Festival International du court métrage – Clermont ISFF https://clermont-filmfest.org Festival du court métrage de Clermont-Ferrand | 31 Janv. > 8 Fév. 2025 Mon, 20 Feb 2023 14:22:30 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.5.5 https://clermont-filmfest.org/wp-content/uploads/2017/10/lutin-sqp-1-300x275.png Festival International du court métrage – Clermont ISFF https://clermont-filmfest.org 32 32 Breakfast avec Clean https://clermont-filmfest.org/clean/ Fri, 27 Jan 2023 08:00:17 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58571 Entretien avec Miranda Stern, réalisatrice de Clean

C’est une œuvre très directe. Quel en est le contexte, et qu’est-ce qui vous a poussée à raconter cette histoire ?
Des recherches scientifiques des années 1970 sur l’auto-administration de morphine par les animaux ont montré que si l’on proposait aux rats deux bouteilles, l’une remplie d’eau et l’autre d’héroïne, les rats buvaient systématiquement dans celle contenant de la drogue, jusqu’à la mort par overdose. Pour chacun d’eux. À travers une autre expérience, généralement oubliée ou dédaignée, le psychologue canadien Bruce K. Alexander a émis l’hypothèse selon laquelle cette réaction serait due à l’environnement et aux conditions de conservation des rats. À l’opposé des petites cages métalliques solitaires de l’expérience précédente, il construisit avec ses collègues le « Rat Park », une vaste colonie résidentielle d’une surface deux cent fois plus grande que celle d’une cage de laboratoire classique. Les rats étaient libres de déambuler, de jouer, de socialiser, ils avaient de quoi être stimulés mentalement, la possibilité de s’accoupler et de donner naissance… et on leur proposa pareillement l’accès aux deux bouteilles. Il n’y eut pas une seule overdose pour ces rats. Néanmoins, on ne peut pas construire en labo l’équivalent du « Rat Park » pour les humains. Contrairement aux idées préconçues de beaucoup, le rétablissement d’un toxicomane nécessite beaucoup de temps, de travail, d’énergie, et ça vaut aussi pour ses proches. Il n’y a pas de baguette magique, ni de remède miracle, pour ça. Et pas de garanties. Mais je crois vraiment qu’on ne peut pas le faire tout seul. Probablement que ce qui m’a déterminée à  faire ce récit, c’est l’idée selon laquelle le contraire de l’addiction, ce n’est pas juste être clean, d’être sobre, mais bien plutôt d’être en lien avec les autres. Un lien humain authentique, qui ait du sens. Et encore, ça ne suffit pas toujours.

Le tournage s’est-il déroulé sans heurts ? Avez-vous dû mettre de côté certaines choses, ou avez-vous eu du mal à les filmer ?
Beaucoup de films racontent la descente aux enfers de l’addiction, mais il n’y en a pas autant sur le thème audacieux, profondément intime et mal connu de la désintoxication.  Mais j’ai sous-évalué la difficulté que j’aurais à tourner ce film.  On a beaucoup débattu pour savoir s’il fallait garder tout ce que j’ai tourné, au risque de causer préjudice à moi ou mon compagnon, mais à la fin j’ai décidé que puisque c’était ce qu’il se passait, ça devait être dans le film. Je dois dire que j’ai mis de côté certaines des scènes de manque les plus spectaculaires. Je voulais rendre compte de tout de la manière la plus honnête possible, mais le sevrage physique du Subutex (le substitut synthétique à l’héroïne) ne paraissait pas essentiel au propos. La guérison ne peut pas se réduire au sevrage brut. Ainsi la quête de la normalité et de la stabilité devient le thème central, tandis qu’arrêter le Subutex n’en est que le résultat. Voir à quel point j’ai pu briser la confiance de mon partenaire est ce qui m’a été le plus difficile. Aussi, voir ces moments où je touche le fond me revenir à la figure ne fait que les rendre plus douloureux, d’une certaine façon. Je n’ai pas arrêté de lui demander s’il était d’accord pour continuer et il répondait toujours que si ça pouvait aider quelqu’un à éviter de traverser ce que nous avons vécu, ça valait mille fois la peine.

À quelles réactions avez-vous eu affaire depuis les premières projections ? Certaines vous ont-elles particulièrement marquée ?
L’héroïne demeure un tabou. Qui plus est, aborder la maternité en tant que toxicomane en voie de guérison, c’est, non seulement être stigmatisée, mais c’est aussi s’aventurer dans quelque chose de très complexe sur le plan médical, comme sur celui de l’éthique ou de la psychologie. Les retours ont été, en général, incommensurablement positifs. Je me rends compte que les gens sont curieux et qu’ils ont souvent beaucoup de questions à poser sur l’ensemble du processus.

Quel est votre parcours en tant que cinéaste ?
Depuis que j’ai fini Clean, je me suis inscrite en master en réalisation à la National Film and Television School, je fais donc les choses un peu à l’envers. Avant cela, je vais faire des films de sensibilisation pour des organisations caritatives et des ONG, et également travailler pour la radio.

Quel genre de nouvelles histoires avez-vous envie de raconter ? Est-ce que vous vous intéressez aussi à la fiction ?
Je suis justement en train de faire mon premier film de fiction, à travers le programme Sharp Shorts du British Film Institute. J’ai beaucoup d’intérêt pour la frontière entre le réel et l’imaginaire – c’est vraiment le bon moment pour un cinéma hybride.

