national competition – Clermont ISFF https://clermont-filmfest.org Festival du court métrage de Clermont-Ferrand | 31 Janv. > 8 Fév. 2025 Mon, 20 Feb 2023 16:03:09 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.5.5 https://clermont-filmfest.org/wp-content/uploads/2017/10/lutin-sqp-1-300x275.png national competition – Clermont ISFF https://clermont-filmfest.org 32 32 Goûter avec The Elevator (L’Ascenseur) https://clermont-filmfest.org/the-elevator/ Fri, 03 Feb 2023 15:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59772 Entretien avec Dong Jiang, réalisateur de The Elevator (L’Ascenseur)

Comment vous est venue l’inspiration pour The Elevator ? 
L’idée de base est issue d’une information à la télévision sur l’installation d’ascenseurs dans le cadre de rénovations de bâtiments des anciens quartiers. En mai 2019, dans un Starbucks de Pékin, j’ai pitché ce sujet, devant Jing Su et Li Ge, les producteurs de mon précédent film Day Dream. Ils ont trouvé ce sujet très intéressant, et Jing m’a raconté le film interactif Tantale de Gilles Porte, qu’elle avait vu au festival de Clermont-Ferrand, car il y avait une opportunité d’interactivité avec ce sujet. Lorsque François Serre est venu présenter le film Tantale en Chine en novembre 2019, je lui ai présenté les bases de mon scénario. L’idée lui a plu et nous avons commencé à décrire et à écrire l’interactivité, les situations, les personnages, les règles de vote, etc… Malheureusement, en raison de la pandémie de Covid-19 et des règles sanitaires en Chine, nous n’avons pu simplement réaliser qu’une version linaire de cette histoire en deux actes. 

Pourquoi avez-vous choisi de mettre en scène des relations humaines dans le cadre du voisinage plutôt qu’un autre, comme le cadre familial ou professionnel ? 
Au départ, le scénario était plus axé sur le père et le fils, et moins sur les relations de voisinage. Mais après avoir fait le choix d’un film interactif, les relations humaines qui interagissent dans le cadre des habitants du bâtiment sont devenues rapidement prépondérantes. Plus de subtilités et de réalisme étaient possibles, et pour le spectateur il y a plus de possibilités d’empathie. 

Qu’est-ce qui vous intéressait dans la question de l’accessibilité de la personne handicapée ?  Envisagez-vous de réaliser d’autres films sur cette thématique ? 
Par nature les gens ne se soucient que d’eux-mêmes, et au mieux de leur famille. Dans l’humanité, l’indifférence et le mépris sont ordinaires… La question de cet « ordinaire » est encore plus marquante de mon point de vue avec les groupes vulnérables (réfugiés, malades, handicapés, …), où l’on peut aussi y questionner la place des choix politiques. Même si la question du handicap est propice à la narration, en tant que jeune Chinois la question du vote, du choix, de l’intérêt personnel et de l’intérêt général me motive plus. Par exemple, la diffusion du film Tantale de Gilles Porte à laquelle j’ai participé en Chine, était incroyablement politique : amener les gens à voter lors d’une séance de cinéma, que le smartphone de chaque spectateur soit intégré dans le dispositif, et que les choix soient écrits par un artiste. Pour le moment, en termes de futur, je souhaite vraiment que cette sélection au festival de Clermont nous permette motiver des investisseurs pour réaliser la version interactive. Car même si nous restons sur une durée d’une dizaine de minutes, il faut produire plus de 60 minutes pour les différentes versions possibles. 

Comment avez-vous travaillé sur le personnage de l’officier public ? 
Pour nous dans ce film, l’officier public représente l’État, la « politique publique » et, dans le meilleur des cas, l’intérêt général. Dans chacune des branches de notre scénario interactif, cet officier définit au moins les règles du scrutin. Finalement c’est un personnage clé, car bien des cas de figure sont envisageables. Par exemple, je citerais facilement le désintéressement, l’autoritarisme, et la corruption. En fait c’est un personnage très facile à travailler car il est présent tous les jours dans l’actualité. 

Avez-vous envisagé de montrer ces voisins dans d’autres moments partagés ? 
Même si nous nous sommes servis de « l’ordinaire mépris » humain comme tenseur narratif et de générateur d’empathie sur la durée d’un court métrage, le sujet principal porte sur l’expression d’un choix ou plus exactement d’une résultante en fonction d’un scrutin. C’est l’extrapolation des modes de scrutin présentés dans ce film qui organise notre « vivre ensemble ». Voilà bien un des espaces de fusion culturelle entre la France et la Chine. Il ne nous est donc pas apparu nécessaire de montrer un autre « moment de voisinage ». Nous sommes restés focalisés sur comment ces voisins se sentent concernés, formalisent leurs argumentations, et sur l’acceptation de la décision collective. 

Quel est votre court métrage de référence ? 
Pour ce film j’ai eu deux références principales de court métrage : le court métrage interactif Tantale de Gilles Porte, pour l’écriture interactive et les techniques de captation nécessaires pour faire un film qui ne s’arrête pas, avec un début et de multiples fins. Le court métrage Everything We Know About de Roland Denning, pour sa présentation claire du fait que ce qui nous caractérise personnellement le plus ce sont nos choix, et comment nos choix sont formatables et exploitables. Par exemple, cliquer sur « j’aime » sur Facebook ou Instagram, que l’on perçoit comme une liberté de choix, permet aux intelligences artificielles de Méta de nous parfaitement connaitre. 

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ? 
En tant que chinois, il est évident que le festival de Clermont est un tremplin. C’est un festival qui me permet d’envisager mon avenir dans le cinéma. 

Pour voir The Elevator (L’Ascenseur), rendez-vous aux séances de la compétition nationale F9.

