Lunch avec The Brother (Le frère)
Interview de Léa Triboulet, réalisatrice de The Brother (Le frère)
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le rapport au deuil ?
The Brother explore la solitude de trois sœurs et leurs difficultés à appréhender la disparition de leur frère. Contrastant absence et présence, nous suivons ces personnages à New Orleans, une ville elle aussi en état de deuil et en reconstruction. Je me suis intéressée à l’après, ce qui se passe après le décèsb: comment évoquer, montrer la perte et ses répercutions et aussi parler de l’incompréhension face à la mort pour ces jeunes filles. Les émotions délicates sont comme refusées, intériorisées, mises en sourdines. Cependant, même après cette perte, aussi difficile qu’elle soit, ce n’est pas fini, la vie continue.
Pourquoi vouliez-vous faire un film autour de la symbolique du grand frère ?
La figure du grand frère s’est imposé dans la relation des sœurs avec leur famille. Encore jeune mais déjà dans la cour des grands, il est souvent celui qui protège. Il est aussi celui qui traîne, plus que ses sœurs, dehors, dans la grande ville. Elles se retrouvent sans leur grand frère et découvrent une autre réalité, plus cruelle. Dans une des scènes, l’amie de la plus grande des sœurs l’évoque « but now it’s just become a cruel world / mais maintenant, on vit dans un monde cruel ».
Pourquoi avez-vous choisi qu’il n’y ait que des sœurs autour de ce frère ? Ne pouvait-il pas y avoir un autre frère ?
Je me suis intéressée à trois sœurs. Quand je les ai rencontrées, j’ai voulu les filmer. Elles représentent trois moments de l’enfance à l’adolescence : Clay’jel a 6 ans, Alania, 12 ans et la plus grande, Keira, 16 ans. Je trouve très beau leurs différences et voulait mettre en avant trois jeunes figures féminines. Elles forment un groupe soudé malgré leur forte indépendance l’une à l’autre. Je me suis rendue compte qu’au final, la présence masculine est absente du court métrage. Elle est hors-champ. Ce sont les sœurs, leur mère, leur grand-mère dont je me rapproche et filme les visages.
Où avez-vous réalisé le tournage et pourquoi vouliez-vous placer l’action dans cet environnement en particulier ?
The Brother a été écrit et tourné à La Nouvelle-Orléans aux États-Unis lors d’une résidence d’artiste que j’ai eu la chance de faire pendant trois mois à à l’automne 2015 (résidence Deltaworkers avec le soutien de l’institut Français / Région Grand Est / Ville de Strasbourg). Le tournage a eu lieu sur quelques jours au mois de décembre à la fin de ma résidence…
Le projet a commencé avec un atelier sur le court métrage que j’ai donné pendant plusieurs mois dans un centre communautaire pour un petit groupe d’adolescentes. Là-bas, je suis devenue proche de Clay’jel, Alania et Keira. J’ai écrit un court scénario basé sur leurs comportements et leurs routines. Avec une approche documentaire, j’ai créé un portrait fictionnel et poétique de ces trois sœurs. J’ai été particulièrement touchée par la présence de la mort et du deuil à La Nouvelle-Orléans et également par ce que ces filles traversent dans leur vie quotidienne : la violence qui les entoure, les disparitions… Cela pouvait être leur frère, leur père, leur oncle qui ne revenait pas à la maison…
Êtes-vous sensible à la thématique de l’absence et avez-vous d’autres projets autour de cette thématique ?
Le deuil est une thématique à laquelle je suis très sensible. Mon précédent court métrage Sofia B dormait mal suivait une adolescente orpheline qui part à la recherche d’une grand-mère qu’elle ne connait pas. Étrangères l’une à l’autre, blessées par leurs passés et leur deuil, les deux femmes vont peu à peu s’apprivoiser. Je suis en écriture d’un projet de long métrage qui est dans la continuité de mon travail. Nous suivons des femmes de différentes générations dans leur rapport au deuil et aux autres, et comment l’une d’elle s’émancipe.
Quels ont été vos coups de cœur au cinéma cette année ?
Cemetery of Splendour d’Apichatpong Weerasethakul ; Fuocoammare de Gianfranco Rosi ; Peace to Us in Our Dreams de Sharunas Bartas…
Si vous êtes déjà venue, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
Parler de cinéma, rencontrer des gens pour de nouvelles coopérations et projets, voir et être surprise par de nouvelles productions dans le court métrage… j’ai hâte !
Le film a-t-il bénéficié d’autres diffusions publiques ?
Oui, il a été sélectionné au 46e festival international du film de Rotterdam (Voices short films) et au 27e festival du film de La Nouvelle-Orléans.
D’autres participations sont-elles prévues durant le festival (rencontres, expressos, etc.) ?
Oui, une rencontre est prévue avec le public le mercredi 8 février de 19h à 20h au cinéma Le Rio (à la suite de la projection du programme F8 à 17h).
Pour voir The Brother, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F8.