Quel est votre court métrage de référence ?
In the Dark de Sergei Dvortsevoy est un de mes préférés, autant pour ce qu’il montre que pour ce qu’il laisse deviner. C’est un vieil homme et son chat, et le tout constitue une tragédie sisyphienne. Ce film n’a rien de trop démonstratif et se soucie peu d’être « à-propos » mais parvient plutôt à en dire tellement sans utiliser de mots pour véhiculer sa signification. J’adore les courts d’Apichatpong Weerasethakul, de Peter Greenaway, de Philip Hoffman, tout comme les œuvres avant-gardistes de Peter Kubelka et Morgan Fisher qui explorent et jouent sur toutes les permutations entre le son et l’image, le silence et l’absence.

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
C’est le Cannes du court, c’est donc évidemment pour moi un honneur. D’autant plus, je crois, du fait que ce soit un film aussi personnel, et un thème cher à mon cœur. Bénéficier d’une telle plateforme rend donc vraiment humble.

Pour voir Clean, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I2.

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Dîner avec Big Bang https://clermont-filmfest.org/big-bang/ Thu, 26 Jan 2023 20:00:53 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58552 Entretien avec Carlos Segundo, réalisateur de Big Bang 

Qu’est-ce qui vous intéressait dans le rapport aux extrêmes chaleurs dans Big Bang ?
Big Bang est le deuxième court métrage d’une trilogie du « space » (le premier d’eux : Sideral). Dans Big Bang, je maintiens mon regard vers la vie ordinaire des exclus. Mais à l’instar de Sideral, je trouve la puissance et la force du personnage qui vont tout bouleverser. Chico est, symboliquement, la particule d’univers qui n’attend que l’étincelle pour y exploser et se répandre.

Comment s’est passée la rencontre avec le comédien Giovanni Venturini ?
Giovanni est un grand comédien brésilien, très connu pour sa participation dans différents projets (cinéma, théâtre, télé, etc). On s’est rencontrés pour la première fois – c’est lui qui me l’a dit – dans une fête, en dansant (quelle coïncidence), lors du concert de l’un de nos amis. Alors, quand l’histoire m’est venue à l’esprit pour la première fois, automatiquement l’image m’est venue aussi. Je l’ai contacté et lui ai présenté le projet. Il a accepté immédiatement, j’ai eu de la chance !

Comment avez-vous élaboré le procédé de cadrage ?
Comme dans tous les autres films que j’ai réalisés, la forme ne précède jamais le narratif. Je trouve le point de départ, le concept et, pour tout boucler, la forme. Avec Big Bang c’était pareil, et le cadrage – le bouquet imagétique du film – m’est venu de façon quasi naturelle, dans cette recherche de produire un point de vue singulier et de mieux le pointer dans le film. Pour la ségrégation à rebours, ce n’est qu’une provocation en même temps c’est une invitation à notre attention, à regarder le monde d’une autre manière.

Pourrait-il y avoir une suite à Big Bang ?
En ce moment je ne pense pas. Je travaille maintenant sur le troisième court de la trilogie et j’ai développé mon deuxième long métrage. En tout cas, il est toujours là, et n’importe quel moment je peux y repenser et rebondir.

Quel est votre court métrage de référence ?
En fait, il n’y en a pas.  Comme je l’avais dit, je cherche dans le concept même sa propre référence.

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ? 
Clermont-Ferrand est reconnue mondialement comme la Mecque du court métrage. Ainsi, c’est faramineux d’avoir un film dans sa sélection.  Pour moi, particulièrement, qui vis la quatrième fois cette expérience, c’est tout à fait sidérant.  

Pour voir Big Bang, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F6.  

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Goûter avec 48 Hours (48 heures) https://clermont-filmfest.org/48-hours/ Thu, 26 Jan 2023 15:00:09 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58540 Entretien avec Azadeh Moussavi, réalisatrice de 48 Hours (48 heures)

Le film raconte avec beaucoup d’émotion le combat d’un père. Qu’est-ce qui vous a inspiré cette histoire ?
Le film s’inspire de mon enfance, des deux années que mon père, journaliste, a passées en prison. 

Comment avez-vous trouvé les acteurs ? Et comment avez-vous travaillé avec eux pour recréer cette subtile dynamique familiale ? 

Dans le film, le personnage féminin doit travailler, elle est très active, j’ai pris une actrice très connue en Iran, très compétente, qui déborde naturellement d’énergie, ce qui crée un contraste avec l’homme, qui est emprisonné depuis plusieurs années, qui devait dégager moins d’énergie, et avoir une certaine dureté dans l’expression : j’avais vu cet acteur dans le film A Man of Integrity, de Mohammad Rasoulof, qui était présent au festival de Cannes. Pour l’enfant, j’ai fait passer des auditions à plusieurs jeunes actrices avant de rencontrer cette petite fille, qui avait tourné dans une publicité. J’aimais beaucoup son visage, et elle était très intelligente. Je suis allée chez elle pour faire des jeux, et entre les jeux, je lui faisais peu à peu répéter des scènes du film. Pour les enfants, il faut que tout cela soit comme un jeu. On a répété avec les deux acteurs adultes, mais l’enfant a seulement répété avec l’actrice, et n’a pas vu l’acteur avant le moment du tournage, car je voulais qu’ils soient étrangers l’un à l’autre. 