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Lunch avec Le Jour où j’étais perdu https://clermont-filmfest.org/le-jour-ou-jetais-perdu/ Thu, 02 Feb 2023 11:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59311 Entretien avec Soufiane Adel, réalisateur de Le Jour où j’étais perdu 

Parlez-nous un peu du lien qui unit le Voyager et le parcours d’Alain ?  
La mission spatiale Voyager a été initiée par la N.A.S.A. dans les années 70 dans le but d’explorer le système solaire, et d’envoyer les signes de nos sociétés terrestres vers des potentielles civilisations extraterrestres. C’est une bouteille à la mer, lancée dans un océan immense et mystérieux. Cette volonté de dépassement faisait pour moi écho à l’utopie d’Alain, à sa vision du futur, projetée elle aussi vers l’inconnu. La sonde est une métaphore du destin d’Alain. Dans les deux cas, il y a un désir radical d’inconnu et d’altérité. Alain porte un projet de refondation de l’entreprise automobile, basée sur une approche absolue de la mobilité. L’ayant lui-même expérimentée dans son parcours social et professionnel, il veut maintenant l’élever à la hauteur d’une révolution industrielle et humaine. Il est inspiré par la pensée transhumaniste, par son courant « démocratique » disons ; il croit cette évolution nécessaire pour atteindre la justice sociale. Mais la frontière entre vision et idéologie est parfois très fine… et Alain est résolu à avancer coûte que coûte. Dans cet élan, il pourrait être rattrapé par la mécanique qu’il voudrait dépasser. Sa révolution atteindra-t-elle son but ou reproduira-t-elle un schéma de domination ? Chaque spectateur sera libre de chercher sa réponse.   

Qui ou quoi vous a inspiré ce personnage ?  
Pendant mes d’études de design industriel, un ancien élève a été invité pour nous parler de son parcours. Il était désormais cadre dans une grande entreprise française. À cette occasion, il nous a raconté un événement survenu lors de son premier jour de travail. Il faisait le tour des bureaux pour découvrir les locaux et au moment d’aller serrer la main à un futur collaborateur, celui-ci lui a demandé de vider la corbeille, en le croyant homme de ménage, juste parce qu’il était noir. Cette histoire n’a cessé de me poursuivre et à partir de cette anecdote, le film s’est construit progressivement. 

Pouvez-vous expliquer le choix du titre ?  
Le Jour où j’étais perdu emprunte le titre d’un scénario de James Baldwin, écrivain américain qui n’a cessé de prêcher l’amour et le rapprochement fraternel des hommes, au-delà de toute distinction de cultures, d’origines et ce malgré les blessures du passé. Je l’ai choisi aussi car il m’évoque un moment décisif, qui est à la fois effrayant et profond. Souvent, au moment où on se perd, il nous est possible de bifurquer, de changer quelque chose en nous…. pour le meilleur ou pour le pire. 

La musique joue un rôle très important. Comment avez-vous créé cette bande son ?  
La musique du film est composée de plusieurs moments, assez hétérogènes dans le genre et les tonalités émotives. L’un des principaux est celui du début, avec la réinterprétation du second air de la Reine de la nuit de La Flûte enchantée de Mozart, conçue par le compositeur du film Othman Louati ; un travail rythmique, aussi d’imaginaire, avec des touches « SF», et un épilogue évoquant l’enfance, pendant qu’Alain regarde les étourneaux. Othman est un compositeur qui a une grande connaissance du répertoire classique, mais aussi un goût pour l’électronique, l’expérimentation contemporaine et la musique populaire. Il m’importait de travailler avec un compositeur éclectique, car il est question d’un dépassement de frontières dans le film, et la musique devait être approchée également dans cette direction. Dans l’appartement de Thomas par exemple, l’un des moments « SF » du film, nous avons amené des tonalités arabisantes, une contribution du compositeur Geoffroy Lindenmeyer, avec lesquels j’ai travaillé sur mes films précédents. L’univers de la science-fiction est un imaginaire très occidental. J’avais envie de perturber cet imaginaire culturel musical à ce moment du film où Thomas se perd lui même, où il se remet profondément en question. 

Parlez-nous un peu de la cinématographie et des effets spéciaux. 
Mon parcours de designer a été source d’inspiration pour l’esthétique du film, qui se déroule dans le milieu de la création industrielle. C’est un monde de formes, volumes, surfaces, matières. Le rapport entres ces données est toujours important au cinéma, mais là ils le sont d’autant plus. L’idée générale était de filmer les machines en suggérant leur vitalité, et les hommes comme de machines, aliénés par le travail, pris dans des automatismes. Au niveau des effets spéciaux, l’enjeu principal était de reproduire la sonde Voyager et les planètes du système solaire de façon réaliste, en allant chercher l’identification et l’émotion, plutôt que la distance. À côté des séquences dans l’espace, qui sont intégralement en images de synthèse, il y a eu d’autres interventions, plus simples, permettant d’intégrer des éléments dans les plans : comme la lune ou les étourneaux. Il était important pour moi de créer des points de contact entre la nature et les personnages du film, Alain et Thomas ; que leurs regards interrogent la nature à un moment, comme un mystère à percer.  

Quelles sont vos sources d’inspirations cinématographiques ou autres ? 
La démarche et le travail de Stanley Kubrick. Je pense en particulier à son Napoléon, le film qu’il n’a pas pu réaliser, mais dont tout le processus de documentation a été édité : correspondance, études de costumes, photos de repérage, versions de scénario, storyboard… Allemagne année zéro et Rome ville ouverte de Roberto Rossellini, aussi. 

Quel est votre court métrage de référence ? 
At Land de Maya Deren ou La Jetée de Chris Marker. 

