Car la confusion n’est pas en eux mais en nous.

Quel est votre court métrage de référence ?
Choisir mon film préféré, c’est une tâche impossible. Mais je peux parler d’un court qui m’a en quelque sorte aidé pour la réalisation de celui-ci. Quand je cherchais à en découdre avec le scénario, on m’a recommandé de regarder le court-métrage de Chantal Akerman, I’m Hungry, I’m Cold (J’ai faim, j’ai froid). Ça m’a aidé à me libérer vis à vis de l’ambiguïté de mes personnages, ce qui les anime, et l’intrigue en général. Le film a son rythme à lui et un sens de l’humour particulier. Je l’adore et je conseille de le voir et de le revoir de temps en temps.

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
J’ai entendu parler du festival du court métrage de Clermont-Ferrand depuis mon premier film (Panta Rhei), il y a douze ans. Ça a toujours été en haut de ma liste d’inscriptions de mes films aux festivals et c’est la première fois que j’ai l’occasion d’y participer et d’y aller. C’est bien sûr un jalon important et je m’autorise à me sentir très fier de moi.

Pour voir Hafra’at Hitmotetut Hamoshava (Syndrome d’effondrement des colonies), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I11.

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Lunch avec Cut (Coupez !) https://clermont-filmfest.org/cut/ Wed, 01 Feb 2023 11:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59165 Entretien avec Min-zun Son, réalisateur de Cut (Coupez !)

Quel a été le point de départ de Cut ? 
J’ai toujours voulu être acteur. Mais pas un acteur secondaire : je voulais incarner le personnage principal. C’est cette idée qui est à l’origine de Cut

Quelle a été votre source d’inspiration cinématographique pour Cut ? 
Je voulais simplement devenir un acteur, mais je n’en ai jamais eu l’opportunité. Ma vie est devenue compliquée. J’ai voulu m’amuser et tourner un film avec mes collègues, avant de partir travailler dans les cuisines d’un restaurant de fruits de mer sur une petite île. J’ai donc décidé de réaliser Cut

Quelle réaction attendez-vous de la part du public ?  
Je voudrais que mon court métrage marque les spectateurs. Et en même temps, j’espère qu’ils ne se focaliseront pas trop sur le côté très violent du film. J’espère aussi que les spectateurs se souviendront du nom de Son Min-zun. 

Quel est votre court métrage de référence ? 
One-Minute Time Machine de Devon Avery. Il est très court, se déroule dans un lieu unique, et il est aussi amusant et plein d’esprit. J’ai vraiment adoré le regarder, je l’aime toujours beaucoup et il continue de me marquer des années après. 

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?  
En réalité, je n’avais jamais entendu parler du festival de Clermont-Ferrand. Je faisais la plonge dans un restaurant de fruits de mer avant d’être sélectionné dans d’autres festivals de cinéma. J’ai échangé avec mon distributeur, puis j’ai cherché des informations sur le festival de Clermont-Ferrand sur Internet. Et j’ai crié de joie : c’est super ! 

Pour voir Cut (Coupez !), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I6

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