36e compétition internationale
« People have the power » – Patti Smith
Le choix fut difficile et plus contraignant que d’habitude. Mais ce seront à nouveau de belles histoires et des voix singulières que la compétition internationale donnera à voir en cette année 2024. Un tour du monde en 66 films. 52 pays visités, (re)découverts et sublimés par le regard de 68 réalisatrices et réalisateurs. Demandez le programme !
Femmes (, hommes et les autres) au bord de la crise de nerfs
Soyons honnêtes : 2023 n’a pas été une année facile, certains personnages de notre compétition internationale en ont eux aussi gros sur la patate, et on préfère en rire qu’en pleurer avec eux. Dans Basri & Salma Dalam Komedi Yang Terus Berputar du réalisateur indonésien Khozy Rizal, un couple sans enfant subit la pression de leur famille qui les pousse à procréer, jusqu’à les faire chanter (littéralement). Dans Kakor d’Alessandro Stigliano (Suède), un homme décide de se venger d’une hiérarchie trop pesante en alliant sa jeune paternité et son amour de la pâtisserie de manière peu… ragoutante. Autre histoire de tête blonde et de gâteau dans You’re Invited to Tuscan’s 5th Birthday Party! (États-Unis), où une mère tente de rattraper le fiasco qu’est devenu la fête d’anniversaire de son fils à cause d’une sombre histoire de poney.
D’une mère à l’autre, il n’y a qu’un pas et le même besoin d’ouvrir les vannes. Dans If You’re Happy, Phoebe Arnstein (Royaume-Uni) met en scène une performance remarquable d’Erin Doherty, la princesse Anne des saisons 3 et 4 de The Crown, dans le rôle d’une mère qui lutte contre les pressions de la maternité. Autre « princesse » connue dans cette programmation 2024, Emma d’Arcy, qui passe du rôle Rhaenyra Targaryen dans House of the Dragon à celui d’un jeune technicien de plateau aspirant à devenir la nouvelle étoile du cinéma dans The Talent du réalisateur irlandais Thomas May Bailey. Mais si la famille est parfois un poids, celle que l’on se choisit est souvent synonyme de répit : dans le poignant Après-coups (Canada, Québec), des femmes victimes de violence conjugales remettent au goût du jour la notion de « sororité ». Enfin, les rues colombiennes d’Entre las Sombras Arden Mundos accueillent une mère à la recherche de son fils et d’un peu de réconfort.
La forme…
Mais parlons cinéma : certains films de cette compétition captivent par l’utilisation ingénieuse du plan séquence, qui hape le spectateur et le plonge directement au cœur de l’action, l’érigeant en protagoniste de ce qui lui est donné à voir. 2720 du réalisateur portugais Basil Cunha nous balade dans les ruelles d’un quartier sensible de Lisbonne, suivant le destin de deux personnages qui se croisent mais ne se rencontrent jamais dans ce dédale de rues et d’instants d’humanité. D’humain aussi il est question dans Et Eksempel : Dem På Gulvet de Selma Sunniva (Danemark). Ceux qui se côtoient au cœur d’un institut de soin psychiatrique, durant une journée comme les autres… ou peut-être pas. L’animation ne sera pas en reste côté mouvements, nous emmenant d’un style à l’autre. Avec le classique et très classe Nun or Never! (Finlande) qui dessine les doutes et les rêves des nonnes à vous en décoiffer la soutane. Dans Wander to Wonder, on retrouve avec plaisir le style duveteux de la réalisatrice Nina Gantz (déjà croisée en compétition avec Edmond en 2016), qui met en scène les coulisses inattendues d’un show pour le jeune public qui n’a plus rien d’enfantin. Enfin, grand saut (de chat) vers l’avenir avec Miisufy (Estonie), où une collection de félins numériques rêvent de prendre leur liberté.
…Et le fond
La soif de liberté est d’ailleurs au cœur de beaucoup de nos films internationaux, comme un cri qui ne s’éteint jamais. La fin des libertés individuelles pour les femmes afghanes comme dans Yellow d’Ehsas Elham, où la musique, les couleurs, les rires et les regards se croisent et résonnent une dernière fois avant de disparaître, voilés. La liberté depuis trop longtemps perdue et celle que l’on retrouve, un peu, dans un simple fruit partagé, comme dans Une orange de Jaffa (Palestine) où un jeune homme tente désespérément de retrouver sa mère dans Gaza. Ceux qui se veulent témoins de leur lutte pour la liberté, avec un regard empreint de naïveté, comme dans l’exceptionnel et rare documentaire soudanais Suddenly TV, où l’on suit une fausse équipe TV dans des rues où se croisent drague, militantisme et répression. Enfin, du polar aux frontières de la science-fiction (A Black Hole Near Kent County, États-Unis) aux couleurs délavées d’un fleuve indien et de ses habitants (Virundhu) en passant par les invasions de sauterelles destructrices sur la campagne italienne (Tilipirche), les enjeux environnementaux traversent cette compétition internationale, témoin d’une prise de conscience collective et nécessaire aux quatre coins du monde.
Les courts sont plus que jamais le miroir des réalités communes et singulières du monde, qu’ils donnent à (re)voir sous un nouveau jour. Alors rions, pleurons, militons, dansons, réfléchissons, crions et surtout célébrons le cinéma court à l’international !