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?  
C’est le festival qui en 2005 a présenté mon premier court métrage autoproduit Nuits closes. J’aime beaucoup ce festival et la façon dont il arrive à investir une ville entière, à mélanger professionnels et grand public. Je tenais particulièrement à revenir avec ce film, après tant d’années.   

Pour voir Le Jour où j’étais perdu, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F10

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Breakfast avec Las Criaturas Que se Derriten Bajo el Sol (Les Créatures qui fondent au soleil) https://clermont-filmfest.org/las-criaturas-que-se-derriten-bajo-el-sol/ Wed, 01 Feb 2023 08:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59134 Entretien avec Diego Céspedes, réalisateur de Las Criaturas Que se Derriten Bajo el Sol (Les Créatures qui fondent au soleil)

D’où vous est venue l’idée pour Las Criaturas Que Se Derriten Bajo El Sol ?      
À l’origine c’était une idée plus visuelle que thématique : celle d’une société qui fondrait au soleil, et organiserait des jeux pour distinguer lesquels d’entre eux ont les peaux les plus résistantes à cette liquéfaction. Plus tard, j’ai rencontré le personnage du court, Paula Dinamarca, une femme trans de 45 ans, et nous avons entamé une conversation sur ce qu’est l’amour romantique et la peur que celui-ci peut inspirer à la communauté trans. C’est là que le scénario définitif m’est venu.

Comment avez-vous établi le lien avec la lumière et le cycle jour/nuit ?
Le jour et la nuit sont très symboliques. Durant les nuits, Nataly rend visite à ses vieux démons, son amant et la sensation pénible qu’il lui a laissée. Et, de l’autre côté, au lever du soleil, la face lumineuse apparaît, celle où elle a la possibilité d’embrasser sa fille.
Comment avez-vous travaillé sur la musique et le chant dans le film ?  
Je suis un très grand fan de l’autrice-compositrice populaire chilienne Violeta Parra, et elle évoque beaucoup cette nostalgie qui fait partie de la culture de mon pays. J’ai écouté cette chanson et je me suis dit que ça cadrait parfaitement avec l’histoire. Et les autres sons, les sons de la nature, changent avec les sentiments des personnages. Le feu, l’eau, la respiration.

Pourquoi choisir le bord de mer ?   
Il me semblait intéressant de vivre sur la plage la nuit, habituellement les histoires de plage se passent en journée. Je me suis également dit que si je devais être confiné toute la journée, j’aurais aimé passer mes moments de liberté près de la mer.

Vous êtes vous davantage intéressé à la relation mère/fille ou bien au renouvellement des générations ? Avez-vous d’autres projets évoquant cette question ?        
Ça m’intéresse beaucoup de voir comment la communauté LGBT+ se crée des familles en dehors des liens de parenté. Il y a une certaine beauté en cela, car cela supprime l’espèce d’obligation d’aimer quelqu’un pour la seule raison qu’elle ou il partage le même sang, et cela crée des liens plus forts. Mon prochain film, qui sera mon premier long-métrage, parle beaucoup de cela, bien que son ambiance n’ait rien à voir avec celle du court.

Quel est votre court métrage de référence ? 
En général, dans ce film, j’ai essayé de mélanger des films d’horreurs tels House of Wax, et des films qui, au contraire, sont plus intimistes, comme ceux de Lucrecia Martel ou Naomi Kawase.

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Le festival est très important car il met ce format du court au centre de la scène, alors qu’il est généralement caché derrière le long-métrage dans les autres gros festivals. Cela redonne leur prestige à ces courts qui ont leur âme bien à eux, et cela fait communier les gens dans une multitude d’étincelles de vécu !

Pour voir Las Criaturas Que se Derriten Bajo el Sol (Les Créatures qui fondent au soleil), rendez-vous aux séances de la compétition nationale F10.

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Dernier verre avec Sèt Lam https://clermont-filmfest.org/set-lam/ Tue, 31 Jan 2023 23:01:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59112 Entretien avec Vincent Fontano, réalisateur de Sèt Lam 

Quelle est la place de la danse dans votre inspiration pour Sèt Lam ? À quel point l’action de danser était-elle importante pour vous ? 
Pour Sèt Lam, la danse est au cœur du film car elle est l’instance qui soigne, qui fait communauté, qui prend en charge le deuil. Le « service Kabaré » est un espace très particulier pour les gens de l’île, la transe en est le point d’orgue. J’ai voulu parler de cette tradition sans pour autant la livrer. C’est le travail que j’ai entrepris avec les comédiens. Convoquer l’idée de la transe sans la travestir ou la donner en spectacle pour les besoins du film. Nous avons longtemps réfléchi avec la comédienne Nadjanie Bulin , qui est aussi chorégraphe, à comment symboliser sans rien révéler. Il a fallu créer un langage chorégraphique. 

Qu’est-ce qui vous intéressait dans la thématique du deuil et envisagez-vous de réaliser d’autres films abordant cette question ? 
La thématique du deuil est très intime pour moi, car j’ai écrit le film pour me consoler du départ de ma grand-mère qui était ma seule famille. J’ai voulu raconter à ma façon la manière dont elle m’a préparé à son départ. Je voulais aussi parler de l’effacement. L’histoire de mon île – qui est un territoire à l’histoire courte – a tendance à s’effacer au profit de la modernité, je pense que cela aura un impact. Forcément. 

Comment avez-vous travaillé sur la musique ? 
La musique du film a été un vrai challenge, je ne voulais pas de musique traditionnelle, car quand elles sont liées au service kabaré, elles font office de prière et sont sacrées. Le danger pour moi était de manquer de respect à cette pratique en m’appropriant des sons qui ne peuvent être chantés que dans certains espaces. Pour autant, j’avais besoin qu’on sente les pulsations tout au long du film. Nous avons donc décidé de donner notre interprétation de ces sonorités, avec le musicien Jako Maron, nous avons longtemps réfléchi à comment sonnerait notre « rond Maloya » si nous en étions les créateurs. 