Quel est votre parcours de réalisatrice ? Quelles histoires avez-vous envie de raconter ?
J’ai réalisé deux films documentaires, dont l’un, intitulé Finding Farideh, a représenté le cinéma iranien aux Oscars 2020. J’ai aussi quatre courts métrages de fiction, et mon film précédent, The Visit, était également présenté au festival de Clermont – ce sera donc la deuxième fois que j’irai à ce festival. J’aime les histoires qui parlent de notre société. Et surtout les histoires autobiographiques. 

Quelles sont vos influences cinématographiques ?
Les frères Dardenne et les films de Abbas Kiarostami. 

Quel est votre prochain projet ?
J’ai écrit un scénario de court métrage inspiré par les récents événements en Iran, ce qui n’est pas sans rapport avec mes films précédents. 

Quel est votre court métrage de référence ?
Les premiers courts métrages qui m’ont marquée étaient ceux de Krzysztof Kieślowski. 

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
D’une façon générale, je pense que la communauté artistique n’a pas de frontières et forme une grande famille. Les festivals sont l’occasion de rassembler les membres de cette famille pour favoriser les échanges culturels. J’espère y créer des liens pour produire mon prochain film. 

Pour voir 48 Hours (48 heures), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I5

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Lunch avec Paradiso, XXXI, 108 https://clermont-filmfest.org/paradiso-xxxi-108/ Thu, 26 Jan 2023 11:00:17 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58532 Entretien avec Kamal Aljafari, réalisateur de Paradiso, XXXI, 108 

Où et quand se déroule Paradiso, XXXI, 108 ?
Paradiso, XXXI, 108 se déroule dans le désert du Néguev, dans le sud de la Palestine.

Comment avez-vous mis la main sur les films militaires ? Les avez-vous remontés ?
Il s’agit de films de propagande commandés par l’armée israélienne et destinés à la formation des soldats pour montrer que c’est très amusant d’intégrer l’armée et que ça permet d’apprendre tout un tas de choses. Tout le concept de mon film repose sur le montage : cela m’a permis de subvertir le médium en modifiant l’ordre des scènes et des opérations, en usant et abusant de la répétition des activités mécaniques afin de remettre en question des jeux armés et de les faire apparaître comme dépourvus de sens. Mais j’ai conservé le montage original pour certaines scènes, car il servait l’idée du film. La narration en hébreu est également tirée des films d’origine, et bien qu’il s’agisse d’une fiction, le document témoigne d’un certain état d’esprit.

Qu’aviez-vous en tête au moment de l’enregistrement de la bande originale du film ?
En premier lieu, je me suis intéressé à l’aspect mécanique des êtres humains, et plus particulièrement à celui de l’armée, vue comme un appareil de destruction. Le son retranscrit cette sensation et fait monter la tension, par exemple avec la « Danse macabre », qui, comme son nom l’indique, est une musique qui parle de la nature humaine et en est un reflet. En un sens, c’est ce que l’on voit. J’ai utilisé la « Sarabande » d’Haendel pour insuffler une touche de mélancolie vis-à-vis de tout ce qui va de travers pour l’humanité, qui paie toujours le prix fort en cas de guerre, mais crée aussi des systèmes qui permettent de tout détruire. Et bien que ce film ne montre qu’un cas particulier, dans une région donnée, je le vois comme une réflexion à plus grande échelle sur l’humanité et ses échecs. Pour certaines scènes du film, j’ai utilisé des morceaux de Soliman Gamil (« Pharaoh Funeral Process » et « Isis Looks for Osiris  »), qui en un sens, sont la bande originale de ce paysage. Le son de la flûte qui revient, et revient encore, ressemble au vent. C’est comme si ce paysage nous disait « Vous ne pouvez pas me battre ». Cette région de la Palestine a été très marquée par les nombreuses bases militaires qui y ont été construites pour les manœuvres, mais aussi par les colonies établies, et cela a modifié sa nature. Partout dans le monde, les déserts ont été le théâtre d’exercices, notamment pour tester les bombes. Cela a fini par détruire le paysage. Dans ces films, on ne voit jamais les hommes : l’ennemi est toujours caché dans le relief ou au milieu des ruines, mais on ne le voit jamais. Cela n’empêche pas les soldats de continuer les bombardements, de se déplacer et de repartir à l’attaque encore et encore. Le fait que l’ennemi soit invisible est aussi symbolique : dans différents aspects de leur vie, les Palestiniens sont perçus comme non existants et temporaires. Pourtant, l’État est supposé les rechercher, comme l’indiquent ces documents qui corroborent cette idéologie. Ils sont là, sans être là. Ils ne sont pas reconnus comme des êtres humains, et l’armée continue pourtant de se battre contre eux. C’est une attitude assez contradictoire et vouée à l’échec.

Paradiso, XXXI, 108 aura-t-il une suite ? Avez-vous d’autres projets autour de cette thématique ?
Ce court métrage est né après A Fidai Film, un autre projet dont le montage est toujours en cours, et en un sens, ce que l’on voit dans Paradiso, XXXI, 108 n’est qu’un des aspects de mon travail de « sabotage » d’archives. A Fidai Film aborde le pillage, toujours en cours, des archives, d’une culture et d’un pays entier. Ce film montre tout ça. En travaillant avec des archives, je peux étudier les images et trouver un motif. Dans A Fidai Film plusieurs séquences montrent des manœuvres militaires à différentes époques, où, pour s’entraîner, les soldats attaquent des ruines, vidées de leurs habitants. Il a quelque chose de très étrange dans le fait d’utiliser de vieux bâtiments : c’est en quelque sorte un symbole de toute l’histoire de la Palestine, et pas seulement de notre époque actuelle.

