Breakfast avec Essaie de mourir jeune
Entretien avec Morgan Simon, réalisateur de Essaie de mourir jeune
Comment vous est venue l’inspiration pour Essaie de mourir jeune ?
Les anniversaires sont rarement ce que l’on aimerait qu’ils soient. Ils sont propices aux cauchemars, aux mauvais souvenirs. Ils nous ramènent au temps qui a passé et qu’on découvre perdu au détour d’une soirée. Ils sonnent l’heure du bilan.
Le titre du film peut diriger dans deux directions : il peut donner un sentiment d’espoir envers une mort prématurée (mourir jeune) mais involontaire, pour ne pas avoir à « vieillir ». Il peut aussi donner l’impression de suggérer le suicide comme une option (essaie de mourir). Vous l’avez pensé plutôt dans quel sens ?
Je vois le titre comme un conseil du personnage d’Hervé, mais dans un sens qui n’est pas du tout morbide. Il faut le prendre comme l’idée de profiter du moment présent, de se décoincer, de ne pas penser plus loin que la minute qui suit. Il faut vivre vite. C’est une philosophie de vie. Le personnage de Vincent est à l’inverse quelqu’un de réservé, la soirée de ses 25 ans empire et le pousse dans les retranchements de cette réserve. Il faut qu’il prenne le large, c’est vital pour vivre sa vie, qu’on lui souhaite aussi longue que possible.
Comme nous sommes à l’intérieur de sa tête, nous voyons que le jeune héros d’Essaie de mourir jeune est totalement désabusé et ne se voit pas du tout d’avenir. On peut considérer qu’il est dans un état dépressif. Avez-vous engagé des démarches particulières sur cette question pour réaliser Essaie de mourir jeune ?
Je ne crois pas que le personnage soit dépressif, il est seulement désabusé, amer. On l’est tous à certains moments. Il ne voit pas comment se sortir de la situation dans laquelle il est. Il a en lui une générosité, une humanité, une personnalité qu’il ne peut pas exprimer avec Hervé qui l’écrase sans en prendre conscience.
Dans Essaie de mourir jeune, notre héros retient cette phrase : « Travaillez bien à l’école et finissez comme nous. » Dans le film, avez-vous travaillé cette phrase, et l’ensemble de manière générale, comme une projection de sa propre dépression sur les autres ou comme au contraire, une perception empathique de son environnement, rempli d’adultes avec un sentiment d’échec ?
On passe 15, 20 ans de nos vies à l’école pour au final ne pas utiliser grand chose de ce que l’on a appris, hormis l’essentiel. Ça me fascine. Vincent ne voit personne à citer comme exemple, pas même lui, peut-être est-ce sa définition de l’échec. C’est une référence lucide à l’absence d’un vrai modèle de père pour lui, il ne veut pas être comme ça.
Connaissez-vous le film L’histoire sans fin et son marécage de la mélancolie ? Dans Essaie de mourir jeune, y a-t-il un tel marécage ?
Ce film fait partie de mes souvenirs d’enfance. Mais je ne me souviens pas de ce marécage, peut-être que je n’y suis pas encore tombé.
Essaie de mourir jeune questionne de nombreux rapports humains. À un moment, vous présentez un corps brisé, comme un trophée. D’après vous, quelles meurtrissures sont les pires : celles du corps ou de l’esprit ?
Il s’agit d’un parfum en forme de buste de femme. J’y vois la silhouette de la mère de Vincent et tout ce que cela implique dans le film qui n’est jamais dit. Ce n’est pas un trophée, ce serait plus une statue antique qui malgré les cassures qui ont parsemé sa vie est restée debout. Les meurtrissures les pires sont je crois celles restées sous silence alors qu’elles sont là, évidentes, mais niées de tous.
Essaie de mourir jeune est une production française. Selon vous, dans le court métrage, qu’est-ce que la production française apporte que les autres n’ont pas ?
Elle apporte le nombre et la variété. Aucun autre pays ne permet de produire autant de films. D’où l’importance d’un festival comme Clermont-Ferrand. Tout peut y exister au même endroit et au même moment.