Le rapport à la parole, via la narration, a-t-il été amené par la volonté d’introduire le récit ou est-il un engagement artistique ? 
C’est un vrai engagement artistique, ma langue se meurt et j’ai besoin de la faire dire, de la faire entendre, de laisser une trace. J’aimais aussi l’idée de revenir à la pratique forte du conte sur l’île. Une histoire dans l’histoire, écrire un mythe pour mon île, nous n’en avons pas. Sur l’île de la Réunion tout le monde est arrivé, soit par l’esclavage, soit par l’engagisme. Ce sont des histoires douloureuses qu’on ne peut aborder qu’avec difficulté. Il appartient donc à ma génération de créer des histoires à transmettre sur qui nous sommes. Du moins c’est ce que j’essaye de faire. 

Quel est votre court métrage de référence ? 
Il y a un court métrage qui m’a longtemps accompagné, c’est She Runs de Qiu Yang. 

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ? 
C’est une opportunité incroyable. Depuis mon île, j’ai parfois la sensation de ne pas compter, de ne pas vraiment exister, de ne pas écrire l’histoire, que le monde tourne sans nous. Que nos histoires n’intéressent personne. Le festival donne la preuve que non, il offre une place à cette histoire singulière. Il offre aussi le possible d’un partage, d’un échange. 

Pour voir Sèt Lam, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F11.  

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Goûter avec Amarres https://clermont-filmfest.org/amarres/ Tue, 31 Jan 2023 15:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=59082 Entretien avec Valentine Caille, réalisatrice de Amarres 

Qu’aviez-vous envie d’explorer au travers de la relation entre Livia et Louis ? 
La complexité de l’amour fraternel. Il me semble qu’entre frère et sœur on est capable de sentiments extrêmes ; on peut haïr et aimer de façon inconditionnelle. Au départ, je voulais faire un film sur le cheminement intime d’une sœur face à la maladie de son frère, et finalement je crois qu’avant tout le film parle de fraternité ; de la profondeur de ce lien.  

La relation entre le frère et la sœur est rendue particulièrement crédible par les interprétations d’Alice de Lencquesaing et de Jonathan Genet. Comment les avez-vous dirigés ? Être actrice vous-même vous aide-t-il à mettre en scène ? 

Je dirais qu’être comédienne m’aide dans la direction d’acteurs. Comment trouver l’endroit de vérité dans le jeu et quel est le processus pour y faire parvenir un comédien, sont une de mes priorités.  J’ai souhaité qu’Alice et Jonathan se rencontrent très en amont du tournage. Je procède de la même façon quand je monte une pièce de théâtre : travail à la table, puis un temps de répétitions. Nous travaillons entre autres sur le hors champ du film, comme par exemple le passé commun des personnages. Cela crée un sous texte et des liens précieux sur lesquels les acteurs peuvent s’appuyer. Jonathan Genet a cette beauté singulière et parfois étrange que je trouvais très appropriée pour la dualité du personnage. Après, c’est un rôle de composition. Nous avons échangé autour de nombreuses références de films. Ne voulant pas caricaturer le personnage nous avons travaillé en soustraction, laissant la maladie jaillir seulement par éclats. Jonathan est aussi un comédien de théâtre. Par petites touches nous sommes allés chercher l’éloquence, l’intensité d’un jeu théâtral qui nous semblaient intéressantes pour le personnage. Alice de Lencquesaing avait peu de texte, il fallait donc que tout passe par des silences et des regards. Scène par scène nous avons exprimé les sentiments du personnage puis elle les a intériorisés. Alice a cette capacité à nous faire lire sur son visage les émotions qui la traversent sans affectation. Tout est très vrai et très à vif. Nous n’avions plus qu’à chercher le juste équilibre. 

Le cinéma ne se lasse pas d’explorer la complexité des rapports familiaux. Des œuvres ou des événements ont-ils inspiré l’écriture du scénario d’Amarres ?  
Ce film est inspiré de mon histoire personnelle puis la fiction s’est mêlée à la réalité. De nombreux films m’ont accompagnée pendant l’écriture et tout au long de la création. Les Poings dans les poches de Marco Bellocchio est sans doute celui qui a le plus compté.  

Quelle place tient Amarres au sein de votre filmographie ?  
J’avais réalisé plusieurs très courts métrages, Amarres est mon premier film produit. Il est aussi mon premier film de fiction avec des acteurs professionnels. Les précédents se situaient à une frontière floue entre documentaire et fiction ; comme Les Anges, avec et sur des élèves en réinsertion scolaire ou le film chorégraphique sur la danseuse Fabienne Haustant.  

Quel est votre court métrage de référence ? 
J’ai un souvenir fort du Cri du homard de Nicolas Guiot. Il m’avait impressionnée par son scénario implacable. Il y avait aussi quelque chose à la Hanneke dans sa mise en scène que j’avais particulièrement aimé. L’univers de la réalisatrice Manon Coubia me touche beaucoup ; Les Enfants partent à l’aube avec sa mise en scène épurée et tendue. J’ai été aussi époustouflée par la puissance poétique de son dernier film ; Marée. 

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ? 
Je suis venue une fois en tant que spectatrice et je me souviens avoir enchaîné les projections du matin au soir. C’est une chance qu’un tel rendez-vous du court métrage existe. C’est le seul endroit où on peut découvrir le travail de jeunes cinéastes internationaux. Je suis très excitée et flattée d’y participer.  