Quel est votre court métrage de référence ?
Je dirais Hommage par assassinat d’Elia Suleiman (1992). D’après moi, c’est l’un des meilleurs courts métrages de tous les temps. Et il s’agit du premier film qu’il a réalisé à New York.

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
J’ai toujours entendu parler de ce festival, et je suis très heureux que mon film y soit présenté. J’apprécie énormément le fait que le festival de Clermont-Ferrand se concentre sur les courts métrages et les soutienne, car d’après moi, c’est le format idéal pour proposer des idées expérimentales. Si leur durée les rend plus difficiles à produire et à accompagner, elle leur donne aussi la liberté d’être indépendants.

Pour voir Paradiso, XXXI, 108, rendez-vous aux séances de la compétition labo L2

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Dernier verre avec Smoke Gets in Your Eyes (La Fumée pique les yeux) https://clermont-filmfest.org/smoke-gets-in-your-eyes/ Wed, 25 Jan 2023 23:00:46 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58514 Entretien avec Alvin Lee, réalisateur de Smoke Gets in Your Eyes (La Fumée pique les yeux)

D’où vous est venue l’idée du film ?
Du souvenir cumulé de toutes les veillées funèbres auxquelles j’ai pu assister. Je me suis rendu compte que de nos jours les cérémonies n’ont pas grand-chose à voir avec la personne décédée. À Singapour, on voit souvent les membres de la famille et les proches bavarder avec insouciance, parler affaires, boire de l’alcool, voire même faire des jeux d’argent plutôt que d’honorer la mémoire du trépassé. Certaines personnes dépensent même des sommes faramineuses pour de somptueuses funérailles, mais je ne peux m’empêcher de me demander s’il s’agit là vraiment du défunt ou seulement de préserver les apparences pour les vivants.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les problèmes entourant la crémation, en préciser le contexte culturel ?
Singapour est toujours confrontée à la pénurie de terres, et ce problème a conduit au choix de la crémation et de la conservation des urnes en columbariums en remplacement de la mise en terre. Incinérer un corps à la place d’un autre est assez rare, mais c’est déjà arrivé dans différentes parties du monde. Dans des funérailles traditionnelles chinoises à Singapour, la famille du défunt organisent en général une cérémonie funèbre de plusieurs jours pour rendre hommage au décédé. C’est souvent un grand chahut, comme d’assister à un carnaval dont la crémation ferait office de clôture. Les gens sont prompts au jugement durant les funérailles. Si l’on ne manifeste pas haut et fort sa tristesse ou son émotion, les autres critiqueront votre manque d’empathie ou votre insensibilité. Par conséquent, la plupart se comporte d’une certaine manière juste pour se conformer aux attentes et aux jugements de l’entourage et de la société.

Que souhaiteriez-vous que le public retienne du film ?
C’est une comédie noire, dans le sens où elle montre l’absurdité des pratiques funéraires et l’hypocrisie humaine sur un ton léger. J’espère que les gens riront pendant la projection, mais aussi qu’ils pourront après y trouver une résonance ou en apprécier le réalisme sur le fond. J’espère aussi que les gens veilleront à prendre des décisions ou à faire les choses selon ce qui leur paraît juste en leur cœur, et non selon ce que les autres perçoivent. Il y a beaucoup de choses dans ce monde qui sont plus importantes que l’argent ou le statut social. Il faut vivre pour soi-même et sa famille, car le temps dont nous disposons sur terre est bref.

Quel est votre parcours en tant que cinéaste ?
J’ai fait mon premier film pendant mes études en médias numériques à l’école polytechnique de Singapour. Au bout de mes deux ans de service militaire obligatoire, j’ai décidé de poursuivre mes études à l’académie du cinéma de Pékin, section Réalisation. Après quatre ans passés en Chine, je viens de rentrer à Singapour. Je dis souvent en plaisantant que je ne servirais pas à grand-chose si je ne pouvais pas faire de films, car je ne sais rien faire d’autre !

Quelles sont vos inspirations cinématographiques ?
Yasujiro Ozu, Ang Lee, Alejandro González Iñárritu. La sensibilité et la puissance d’évocation d’émotions et de sentiments dans leurs films me touchent de manière très durable.

Quel est votre court métrage de référence ?         
Skin (2018, Oscar du meilleur court-métrage) de Guy Nattiv. La fin m’a époustouflé.

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Un rêve qui se réalise ! Ça a toujours été un de mes petits fantasmes, de voir mon film sélectionné et projeté à Clermont-Ferrand. J’en suis reconnaissant à vie, et il me tarde d’y être !

Pour voir Smoke Gets in Your Eyes (La Fumée pique les yeux), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I1.

