46e compétition nationale
(Re)créer le monde, toile éphémère du cinéma
Le festival célèbre sa 46e compétition nationale, vitrine de la créativité cinématographique française, loin d’être en berne avec 1957 films inscrits cette année, venus des six coins de l’hexagone et de bien plus loin. Certains courts métrages coproduits, tournés par des cinéastes étranger·e·s traversent les pays et les cultures pour enrichir notre regard de visions venues de Colombie, du Maroc, du Japon, du Québec… en passant par la Belgique. Parmi ces presque 2 000 propositions, 45 films ont donc été choisis à l’issue d’une sélection sévère qui permet à seulement 2,3% des œuvres d’accéder à l’arène de la compétition. Sélection d’autant plus impitoyable cette année que le comité a dû se limiter à composer 10 programmes au lieu des 12 habituels : un paradoxe qui relève du crève-cœur.
Au cœur de cette compétition émergent des thèmes universels : les premières amours, le deuil, les rencontres inattendues et salutaires, les départs souhaités ou empêchés, les retours contrariés… Ces histoires captivantes sont autant de fenêtres ouvertes sur des vies auxquelles on s’identifie, des récits qui transposent l’état du monde, dans sa réalité la plus abjecte ou sa banalité la plus accablante, mais qui résonnent toujours au plus profond de chacun·e de nous. Nous y croiserons ainsi Monsieur et Madame Tout-le-monde : des personnages entre deux âges qui atteignent péniblement une retraite méritée mais décevante, des invisibles qui bossent de nuit bien loin de la lumière, des électrons libres qui vivent en ermites, laissent libre court à leurs fantasmes ou enregistrent les oiseaux, des jeunes femmes qui essayent de déménager ou d’avoir un enfant et des jeunes hommes qui essayent de changer le monde ou juste de vivre une histoire d’amour.
Au-delà des sujets profonds, cette compétition aura son lot de légèreté. Parmi les 45 films, attendez-vous à des éclats de rire, des regains de tendresse, des moments musicaux chantés et dansés, des romances aussi fusionnelles que contagieuses, des évasions loufoques et des paysages à couper le souffle.
Saluons également la variété des films d’animation, 10 au total. Mêlant fiction et documentaires, remarquables à bien des égards, à commencer par les techniques employées : l’animation 2D traditionnelle au feutre dans Margarethe 89 ou aux crayons de couleur d’après rotoscopie dans Été 96, la stop motion sur papier découpé dans Father’s Letters montré en première mondiale, l’aquarelle déclinée en plusieurs milliers de dessins dans La Perra , la 3D numérique dans l’hypnotique Au 8ème jour, ou enfin le très rare écran d’épingles manipulé avec une dextérité d’orfèvre dans La Saison pourpre (voir l’interview de la réalisatrice donnée au CNC à propos de cet objet particulier).
Les cinéastes qui se croiseront dans ces programmes et certainement dans les rues clermontoises en février prochain sont les dignes représentant·e·s de ce que l’équipe du festival souhaite partager avec le public : de nouvelles et nouveaux venu·e·s prometteur·se·s, des auteur·e·s confirmé·e·s, quelques habitué·e·s et d’autres déjà reconnu·e·s par leurs pairs. Dans cette dernière catégorie, 27, le court métrage de la réalisatrice hongroise Florà Ana Buda, auréolé de la palme d’or en mai dernier, sera en compétition. Elle y côtoiera le premier film de Fatima Kaci (La Voix des autres), étudiante à La Fémis, quinous glisse dans la peau d’une interprète pour qui la traduction devient une arme mise au service des réfugié·e·s dont elle retranscrit les séquelles. Jean-Benoît Ugeux et Wissam Charaf seront aussi de la partie. Le premier nous présentera Hiver, nous l’avons croisé plusieurs fois devant et/ou derrière la caméra, il est comédien et réalisateur et fut accompagné par l’équipe de SQP lors d’une résidence d’écriture. Le second est un cinéaste libanais qui a réalisé son dernier long métrage en 2022 Dirty, Difficult, Dangerous et cumule sa sixième sélection au festival avec l’un des plus beaux titres de cette compétition : Et si le soleil plongeait dans l’océan des nues…
Tou·te·s ces cinéastes seront donc tous sur la même ligne de départ pour la course au Vercingétorix, qui les attend entre le 2 et le 10 février.
Deux courts métrages français se distinguent : Avec l’humanité qui convient et Ma poule représenteront la production française en compétition internationale. Il s’agit de deux premiers films réalisés respectivement par Kacper Checinski et Caroline Ophelie qui abordent des problématiques claires et proposent des ambiances aux antipodes. Si l’un est un thriller social en huis clos impeccablement servi par une Joséphine de Meaux en tension et touchée en plein cœur par la détresse d’une inconnue, l’autre est une quête au grand air menée à son rythme par un personnage lunaire (interprété par Sam Louwyck) qui aimerait que sa poule dépressive retrouve le goût de vivre.
« Chaque court métrage est une fenêtre ouverte sur l’âme humaine, une invitation à découvrir l’infini dans l’éphémère » soulignait Ingmar Bergman, gageons que ces tranches de vie vous donneront le goût de l’escapade en format court et sur grand écran, à Clermont-Ferrand.