Pour voir Amarres, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F6 

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Breakfast avec Écorchée https://clermont-filmfest.org/ecorchee/ Tue, 31 Jan 2023 08:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58987 Entretien avec Joachim Hérissé, réalisateur de Écorchée

Que vouliez-vous explorer dans cette relation entre les deux femmes ? Qui ou qu’est-ce qui vous a inspiré ce rapport entre elles ?
Avec ce film, j’avais l’envie, le besoin, d’exprimer des sensations issues de cauchemars de fièvre que je faisais enfant et dans lesquels je pouvais ressentir mon corps passer d’un état creux à un état plein, de manière cyclique pendant toute la nuit. Eveillé, ces perceptions opposées de mon corps m’ont longtemps hanté et me questionnent toujours. Pour figurer ces deux états, j’ai écrit ces deux personnages que sont l‘Écorchée et la Bouffiedeux sœurs siamoises reliées par une jambe. Le film pose cette question : que se passerait-il si je me détachais d’un de ces deux corps ?

Pourquoi sont-elles dans cet environnement particulier ?           
Puisque ma première inspiration venait de mes jeunes années, j’ai décidé de continuer à creuser dans mes peurs d’enfant. Ainsi, pour les décors, je me suis amusé à rassembler des éléments hétéroclites qui n’ont en commun que l’angoisse que je pouvais ressentir enfant en les voyant : vieux pavillon de banlieue des années 60, lit à baldaquin, armoire à glace art déco etc… Idem pour de nombreuses situations de l’histoire : le déculottage des lapins est, par exemple, directement inspiré de ma mamie qui enucléait les lapins, les déculottaient et faisait des chaussons avec leur fourrure. Ma plongée dans ces angoisses enfantine ont naturellement fait ressurgir mon tempérament mélancolique. J’ai donc construit mon film à l’équilibre entre ces deux états : anxiété et mélancolie. 

Parlez-nous de votre technique d’animation. Pourquoi avoir choisi de raconter cette histoire au travers de cette technique ?          
Il me fallait trouver un univers graphique assez fort pour pouvoir retrouver ces sensations issues de cauchemars. Après plusieurs essais infructueux, j’ai eu une révélation : la matière textile était le matériau idéal pour exprimer des sensations corporelles car la fibre du tissu me rappelait les fibres musculaires d’un corps écorché. En pianotant sur Internet les mots clés « textile » et « écorché », j’ai découvert le bœuf écorché textile de l’artiste plasticienne Aline Bordereau. Son univers m’a bouleversé. J’ai pris contact avec elle et lui ai proposé une collaboration. Aline a très vite compris mes intentions qui faisaient écho à son propre travail et elle a fabriqué les marionnettes originales du film.

Votre film mélange plusieurs genres et codes. Comment le décririez-vous ?
Écorchée est d’abord un conte, comme toutes les histoires que j’écris. Je suis fasciné par les originaux des textes des grands conteurs (Perrault, Grimm, Andersen), qui depuis ont été édulcorés par leurs adaptations. Ma fascination vient justement du fait que ces œuvres mélangent les genres (comédie, horreur, gore, romance, etc.). Dans la lignée de ces œuvres hybrides, j’aime beaucoup certains cinéastes coréens qui s’amusent eux aussi à mélanger les genres.

Qu’est-ce que vous souhaiteriez explorer par la suite en tant que réalisateur/animateur ?
Écorchée est très bien reçu par le public. C’est un vrai soulagement pour moi car le financement a été difficile. En commissions, le projet était clivant : enthousiasmant pour certains, trop cru et personnel pour d’autres, avec une portée universelle trop restreinte. Ce retour du public que la portée universelle de mon film est bien réelle et me conforte dans l’idée de continuer à exprimer mes sensations et émotions intimes. Je suis notamment en train d’écrire un projet de série d’anthologie horrifique intitulé DOLLS qui reprend l’univers visuel et les thématiques d’Ecorchée, notamment les angoisses liées aux corps. Ce projet est soutenu au développement par le CNC et par la Région Pays de la Loire.

Quel est votre court métrage de référence ? 
J’aime le cinéma dans toutes ses facettes et tous ses genres mais j’ai surtout été inspiré dans mon écriture par le cinéma d’animation en volume slave et notamment par Garri Bardin (Konflict, Adagio, Fioritures), réalisateur russe qui a su magnifier de nombreux matériaux (fil de fer, objets, glaise, papier) dans l’écriture de ses films.

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
C’est tout simplement le festival de court métrage le plus important au monde. C’est une reconnaissance incroyable pour mon travail d’auteur-réalisateur. 

Pour voir Écorchée, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F12.

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Dernier verre avec Baile Entretenido (Fun Dance) https://clermont-filmfest.org/baile-entretenido/ Mon, 30 Jan 2023 23:01:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58972 Entretien avec Casandra Campo Ernst, réalisatrice de Baile Entretenido (Fun Dance)

Le personnage principal de votre film rentre chez elle et retrouve ses anciens amis. Est-ce que c’est quelque chose que vous avez vécu avant de le raconter ?
On a écrit le scénario avec Tiare, l’actrice du film et une très bonne amie. Tout est venu d’un personnage sur lequel nous travaillions depuis longtemps pour un projet de long-métrage. On s’est demandé ce qu’il se passerait si on faisait un court avec le même personnage, Ana, qui cette fois, reviendrait là d’où elle était partie sans intention de retour. On a commencé à se confier nos propres expériences de réunions d’anciens amis, et à parler de la distance qui se crée dans une amitié après un départ. On s’est souvenues de notre adolescence. On a partagé des anecdotes vécues entre amies, qui viscéralement, vouent un culte à l’amitié. Toutes les deux nous avons décidé très tôt de nous lancer dans des études de cinéma, ce qui est assez peu commun pour des ados. Rassembler nos expériences nous a conduites à réfléchir sur le fait qu’une réunion amicale après un long moment génère quelque chose qui, en quelque sorte, vous définit, comme un reflet qui vous rappelle d’où vous venez ; et cela conduit inévitablement aussi à prendre conscience de là où l’on en est, et à accepter les conséquences des décisions prises.