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Dîner avec La Mécanique des fluides https://clermont-filmfest.org/la-mecanique-des-fluides/ Wed, 25 Jan 2023 20:00:37 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58504 Entretien avec Gala Hernández López, réalisatrice de La Mécanique des fluides 

Qu’est-ce qui vous a décidé à réaliser un film autour des questions que soulevaient les messages laissés par Anathematic Anarchist ? Envisagez-vous de réaliser d’autres films approchant ces questions ?
Mon désir initial était de faire un film sur la solitude connectée propre au capitalisme numérique à travers l’exemple des applications de rencontres. Mais quand j’ai trouvé et lu la lettre de suicide d’Anathematic, qui m’a beaucoup émue, j’ai décidé d’introduire les incels comme interlocuteurs. Ils incarnent pour moi une désolation humaine très sombre, liée à l’atomisation sociale produite par internet et les écrans. Je voulais explorer leurs affects qui résonnaient en moi d’une manière inattendue, car je me suis aussi retrouvée souvent terriblement seule derrière l’écran de mon téléphone portable, obnubilée par son illusion de connectivité et de sociabilité. Les jeunes – de ma génération, la Y, mais c’est encore pire pour la Z – passent de moins en moins de temps avec leurs amis, font moins l’amour et sont plus déprimés et anxieux que jamais. Personnellement, je suis convaincue que la cause de toutes ces tristes transformations est la même : les plateformes numériques, la virtualisation et l’automatisation croissante de nos existences. Mon deuxième court métrage, HODL, porte sur une autre communauté virtuelle très masculine, celle qui gravite autour des cryptomonnaies. En faisant La Mécanique des fluides, j’ai réalisé aussi les contradictions, la complexité de la masculinité en tant que construction socioculturelle. En approchant ces communautés, je voudrais comprendre comment elles participent de la production d’une masculinité patriarcale qui me semble dangereuse autant pour les femmes que pour les hommes. 

Comment avez-vous construit la narration, organisé les vidéos et les extraits d’espaces virtuels ?
Le récit s’est construit organiquement, au fur et à mesure que je trouvais des documents sur internet, que je faisais des recherches sur les incels, sur les applications de rencontre, sur les effets des algorithmes sur nos subjectivités (Eva Illouz et bell hooks, surtout, mais aussi Judith Duportail et de nombreux articles scientifiques sur la manosphère). Après un long processus de recherche théorique et d’enquête de terrain, j’ai écrit une voix off qui a donné une première structure au film mais je l’ai réécrite et réarrangée en fonction des vidéos et du matériel que je trouvais sur internet petit à petit. Le problème – et les avantages – de travailler avec internet comme source de contenus est qu’il s’agit d’un processus interminablement ouvert à la sérendipité. 

Organisez-vous des démarches allant au-delà de la simple projection du film, comme des expositions artistiques, des rencontres avec le public ou des débats en ligne ou sur les réseaux ? 
Le film a déjà été transformé en installation vidéo pour une exposition au festival Filmwinter de Stuttgart, où nous l’avons présenté à côté d’une impression de la lettre d’Anathematic complète (qui n’est pas montrée dans son intégralité dans le film). Il y a eu des rencontres avec le public lors de festivals et autres projections, mais j’aimerais beaucoup qu’il y ait plus de présentations du film dans le milieu du militantisme féministe, car je suis très intéressée de savoir quel genre de débats le film pourrait susciter dans ces cercles-là. 

Avez-vous envisagé de faire de La Mécanique des fluides un « spam », de le proposer ou l’intégrer aux algorithmes, etc ?
En raison du sujet traité, j’ai eu peur d’être harcelée par des masculinistes s’ils découvraient le film. J’ai même envisagé de ne pas le signer de mon propre nom à un moment donné. Il est cependant très important pour moi, d’un point de vue politique, que le film soit vu autant que possible, que l’on parle des questions qu’il aborde. Qu’il devienne viral serait réconfortant dans ce sens, car il me semble que le film traite d’une misogynie grandissante qui devrait faire partie du débat public de toute urgence. Mais j’ai encore des doutes sur le devenir public du film. La possibilité de finir par le réinjecter dans le même circuit de diffusion dont il est en quelque sorte issu, c’est-à-dire, YouTube – et ainsi fermer la boucle – m’attire tout autant qu’elle m’effraie. 

Quel est votre court métrage de référence ?
C’est une question très difficile… J’admire énormément toute la production théorico-artistique de Hito Steyerl. En France, Gabrielle Stemmer et Chloé Galibert-Laîné ont réalisé des films qui m’ont beaucoup inspirée (Clean With Me (After Dark) et Forensickness, entre autres). 

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ? 
Une fabuleuse occasion pour le court métrage d’être vu, d’échanger à son sujet avec le public et avec d’autres réalisateurs, de rencontrer d’autres artistes et de découvrir leurs films. Le programme labo, surtout, me semble hallucinant et c’est un réel honneur d’en faire partie. 

Pour voir La Mécanique des fluides, rendez-vous aux séances de la compétition labo L4

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Goûter avec Bellus https://clermont-filmfest.org/bellus/ Wed, 25 Jan 2023 15:00:53 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58497 Entretien avec Alexis Pazoumian, réalisateur de Bellus

Qu’aviez-vous envie d’explorer au travers la relation entre Michel et Santos ? 
Bellus suit le cheminement intérieur et spirituel de Michel. Le film épouse le point de vue du jeune homme. Ce n’est pas le récit d’une conversion, mais d’un cheminement tortueux vers une forme de rédemption. La religion évangéliste a une place très importante au sein de la communauté gitane. Bon nombre d’anciens trafiquants trouvent une voie et un équilibre à travers la religion. Michel aspire à une vie meilleure et va osciller entre quête spirituelle, et la recherche de son “moi profond”.  Sa relation à Santos m’a permis d’appuyer le cheminement mais aussi de montrer qu’à travers leur relation et leur vies parfois opposées, la solidarité est la force de cette communauté.

