Tour d’horizon des jurys
Que de beau monde cette année pour venir visionner les 161 films qui composent les 3 compétitions de cette 41eédition !
Du côté du labo d’abord, trois cinéastes de renom. L’ensorcelante Claire Denis (Chocolat, 1989 ; S’en fout la mort, 1991 ; Trouble Everyday, 2001 ; White Material, 2010…) dont le dernier film High Life (sorti 7 novembre 2018) n’a pas fini de nous hanter, inaugure ce jury. Celle qui a commencé comme assistante réalisatrice auprès de Robert Enrico, Jacques Rivette ou Wim Wenders, a su marquer le cinéma français de son empreinte, à la fois singulière, dérangeante et solaire, à travers une filmographie riche, diverse et présentant un style sans cesse renouvelé. Elle sera au côté d’un autre monument du cinéma français : Bruno Nuytten. Si ce nom reste irrémédiablement associé au cultissime Camille Claudel qu’il a réalisé en 1988 et qui lui a valu pas moins de 5 César, Nuytten est avant tout un directeur de la photographie incontournable dans le monde du 7e art hexagonal : vous avez notamment pu profiter de son travail d’orfèvre derrière la caméra de Bertrand Blier (Les valseuses, 1974), Claude Miller (La meilleure façon de marcher, 1976), Andrzej Żuławski (Possession, 1981) ou encore Claude Berri (Tchao pantin, 1983 ; Jean de Florette et Manon des sources, 1986). La jeune et brillante cinéaste britannique Jenn Nkiru, dont le court métrage Rebirth is Necessary (Réincarnation)avait remporté le prix CANAL+ labo lors de l’édition 2018 du festival, viendra couronner ce trio décidément prometteur. Féministe activiste, elle s’est notamment fait remarquer dernièrement à travers la direction artistique du clip “APES**T“ de Beyoncé et Jay-Z alias The Carters, tourné au Louvre en 2018.
Le jury national n’est pas en reste avec notamment deux noms que nous connaissons bien ici à Clermont : les talentueux Céline Devaux et Hubert Charuel. La première cumule pas moins de 4 prix clermontois pour ses 3 courts métrages Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine (prix du meilleur film d’animation francophone 2013), Le repas dominical (prix du meilleur film d’animation francophone, prix spécial du jury 2016 – une rareté pour un film d’animation !) et Gros chagrin (prix étudiant 2018). Cinéaste d’animation et illustratrice, chacun de ses films touche avec justesse à l’intime de personnages en proie à de grands bouleversements, souvent hauts en couleurs (contrairement à sa palette très épurée), auxquels il est difficile de ne pas s’attacher ou s’identifier. Hubert Charuel a vu tous ses courts métrages sélectionnés en compétition nationale à Clermont-Ferrand (Diagonale du vide, 2012 ; K-Nada, 2015 ; Fox-terrier, 2017), mais c’est véritablement en 2017 qu’il s’est fait connaître du grand public avec son premier long métrage Petit paysanqui a depuis raflé pas moins de trois César dont celui du meilleur premier film. Attaché au monde agricole dans lequel il a grandi, Petit paysan relate l’histoire d’un éleveur de vaches laitières prêt à tout pour sauver ses bêtes malgré une terrible épidémie qui ne tarde pas à se déclarer. La comédienne Dominique Reymond, qui foule autant les planches que les plateaux avec plus d’une soixantaine de films à son actif et tout autant de pièces de théâtre, viendra partager son expérience et nous offrir son regard sur les 54 films qui composent cette compétition. Nul doute que la sensibilité de celle qui a traversé le cinéma français devant la caméra de Leos Carax (Boy Meets Girl), Chantal Akerman (Demain on déménage) ou encore Sandrine Veysset (Y aura-t-il de la neige à Noël ?, où elle incarne une mère aimante et tyrannisée) s’avèrera aussi riche que fascinante et forcément précieuse. S’il est un monument insaisissable dans l’univers médiatique français, c’est bien Jackie Berroyer : tour à tour dessinateur industriel, critique rock chez Charlie Hebdo, humoriste, standardiste débonnaire dans “Nulle part ailleurs“ sur CANAL+, chroniqueur chez Hara-Kiri, Libération, Rolling Stone, etc., c’est en 1992 qu’il se fait remarquer pour sa plume derrière son roman La femme de Berroyer est plus belle que toi, connasse, qui lui vaudra l’adaptation cinématographique Tempête dans un verre d’eau. Dès lors, il entame à la fois une carrière de scénariste et dialoguiste (Patrick Bouchitey et Cédric Klapisch ont notamment fait appel à lui respectivement sur Lune froide et Riens du tout) et de comédien : son personnage de Bartel dans Calvaire de Fabrice du Welz a notamment traumatisé toute une génération de touristes ardennais, mais vous avez pu le croiser plus récemment dans le rôle du Dr Jean-Pierre Bayle dans la série TV Hippocrate. Enfin, le prolifique Vincent Macaigne viendra compléter ce jury avec panache. Réalisateur, acteur, auteur et metteur en scène, vous n’avez pas pu échapper à sa présence lunaire au cours de ces dernières années. Après une entrée fracassante au très sélect festival d’Avignon en 2011 avec sa réécriture de Hamlet (Au moins j’aurais laissé un beau cadavre), c’est en 2012 qu’il se fait remarquer du cinéma, à la fois devant et derrière la caméra, en remportant notamment le grand prix et le prix de la presse pour son premier court métrage Ce qu’il restera de nous en 2012 à Clermont-Ferrand. Depuis, ce trublion ne cesse de nous surprendre et de se renouveler dans tous les domaines, aussi bien en stagiaire gaffeur chez Peretjatko (La loi de la jungle, 2016), qu’en “grammar nazi“ dépressif chez Nakache et Toledano (Le sens de la fête, 2017) ou qu’en chien neurasthénique chez Benchetrit (Chien, 2018).
À l’international enfin, nous retrouverons avec plaisir la réalisatrice sud-coréenne Ga-eun Yoon dont le court métrage Guest (L’invitée) avait remporté le grand prix international lors du festival 2012. Son cinéma délicat explore avec beaucoup de sensibilité le thème de la jeunesse et de l’adolescence. Elle sera au côté de l’artiste pluridisciplinaire Caroline Monnet, ambassadrice du Canada – mis à l’honneur à travers un panorama -, dont le travail s’articule autour de la question de l’identité autochtone. Son film Mobilize, présenté dans le premier programme Décibels !, s’intéresse particulièrement aux peuples indigènes du Canada et du Québec. Tout aussi ancré dans son époque et les problématiques de son pays, le réalisateur israélien Nadav Lapid apportera son regard sur les 78 films de cette compétition : si ses derniers longs métrages Le policier (2011) et L’institutrice (2014) ont rencontré un joli succès aussi bien public que critique, nous profiterons de sa présence pour proposer aux spectateurs quelques “courts de rattrapage“ autour de ses débuts à l’École de cinéma et de télévision Sam-Spiegel. Le cinéaste britannique Steve Hawley sera également de la partie : vous aurez notamment l’occasion de découvrir Language Lessons, le surprenant documentaire expérimental qu’il a coréalisé avec Tony Steyger autour des langues “artificielles“ encore parlées en Grande-Bretagne, dans le cadre de la rétrospective Short in Translation. Enfin, l’illustratrice portugaise Susa Monteiro se joindra à ce groupe pour offrir partager sa vision avec celle des œuvres des cinéastes venus de plus de 60 pays et s’en inspirera certainement pour composer l’affiche 2020 du festival de Clermont !