Comment avez-vous choisi Tiare Pino et Daniela Pino pour interpréter Ana et Karina ?
Tiare était choisie dès le départ, nous avons conçu le rôle pour qu’elle le joue. Elle connaissait très bien le personnage et c’est une actrice très intense et douée. Nous voulions que les personnages aient quelque chose en commun, un trait visuel qui les lierait ensemble. C’est ce qui nous a fait choisir Daniela, elles ont une couleur de peau semblable, et quelque chose de semblable dans les yeux. Une beauté naturelle.

Le lien entre Ana et Karina est très bien décrit. Qu’aviez vous envie de décrire à travers cette relation ?
Les relations humaines sont complexes et changeantes, elles vont de l’amour à la colère, de la distance à la proximité. On peut ressentir tout cela à la fois. C’est là-dessus qu’on a travaillé avec les actrices, la richesse des multiples émotions qui vous traversent lorsque vous revoyez quelqu’un qui faisait partie de votre vie, avec qui vous avez grandi, avec qui vous avez partagé votre intimité. Une personne qui sait des choses sur vous-même que vous préféreriez peut-être oublier. On a beaucoup parlé de ce que ressentaient les personnages, on a travaillé sur le regard que s’échangent après-coup deux personnes qui se reconnaissent malgré le passage du temps. Qui se retrouvent au détour d’une conversation ludique et drôle. Qui parlent de façon un peu décousue, comme lorsqu’elles étaient inséparables. Nous avons travaillé sur l’authenticité, la maladresse. Sur la difficulté, parfois, de se passer de ça. En rencontrant une ancienne amie, on rencontre aussi une variation de soi-même. Dans la première version du film, la conversation entre Ana et Karina était beaucoup plus longue. Nous avons eu la tâche délicate d’épurer le texte et de réécrire certains moments. Je crois que pour ce travail particulier, la manière très sincère dont les actrices vivaient leurs scènes nous a aidés. On a passé un moment formidable à le faire. Nous avons mis en place Baile Entretenido avec des professionnels doués, mais le plus beau, c’est que nous l’avons fait avec des amis.

Quel est votre court métrage de référence ?
Wasp, d’Andrea Arnolds, est un film monumental et émouvant à la fois. L’héroïne me touche profondément, elle navigue entre le désespoir, le désir, le manque. Je trouve que c’est un film intensément humain. Les personnages complexes, contrastés, égarés, audacieux, m’attirent beaucoup.

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Avant tout, ça a été une belle surprise que de recevoir le message WhatsApp de notre distributrice Rebecca et d’avoir cette nouvelle au réveil. Nous étions tous très heureux. Je suis emballée que Baile Entretenido soit diffusé pour la première fois en Europe, et particulièrement à Clermont-Ferrand, un festival reconnu mondialement pour son importance. Je suis aussi émue à l’idée que le film ait été sélectionné et que d’une manière ou d’une autre nous soyons parvenus à faire passer ce dont nous avons parlé pendant des mois, à véhiculer cette idée que l’affection persiste malgré la distance. Que rien ne s’efface d’un corps et qu’à l’intérieur, mon histoire me suivra toujours. La nouvelle nous rend heureux, ça nous donne aussi l’élan pour continuer les projets qui sont déjà dans les tuyaux. Et dès à présent avec Camila, la productrice de Baile Entretenido, nous sommes enthousiastes et reconnaissantes de vivre l’expérience du festival.

Pour voir Baile Entretenido (Fun Dance), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I9.

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Lunch avec Bitume https://clermont-filmfest.org/bitume/ Mon, 30 Jan 2023 11:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58901 Entretien avec Léo Blandino, réalisateur de Bitume 

Comment vous est venue l’envie d’évoquer le métier de chauffeur routier ?  
Mon coscénariste Thimothée Meyrieux-Drevet m’avait partagé ses recherches sur les routiers et sur l’évolution de leurs conditions de travail. Le sujet m’a tout de suite intéressé. Il fallait ensuite en tirer une thématique et une idée de cinéma. Pour cela, c’est surtout l’univers des autoroutes et des zones industrielles qui m’ont inspiré. Ce sont des espaces paradoxaux, ni zones naturelles ni réellement habitats humains, où les machines sont hégémoniques. Les camions en sont presque les animaux d’un biotope mécanique. Et les routiers sont ces humains solitaires qui s’y confrontent, comme les marins et la mer. C’est ce que j’ai trouvé saisissant dans ce métier, où dans une vie, on y roule plus qu’on y marche.  

Comment s’est fait la rencontre avec Christophe Kourotchkine ? 
Le choix de Christophe a été aussi simple qu’instinctif. Il n’y a pas eu de casting pour le rôle. La production a organisé une rencontre avec lui, pour parler du scénario. Dès que je l’ai vu bouger, parler, regarder, je n’ai plus eu aucun doute sur mon choix.  

Étiez-vous davantage intéressé par le sentiment d’insignifiance ou par la question de la rupture avec les proches ? 
Ces deux problématiques ne seraient-elles pas reliées ? Le sentiment d’insignifiance ne dépendrait-il pas du rapport que l’on entretient avec nos semblables et avec notre environnement ? Au-delà de la rupture, je crois que c’est la question du « lien » au monde et aux autres qui m’anime.  