Votre expérience de photographe vous a-t-elle aidé pour vous faire accepter de cette communauté de gitans du sud de la France ? 
En 2016, j’ai eu le désir de photographier le pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer avec la volonté de sentir la force de la religiosité qui conduit ces prêcheurs venus des quatre coins de l’Europe et qui rassemble des populations gitanes, roms, tsiganes et manouches. J’y ai fait la connaissance de Tino, un boxeur gitan de la cité Bellus, près de Perpignan, qui s’est proposé de me faire découvrir ce lieu. Sans l’ombre d’une hésitation, j’ai accepté son invitation. Fasciné par l’identité singulière de cette communauté et touché par la chaleur de son accueil, j’ai rapidement ressenti le désir de renouveler l’expérience. Au cours de mes nombreux séjours, je me suis familiarisé avec la culture qui berce cette cité. J’ai trouvé dans la violence de leur histoire meurtrie et de leur quotidien déraciné un écho à mon histoire familiale. Comme souvent dans ces populations migrantes, on retrouve des femmes et des hommes qui se raccrochent à des traditions fortes, doublées d’un attachement à la religion. Cela a fait naître en moi l’envie de construire une histoire à partir de cette thématique, afin de dresser un portrait fidèle de cette communauté, loin des stéréotypes souvent associés aux Gitans. Mon expérience de photographe m’a permis de découvrir cette communauté mais pas de me faire accepter. Seul la persévérance et le temps m’ont permis de me faire accepter.

L’une des réussites du film réside dans la présence des acteurs à l’écran. Comment avez-vous collaboré avec eux ? Avez-vous une approche spontanée et informelle du scénario, ou au contraire très écrite ?
La part de documentaire dans ce récit est totalement assumé : les décors sont réels et font partie intégrante du quotidien de Michel et de sa communauté, afin de capter une atmosphère qui leur est propre. Les comédiens sont pour la plupart de la famille de Michel Pubill. J’ai souhaité impliquer les habitants de la cité Bellus pour qu’ils puissent interpréter leur propre rôle autant que possible comme la grand-mère Carmen par exemple qui est réellement la grand-mère de Michel. La matière du scénario a constitué une base à partir de laquelle ils se sont exprimés librement avec leurs propres expressions, leurs dialectes, afin de dresser un portrait fidèle de cette communauté. Il y avait une grande part de spontanéité même si les dialogues était très écrit pour les différentes commissions que nous avions présentées.

Quel est votre court métrage de référence ?
Je dirais plutôt un film de référence pour mon chef opérateur Hovig Hagopian et moi-même qui a été A Ciambra de Jonas Carpignano. Il a tourné un film dans une communauté rom du sud de l’italie avec des comédiens non professionnels en débutant par un court métrage avant de réaliser ce premier long métrage.

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Avec mes producteurs nous visions depuis le début le festival de Clermont-Ferrand qui représente pour nous un véritable tremplin pour la carrière de ce film et nous sommes extrêmement fiers d’être sélectionnés.

Pour voir Bellus, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F9

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Lunch avec Daphne (Daphné) https://clermont-filmfest.org/daphne/ Wed, 25 Jan 2023 11:00:06 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58487 Entretien avec Tonia Mishiali, réalisatrice de Daphne (Daphné)

Pouvez-vous nous parler de Daphne, le personnage principal, et de ce qui vous a amenée à écrire son histoire ?
Daphne est mère célibataire. Son absence de communication avec son fils, un ado asocial qui s’est fait happer par la technologie, la fait souffrir. Elle est en télétravail à cause des mesures de restriction liées à la pandémie, et n’a donc pas d’autres relations humaines. Elle se sent seule, et par ces temps de couvre-feu et de confinement, elle n’a pas l’occasion de sortir pour rencontrer des gens. Elle s’inscrit donc sur une application de rencontres. C’est mon propre besoin d’expression artistique après avoir été enfermée chez moi si longtemps, ainsi que mon envie de relations humaines, qui m’ont amenée à écrire cette histoire, tout en essayant d’évoquer l’instinct de survie propre à la nature humaine.

Le film se passe pendant le confinement. Était-il important de placer le personnage dans ce contexte précis ?
C’est le thème du film, ce désir désespéré d’amour et de tendresse du personnage. Il était important de placer la placer dans le contexte de la pandémie et des confinements car son désir s’est intensifié pendant cette période, et le sentiment de solitude s’est installé. C’est la solitude qui crée en elle ce besoin désespéré de contact humain.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans la réalisation du film ?
Daphne a été tourné avec peu de moyens (un budget de dix mille euros), car nous n’avions pas de subventions publiques, nous avons donc rencontré beaucoup de difficultés. J’avais écrit le film pendant le confinement, et je voulais le réaliser aussi vite que possible, car j’avais moi-même un grand besoin d’être créative. Beaucoup de collègues et d’amis qui travaillent dans le cinéma m’ont aidée à concrétiser mon projet. Cela m’a pris plusieurs mois, mais j’ai fini par réunir une équipe, et nous avons tourné le film en trois jours, après le troisième confinement. Nous avons été constamment confrontés au manque de moyens, mais grâce à l’enthousiasme de l’équipe, nous avons réussi à boucler le film.

