Goûter avec The Elevator (L’Ascenseur)
Entretien avec Dong Jiang, réalisateur de The Elevator (L’Ascenseur)
Comment vous est venue l’inspiration pour The Elevator ?
L’idée de base est issue d’une information à la télévision sur l’installation d’ascenseurs dans le cadre de rénovations de bâtiments des anciens quartiers. En mai 2019, dans un Starbucks de Pékin, j’ai pitché ce sujet, devant Jing Su et Li Ge, les producteurs de mon précédent film Day Dream. Ils ont trouvé ce sujet très intéressant, et Jing m’a raconté le film interactif Tantale de Gilles Porte, qu’elle avait vu au festival de Clermont-Ferrand, car il y avait une opportunité d’interactivité avec ce sujet. Lorsque François Serre est venu présenter le film Tantale en Chine en novembre 2019, je lui ai présenté les bases de mon scénario. L’idée lui a plu et nous avons commencé à décrire et à écrire l’interactivité, les situations, les personnages, les règles de vote, etc… Malheureusement, en raison de la pandémie de Covid-19 et des règles sanitaires en Chine, nous n’avons pu simplement réaliser qu’une version linaire de cette histoire en deux actes.
Pourquoi avez-vous choisi de mettre en scène des relations humaines dans le cadre du voisinage plutôt qu’un autre, comme le cadre familial ou professionnel ?
Au départ, le scénario était plus axé sur le père et le fils, et moins sur les relations de voisinage. Mais après avoir fait le choix d’un film interactif, les relations humaines qui interagissent dans le cadre des habitants du bâtiment sont devenues rapidement prépondérantes. Plus de subtilités et de réalisme étaient possibles, et pour le spectateur il y a plus de possibilités d’empathie.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans la question de l’accessibilité de la personne handicapée ? Envisagez-vous de réaliser d’autres films sur cette thématique ?
Par nature les gens ne se soucient que d’eux-mêmes, et au mieux de leur famille. Dans l’humanité, l’indifférence et le mépris sont ordinaires… La question de cet « ordinaire » est encore plus marquante de mon point de vue avec les groupes vulnérables (réfugiés, malades, handicapés, …), où l’on peut aussi y questionner la place des choix politiques. Même si la question du handicap est propice à la narration, en tant que jeune Chinois la question du vote, du choix, de l’intérêt personnel et de l’intérêt général me motive plus. Par exemple, la diffusion du film Tantale de Gilles Porte à laquelle j’ai participé en Chine, était incroyablement politique : amener les gens à voter lors d’une séance de cinéma, que le smartphone de chaque spectateur soit intégré dans le dispositif, et que les choix soient écrits par un artiste. Pour le moment, en termes de futur, je souhaite vraiment que cette sélection au festival de Clermont nous permette motiver des investisseurs pour réaliser la version interactive. Car même si nous restons sur une durée d’une dizaine de minutes, il faut produire plus de 60 minutes pour les différentes versions possibles.
Comment avez-vous travaillé sur le personnage de l’officier public ?
Pour nous dans ce film, l’officier public représente l’État, la « politique publique » et, dans le meilleur des cas, l’intérêt général. Dans chacune des branches de notre scénario interactif, cet officier définit au moins les règles du scrutin. Finalement c’est un personnage clé, car bien des cas de figure sont envisageables. Par exemple, je citerais facilement le désintéressement, l’autoritarisme, et la corruption. En fait c’est un personnage très facile à travailler car il est présent tous les jours dans l’actualité.
Avez-vous envisagé de montrer ces voisins dans d’autres moments partagés ?
Même si nous nous sommes servis de « l’ordinaire mépris » humain comme tenseur narratif et de générateur d’empathie sur la durée d’un court métrage, le sujet principal porte sur l’expression d’un choix ou plus exactement d’une résultante en fonction d’un scrutin. C’est l’extrapolation des modes de scrutin présentés dans ce film qui organise notre « vivre ensemble ». Voilà bien un des espaces de fusion culturelle entre la France et la Chine. Il ne nous est donc pas apparu nécessaire de montrer un autre « moment de voisinage ». Nous sommes restés focalisés sur comment ces voisins se sentent concernés, formalisent leurs argumentations, et sur l’acceptation de la décision collective.
Quel est votre court métrage de référence ?
Pour ce film j’ai eu deux références principales de court métrage : le court métrage interactif Tantale de Gilles Porte, pour l’écriture interactive et les techniques de captation nécessaires pour faire un film qui ne s’arrête pas, avec un début et de multiples fins. Le court métrage Everything We Know About de Roland Denning, pour sa présentation claire du fait que ce qui nous caractérise personnellement le plus ce sont nos choix, et comment nos choix sont formatables et exploitables. Par exemple, cliquer sur « j’aime » sur Facebook ou Instagram, que l’on perçoit comme une liberté de choix, permet aux intelligences artificielles de Méta de nous parfaitement connaitre.
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
En tant que chinois, il est évident que le festival de Clermont est un tremplin. C’est un festival qui me permet d’envisager mon avenir dans le cinéma.
Pour voir The Elevator (L’Ascenseur), rendez-vous aux séances de la compétition nationale F9.