Dîner avec Yousef
Entretien avec Mohamed Hossameldin, réalisateur de Yousef
Étant vous-même d’origine égyptienne, avez-vous ressenti les mêmes sentiments que votre personnage au lendemain de la fusillade de Macerata ?
Ces dernières années, après chaque attentat en Europe, je me sentais d’abord mal à l’aise, puis je commençais à avoir vraiment peur, pour moi et pour ma famille, comme si j’avais l’impression que l’opinion publique associait toute personne venant du monde arabe à ces attentats. Lorsqu’en février, un Italien influencé par la propagande raciste a tiré sur six personnes juste à cause de la couleur de leur peau, c’était comme si mes peurs devenaient réalité. Dans une certaine mesure, beaucoup de gens s’y attendaient, mais quand c’est arrivé, ça m’a touché à un point qu’il m’est difficile d’expliquer par des mots. Ce sont ces sentiments qui m’ont poussé à faire ce film.
Pourquoi avoir choisi d’inclure ce type d’agression dans votre histoire ?
Le choix de mêler le protagoniste à un cas d’agression sexuelle est venu d’un des préjugés les plus courants à l’encontre des immigrés. Je voulais mettre Yousef dans une situation où beaucoup le verraient comme le coupable idéal.
Y a-t-il une raison particulière pour laquelle vous avez voulu qu’il soit cuisinier ?
Lors d’une de mes conversations avec Saverio Pesapane, qui a coécrit et produit le film, nous avons décidé de développer un personnage qui aurait un bon statut social, une vie plutôt confortable, et qui se retrouverait soudain confronté à une peur qui n’a rien à voir avec son quotidien. Ce qui me fascinait dans le personnage du chef cuisinier, c’est que c’est une personne qui donne du plaisir aux gens, et qui aime s’occuper des autres. Dans le film, il décide de s’occuper d’une personne qui a besoin d’aide, et cette décision est le point de départ du récit.
Comment avez-vous engagé Jean-Christophe Folly pour le rôle de Yousef ?
Le casting était primordial pour ce film, j’ai énormément travaillé avec mon directeur de casting, et quand il m’a montré une scène de La prima neve d’Andrea Segre, où Jean tient le rôle principal, j’ai été séduit par les expressions de son visage. Nous l’avons invité à passer une audition à Rome. Deux jours plus tard, nous l’avons rencontré, nous avons longuement discuté, puis ma décision était prise.
Diriez-vous que le format court vous a donné une certaine liberté ?
Je pense que sur un court métrage, le fait d’avoir moins de temps et de budget permet de faire ressortir des choses que l’on ne pourrait pas dévoiler dans un long. Les limites imposées par le court métrage déchaînent les énergies de l’équipe, si on a réussi à s’entourer de gens passionnés par le projet. C’est un peu comme la différence entre courir le 100 mètres et courir le marathon : il faut gérer son énergie très différemment.
Yousef a été projeté en compétition internationale.