Daphne montre de façon assez crue et réaliste ce besoin de tendresse à l’époque actuelle. Était-il important pour vous de porter ce thème à l’écran ?
La tendresse, c’est une chose dont nous manquons à l’heure actuelle. Nous sommes tellement pris par le boulot, les choses matérielles, que nous ne savons plus communiquer avec les autres, ni exprimer nos sentiments. Il était important pour moi de porter à l’écran ce besoin intense de tendresse, qui transcende le rapport physique. Je voulais souligner le fait qu’à l’heure actuelle, les besoins émotionnels des gens sont inassouvis et que les limites de l’être humain sont mises à l’épreuve – et que lorsque les gens sont mis à l’épreuve sur le plan émotionnel et physique, des comportements nouveaux peuvent surgir de façon inattendue et incontrôlable.

Quel est votre court métrage de référence ?
Wasp d’Andrea Arnold est un de mes courts métrages préférés. C’est film remarquablement bien fait, sur tous les plans, qui parle d’une jeune mère célibataire bien décidée à ne pas laisser ses quatre enfants gâcher une sortie au pub avec un garçon qui lui plaît. C’est le style de cinéma que j’aime.

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Le festival du court métrage de Clermont-Ferrand est le plus grand festival de cinéma dédié au court métrage. Il représente la réussite et la reconnaissance pour tout réalisateur sélectionné sur plus de 8000 candidatures. Nous sommes très honorés !

Pour voir Daphne (Daphné), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I5

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Breakfast avec Fantasy in a Concrete Jungle (Fantasme dans une jungle de béton) https://clermont-filmfest.org/fantasy-in-a-concrete-jungle/ Wed, 25 Jan 2023 08:00:20 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58478 Entretien avec Mehedi Mostafa, réalisateur de Fantasy in a Concrete Jungle (Fantasme dans une jungle de béton)

Quel est votre intérêt pour l’urbanisation ? Avez-vous d’autres projets sur ce thème ?
J’ai étudié l’architecture à Dhaka, c’est dans doute pour ça que je m’intéresse à l’urbanisme et à l’urbanisation. Je pensais à l’époque que Dhaka deviendrait une ville bien conçue, que ce serait possible. C’est bien sûr une utopie. Mais les utopies sont importantes pour le futur. J’ai vu Dhaka s’urbaniser très vite et c’est à présent la ville qui a la plus grande densité de population au monde. Je me demande parfois comment faire un film sur un endroit où je déteste habiter. Mon intérêt pour l’urbanisation est donc un peu multiple et éparpillé. Je travaille sur un long métrage documentaire nommé Making Places, lié au thème de l’urbanisation. Et je développe également une fiction sur une jeune personne qui fait ses études sur fond d’urbanisation à Dhaka.

Qu’est-ce qui pousse selon vous vos personnages à quitter les espaces ruraux pour lesquelles ils ont tant de nostalgie ?
Ils cherchent du travail, je crois que c’est assez commun partout dans le monde. Et nos campagnes sont toujours sous-développées en matière d’infrastructures publiques. Nos villages sont d’une verdure inestimable à côté de la laideur des villes au développement anarchique. Dans l’esprit des citoyens, la ville est donc mauvaise et moche. Ils y sont transitoirement en attendant de retourner dans leur village. C’est le fantasme de mes personnages, et je crois que c’est parce que nous ne savons pas ce qu’est ou peut être une cité. Nous n’avons pu qu’observer une rapide urbanisation, et nous n’avons pas ici de bon exemple à suivre en matière d’urbanisme. Ou peut-être nous est-il simplement impossible de repartir de zéro pour concevoir autrement des villes qui ont poussé aussi vite. Mon père aussi était maladivement nostalgique de son village. Il a commencé à s’occuper d’une ferme après sa retraite. Mais en même temps, il ne peut pas rester dans son village plus de deux semaines. Sur son passeport, son adresse de résidence est celle de la maison de village, pas de l’appartement où il habite à Dhaka.

Vous vivez vous-même à Dhaka ? Y a-t-il des endroits que vous appréciez ?
J’y habite. Il faut dire qu’hélas Dhaka dispose de très peu de lieux publics. J’aime les endroits de la ville où je peux profiter de quelque chose qui ressemble à un espace public, les endroits où je peux m’asseoir sans avoir à payer pour ça. Je le redis, on ne comprend pas le concept d’espace public dans cette ville. Tout est privé ou clôturé ici – même les espaces verts.

Pensez-vous qu’on puisse apprivoiser le béton ? Et croyez-vous qu’on ait vraiment apprivoisé la nature ?
La construction d’une habitation est quelque chose d’essentiel à l’existence sur terre. Nous avons besoin d’un domaine clos où vivre. Les animaux aussi vont se faire leur abri. Peut-être avons-nous simplement besoin de trouver l’équilibre entre la vie à l’état sauvage et les nécessités domestiques.

Quel est votre court métrage de référence ?
J’ai regardé beaucoup de courts à l’institut du film d’Inde. La plupart racontent une histoire. Un jour mon professeur m’a montré un court métrage documentaire qui s’appelait Before My Eyes, de Mani Kaul. C’était une commande de l’office de tourisme du Cachemire, en Inde, mais ce film n’avait rien d’un film touristique. En tout état de cause j’en ai un souvenir vivace aujourd’hui. C’était comme un documentaire en forme de paysage méditatif. Une mosaïque de plans statiques et changeants sur le panorama majestueux de la région du Cachemire, avec les sons de la vallée. L’auteur se sert de merveilleux éléments sonores hors-champ qui donnent une ouverture sur un monde différent tout en contemplant le paysage du Cachemire. Et on ne voit presque personne dans le film.

