Dîner avec The Cloud is Still There (Le nuage est toujours là)
Entretien avec Loke Yee Lai, réalisatrice de The Cloud Is Still There (Le nuage est toujours là)
Xiao Le, le personnage principal, voit ses croyances chrétiennes s’opposer aux rituels taoïstes de sa famille. Qu’est-ce qui vous a attirée vers ce sujet ?
The Cloud Is Still There s’inspire de mon adolescence : j’ai grandi en étant la seule chrétienne dans une famille taoïste. Mon grand-père était même prêtre et officiait dans un temple chinois. Il est mort quand j’avais 21 ans. C’était la première fois que je perdais un membre de ma famille et cet événement continue de m’affecter. Sa mort m’a fait découvrir le lien entre l’idée de piété filiale et la foi. Plus jeune, j’avais honte des croyances taoïstes traditionnelles de ma famille. Mais, à la mort de mon grand-père, j’ai commencé à comprendre l’amour subtil que démontrent les familles chinoises par le biais de leur culture. Pas seulement avec leur foi, mais aussi avec leur langue et leur comportement. J’ai donc eu envie de représenter cet enseignement dans un film. On peut dire que le personnage de Xiao Le, son attitude, son état émotionnel ainsi que toutes ses conversations avec sa mère, s’inspirent de mon histoire.
Dans une interview, vous avez déclaré : « J’espère que The Cloud Is Still There trouvera un écho chez les spectateurs, leur rappellera leur deuil après la perte d’un proche et qu’ils pourront voir le précieux cadeau offert après la mort. » Pouvez-vous développer votre idée ?
Je pense que la mort est un sujet universel et puissant à de nombreux points de vue. Si le deuil est une expérience très personnelle, la réponse à un décès et les émotions que celui-ci peut susciter sont souvent les mêmes : la douleur du deuil permet souvent de retirer une leçon qui nous suivra toute notre vie. Dans ce film, la mère et la fille s’opposent lors d’une conversation très dure sur le lit de mort du grand-père. En étant en conflit, elles finissent par comprendre le point de vue l’autre. Ou du moins, Xiao Le commence à comprendre sa mère. On peut dire que la mort du grand-père a permis de sauver cette relation mère-fille dysfonctionnelle et a appris l’amour familial implicite et traditionnel à Xiao Le. C’est le dernier cadeau que fait le grand-père à Xiao Le, et il aura une importance capitale pour le reste de sa vie. Je pense que tout le monde retire quelque chose de son deuil après la perte d’un proche. C’est pour moi le cadeau le plus précieux venu de l’au-delà.
Vous avez également déclaré que ce film s’inspirait d’événements personnels. Quels conseils donneriez-vous aux réalisateurs qui ont du mal à raconter leur propre histoire ?
De se donner du temps : cela ne sert à rien de se forcer. Il faut continuer d’écrire, peu importe qu’il s’agisse d’un scénario ou d’un journal intime. The Cloud Is Still There se compose en fait d’épisodes tirés des pages que j’écris chaque matin. Une fois que l’on se sent prêt, il faut partager son projet avec son équipe créative et faire savoir qu’il nous tient à cœur. Il est essentiel d’avoir quelqu’un à ses côtés, surtout dans les moments de doutes ou les difficultés. Et pour finir : les histoires personnelles sont toujours puissantes. Il faut donc les raconter de façon authentique et en toute honnêteté.
Pensez-vous que réaliser un film peut aider à faire son deuil ?
Je pense que réaliser un film peut faire bien plus qu’aider à faire son deuil. Cela peut aider à surmonter la plupart des obstacles de la vie. D’un point de vue personnel, réaliser ce film m’a permis d’observer la mort et l’amour familial avec des perspectives variées : j’avais besoin de construire l’histoire et d’étudier les états émotionnels du point de vue des différents personnages. Cela m’a rapprochée des autres membres de ma famille.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Pour être honnête, je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve, mais je pense que le futur est toujours le reflet du présent. Alors que la pandémie continue de progresser, il sera impossible pendant plusieurs années encore de voyager aussi facilement que nous le faisions auparavant. Mais nous sommes toujours attirés par les histoires et toujours prêts à les écouter. Cela ne va pas s’arrêter. Et le moyen le plus simple d’apprendre ce qu’il se passe dans d’autres régions du monde reste le court métrage. Regarder des courts métrages en ligne sur des plateformes de streaming ou à l’occasion de festivals peut connecter le monde entier. J’ai hâte de découvrir d’autres histoires inconnues ou peu représentées venues des quatre coins du monde.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Découvrir des traditions culinaires : la nourriture est étroitement liée à la culture. C’est l’un des meilleurs moyens de s’ouvrir à de nouvelles choses, d’étudier de nouvelles techniques de préparation et de découvrir de nouvelles saveurs venues d’ailleurs.
Pour voir The Cloud Is Still There (Le nuage est toujours là), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I2.