À quel point êtes-vous intéressé par la thématique de la migration « clandestine » ? Envisagez-vous de réaliser d’autres films sur cette question ? 
Je ne sais pas d’où ça vient, mais c’est quelque chose qui revient souvent dans ce que j’écris. C’était déjà le cas dans mon précédent film, Z.A.R (2021), un film d’anticipation qui évoquait des migrations climatiques. Sincèrement, c’est inconscient. Je ne suis pas particulièrement militant mais j’ai honte. J’ai honte de savoir et de m’en accommoder si facilement parfois, et dans une certaine mesure, en tant qu’européen d’une certaine classe sociale, d’en profiter. Alors parce que j’ai honte, je témoigne de cette honte depuis l’endroit où je me trouve, c’est-à-dire depuis un appartement chauffé dans une métropole française où on peut commander de la nourriture souvent cuisinée et/ou livrée par des travailleurs émigrés (clandestins parfois) précaires qui ont vécu des choses que mon esprit et mon corps ne pourraient même pas concevoir.   

Quel est votre court métrage de référence ? 
Sans hésiter, Hotaru de William Laboury… Un film de science-fiction monté en grande partie avec des images d’archives. Pour moi c’est une merveille autant narrative que formelle. C’est un de mes films préférés, tout format de cinéma confondu. Je l’ai vu au moins dix fois. Je n’ai jamais rencontré son réalisateur néanmoins, pour le lui dire. Si ça devait arriver, je lui offrirai probablement une pinte de bière par amitié. J’ai aussi été très impressionné par Amour(s) de Mathilde Chavanne, que j’ai découvert à Clermont en 2020. À elle je le lui ai dit par contre. Je lui ai d’ailleurs offert une pinte.  

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?  
J’entends parler de ce festival depuis que j’ai l’âge de 14 ans. J’y suis ensuite souvent allé en spectateur mais c’est la première fois que j’y vais pour présenter un film en compétition. Alors bien sûr, c’est un peu symbolique pour moi. C’est aussi un festival où l’on peut voir un grand nombre de films, très différents et venant du monde entier, pour ensuite aller se disputer dans un bar avec ses ami.e.s cinéphiles autour de nos films préférés et détestés. Ce qui est, avec la truffade, l’une de mes activités favorites à Clermont. C’est une conception de la cinéphilie qui ne fait pas forcément l’unanimité, mais pour moi les dissensus critiques provoqués par le festival sont ce qui fait toute la vitalité du cinéma. J’espère sincèrement que des gens détesteront viscéralement mon film et se disputeront passionnément avec d’autres qui l’auront peut-être aimé.  

Pour voir Bitume, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F1

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Dîner avec Cui cui cui https://clermont-filmfest.org/cui-cui-cui/ Sun, 29 Jan 2023 20:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58836 Entretien avec Cécile Mille, réalisatrice de Cui cui cui 

Pourquoi avoir choisi ce sujet ?  
Le désir d’enfant est une question qui m’a préoccupée pas mal d’années, et puis quand je m’en suis débarrassée, j’ai vu le souci chez les autres et je portais la culpabilité de ceux et celles qui ont réussi. La naissance de Cui cui cui vient de l’envie de confronter deux mouvements contraires : celui d’une femme dans un désir de maternité fort, mais en échec à répétition, avec larmes et désespoir. Et une autre femme, avec une empathie maladive, prête à tout pour annuler le désespoir de la première et lui trouver des spermatozoïdes à tout prix. J’avais envie de mêler le rire et le désespoir.  

Tout ce qui touche à la fertilité ou à la procréation a tendance à être traité avec sérieux et lourdeur. Qu’est-ce qui vous a poussé à opter pour un mélange des genres, pour une pointe d’humour ?  
Je suis plutôt sarcastique dans la vie. Je ne pourrais pas faire des films totalement sérieux. Mon plaisir, c’est de pouvoir travailler sur des formes qui provoquent le rire et font potentiellement réfléchir. J’ai longtemps snobé la comédie comme spectatrice, mais j’ai commencé à écrire du burlesque et je m’y suis mise. J’ai découvert que c’était tout aussi honorable que le drame. Et tellement jubilatoire. Si certains spectateurs rient de « ma » procréation amicalement assistée alors qu’ils y sont défavorables, ça peut faire évoluer leur vision, tout doucement. Je ne fais pas des films pour changer le monde. Mais ça a quand même du bon de faire rire et de militer discrètement.  

Parlez-nous un peu du casting ?  
Le choix du casting est un moment passionnant. Je souhaitais des comédiens avec qui je pouvais partager le même humour… et qui sont drôles dans la vie. Pour les deux personnages féminins, je cherchais à ce qu’elles ne se ressemblent pas, qu’elles soient dans deux énergies contradictoires. J’étais déjà très impressionnée par le travail de Pauline Lorillard et de Florence Janas, sans les connaître personnellement. J’ai provoqué une rencontre non formelle pour chacune, sans parler du projet, en présence de plusieurs personnes. Et je me suis marrée comme une baleine, j’étais séduite par les deux. Elles auraient pu toutes deux incarnées Sabine et puis…  j’ai vu leur duo dans le court métrage de Jean-Baptiste Saurel Aquabike, et il fonctionne hyper bien. Elles se challengent, se nourrissent, s’entraident. Elles cumulent beaucoup de talent, se sont des techniciennes de haute voltige, avec une forte sensibilité. Et les deux ensembles, c’est rocambolesque. Elles partent en impro… et là, tu peux perdre la maîtrise du plateau tellement on se marre. Elles ont posé le ton du film. Je voulais un mélange entre réalisme et fantaisie personnelle. Elles l’ont permis. Les hommes ne sont pas en reste. Lazare Gousseau, je l’avais vu dans les films de Rachel Lang. Je l’aime beaucoup. Je cherchais un corps. J’aimais beaucoup son mélange de beau gosse maitre-nageur et de ringardise, avec sa coupe de cheveux et son costume… On a fait un essai avec Florence. Et l’alchimie a opéré. L’ornithologue devait être atypique. Je cherchais le petit truc étrange dans le corps aussi. J’espérais quelqu’un de très physique, un peu animal, qui puisse incarner la passion ornithologique par le corps. Finalement Niccolo Senni, c’est une version plus intello que physique. Mais c’est un artiste, un clown, il a une façon de se placer très précise, une mécanique du corps Tatiesque.   