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Bien que je n’y sois jamais allé, je sais qu’il s’agit d’un festival de court métrage dont la programmation est très bonne et le public conséquent et attentif. J’ai aussi hâte d’explorer les activités de l’industrie du court dans les allées du Marché du court.

Pour voir Fantasy in a Concrete Jungle (Fantasme dans une jungle de béton), rendez-vous aux séances de la compétition labo L4.

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Dernier verre avec La Lutte est une fin https://clermont-filmfest.org/la-lutte-est-une-fin/ Tue, 24 Jan 2023 23:00:05 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58468 Entretien avec Arthur ThomasPavlowsky, réalisateur de La Lutte est une fin 

Votre film aborde le thème de la boxe comme exutoire contre les injustices et les discriminations : qu’est-ce qui vous a amené à réaliser un documentaire sur ce sujet ?
En participant au mouvement Nuit Debout contre la loi travail, puis plus tard en militant à Calais, j’ai été victime et témoin de violences policières. Souvent tétanisé face à celles-ci, je ressentais le besoin de m’éduquer à prendre des coups et à en donner. En arrivant sur Marseille, j’ai donc eu envie de passer le cap. Des amis m’avaient parlé du Collectif Boxe Massilia qui, à l’époque, donnait des cours de boxe anglaise à prix libre dans une maison pour tous, à côté du cours Julien à Marseille. Dès le premier cours j’ai été empreint par l’atmosphère qui régnait dans la salle. De l’adolescent tout juste sorti de sa journée de lycée au cinquantenaire qui revient de son travail, les gens se rencontraient en apprenant l’art de se frapper. Ce qui a concrétisé mon envie de documentaire, c’est la volonté du collectif de revendiquer une boxe prolétarienne. Cette ligne politique les a amenés à créer un lien avec le comité Chômeurs et précaires de la CGT 13. La CGT a alors accueilli dans la bourse du travail le collectif à venir boxer. Pour moi, leur enseignement de la boxe n’est pas simplement un exutoire, il est un acte de résistance. Il permet à des individus de prendre confiance en eux, de s’affirmer et de lutter contre des oppressions vécues. Les personnes du collectif ne font pas que pratiquer la boxe anglaise, ielles en parlent et en font un objet de lutte. 

Comment avez-vous approché les boxeurs et boxeuses du Massilia Boxing Club ? A-t-il été difficile de les convaincre de participer à votre documentaire ?
Je crois que je préfère le mot “rencontre” qu’“approche”, je le trouve plus juste dans ce que j’ai vécu. Dans un premier temps, je cherchais juste à apprendre la boxe. Dans un second temps, j’avais très envie de filmer le collectif et l’apprentissage de la boxe. J’ai demandé à Jules un des créateurs du collectif si je pouvais faire un documentaire sur elleux. Il a dit oui tout de suite. C’était le point de départ. Ce qui a été long, c’était de partager avec elleux ce que je voulais faire. Je n’étais pas au clair avec mes intentions, c’est mon premier film. Il a fallu plusieurs temps de rencontres et d’échanges avec Maho, Marvin ou d’autres qui sont moins présents dans le film. Je voulais être le plus transparent possible sur mes intentions, qu’ielles se reconnaissent et se l’approprient. Parfois, nous ne partagions pas les mêmes idées, ou les mêmes envies de films, ça a toujours mené à des moments d’échanges qui ont nourri le film. 

Quel rôle a joué le GREC (Groupe de Recherches et d’Essais Cinématographiques) dans la création de votre documentaire ? Pouvez-vous dire quelques mots à son sujet ?
Le GREC m’a permis d’aboutir à mon film. Cela faisait deux ans que je travaillais dessus, et au moment où j’ai appris que j’étais lauréat je cherchais des sous à droite à gauche pour autoproduire ce film. C’était donc soulageant et très grisant à la fois. J’ai pu faire ce film juste après ma sortie d’école et avec presque exclusivement des ami.es du master. Pour moi c’était un moyen de continuer à construire notre cinéma ensemble, en collectif. Avoir le GREC, c’était aussi pouvoir expérimenter de manière professionnelle tout en gardant la liberté totale sur mon sujet. C’est ce qu’il y a d’unique dans cette institution : on m’a conseillé, mais c’était toujours moi qui avait le dernier mot. 

Quel est votre court métrage de référence ?
Pour moi c’est trop compliqué de donner un court métrage de référence… Je n’arriverais pas à choisir. J’aime beaucoup être en festival et regarder de nombreux films, mais je suis rarement capable d’en sortir un du lot. Plus je vois de films, plus je les prends comme des œuvres singulières qui me nourrissent différemment en fonction de ce qu’elles sont. Par plaisir d’en parler, le film Le Temps des bouffons de Pierre Falardeau fait partie des courts métrages historiques qui font référence pour moi. 

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Clermont-Ferrand représente le plus grand festival du court métrage que je connaisse. C’est l’événement qui raisonne dans les têtes de chacun.e lorsque l’on parle de court métrage, pouvoir y présenter mon film est une reconnaissance à laquelle je ne m’attendais pas. M’imaginer y être et présenter La Lutte est une fin me rend impatient. 

Pour voir La Lutte est une fin, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F2

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