Quels sont vos sujets de prédilection en tant que cinéaste ?  
J’essaie de comprendre et de travailler sur mes névroses à travers l’écriture de film. C’est tellement long le temps d’écriture qu’on a bien le temps de solutionner les plus grands égarements de notre vie… J’adore m’interroger sur la sexualité, les sentiments et plonger dans un monde vivant au sens large et politique. En gros, je virevolte autour du monde végétal et animal, avec des femmes et des hommes qui se désirent mais se prennent la tête pour savoir si leur choix sont justes. Et j’essaie de créer un monde qui me séduit plus que celui du quotidien. Moi ce que j’aime c’est faire l’amour dans les montagnes, regarder les animaux et frémir de désir. Et comme ma vie n’est pas tous les jours comme ça, mes films le sont. Enfin, j’essaie.  

Quelles sont vos sources d’inspirations cinématographiques ou autres ? 
J’ai envie de citer quelques films qui ont été des sources d’inspiration ces dernières années. Tous les premiers films d’Emmanuel Mouret qui semblent légers et anecdotiques mais qui sont profonds et magnifiquement orchestrés. Changement d’adresse, j’adore. C’est ma came. Puis, Les Naufragés de la D17 de Luc Moullet et Le Roi de l’évasion d’Alain Guiraudie. Pour leur liberté, leur fantaisie, leur plaisir à être dehors.   

Quel est votre court métrage de référence ?  
De référence, je ne sais pas. Mais j’ai souvent des coups de cœur. Pour rester dans l’humour, j’ai eu une vraie révélation quand j’ai découvert French Kiss d’Antonin Peretjatko. J’ai trouvé cela très ingénieux et libre. Ça donnait envie d’expérimenter. J’ai adoré Un monde sans femme de Guillaume Brac et pour être plus contemporaine, Herculanum d’Arthur Cahn.  

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?  
Une consécration ! Je suis très très heureuse que Cui cui cui soit sélectionné. J’espère que le festival sera un mélange d’aventures, de rencontres, de découverte de films, de fêtes et de randonnée en montagne. Et puis c’est la ville de la directrice photo du film, Emilie Monier. Plaisir supplémentaire !  

Pour voir Cui cui cui, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F3

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Breakfast avec Ressources humaines https://clermont-filmfest.org/ressources-humaines/ Sun, 29 Jan 2023 08:00:00 +0000 https://clermont-filmfest.org/?p=58737 Entretien avec Trinidad Plass, Titouan Tillier et Isaac Wenzek, coréalisateurs de Ressources humaines 

Quel a été votre point de départ pour l’inspiration ? Avez-vous un attachement particulier à certains objets ? 
Pour ce film nous nous sommes basé.e.s sur le thème “recycler l’inutile”, et nous nous sommes dit que pour une fois ce serait intéressant que la matière à recycler soit l’humain. Ceci nous a amenés à nous poser la question : en quoi voudrions nous être recyclés ? Le décor est donc majoritairement constitué de réponses réelles données par notre entourage.  Nous sommes particulièrement fièr.e.s de la machine à recyclage qui a l’air de ne pas faire mal du tout ! 

Quels ont été vos échanges pour vous mettre d’accord sur l’objet choisi par le personnage pour son « recyclage » ? 
Le personnage d’Andy essaye de faire les choses bien, et comme beaucoup de gens, il a peur de rater ses démarches administratives. C’est pour cela que la chaise est un objet rassurant pour lui, avec ce choix il est sûr de bien remplir son rôle. Cette chaise est à l’image de sa vie, raisonnable, un peu trop peut-être. 

Quels matériaux avez-vous utilisé pour donner forme à vos personnages ? Et comment avez-vous travaillé la technique ? 
Nos marionnettes ont une structure en métal, recouverte de mousse puis de laine cardée. Nous avions envie depuis longtemps d’expérimenter cette technique que nous avions découvert dans les films d’Emma de Swaef. Ne connaissant pas son procédé technique, nos personnages ont pris vie grâce à une recette améliorée au fur et à mesure de la fabrication de notre film. À cette découverte s’est ajouté le défi de réaliser un plan séquence “caméra épaule”, ce qui ne fut pas de tout repos.  

Étiez-vous davantage inspirés par la question du recyclage, de la réincarnation ou de la remplaçabilité ? 
Nous nous sommes amusé.e.s à remettre en question les codes de notre propre société, en créant un monde où l’Humain est la source principale de matière. À partir d’une situation qui peut paraître absurde et choquante, nous proposons une réflexion sur l’Humain et la place qu’il occupe aujourd’hui. 

Quel est votre court métrage de référence ? 
Min Börda, de Niki Lindroth von Bahr, est un court métrage qui nous a marqués tous les trois par sa façon d’aborder les sujets de l’étrangeté du quotidien ainsi que l’absurdité de la condition humaine. Par ailleurs nous nous sommes inspiré.e.s des jeux de caméra, de gêne, et de silence mis en place dans la série The Office

Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?  

Nous avions tous.tes les trois eu l’occasion de participer au festival en tant que spectateur.ice.s, et avions été marqué.e.s et inspiré.e.s par de nombreux court métrages. Après quelques mois dans le noir et plusieurs milliers de photos, c’est un vrai plaisir de savoir que notre film aura un public ! Ce festival est un beau premier pas dans le milieu du cinéma, pour le film comme pour nous. Merci ! 

Pour voir Ressources humaines, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F11.  

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