Dîner avec Killer?
Entretien avec David White, réalisateur de Killer?
Killer? donne la parole à un homme accusé de parricide. Il évoque principalement le regard des autres et les soupçons qui pèsent sur lui. Pourquoi l’opinion publique doute-t-elle souvent de l’innocence d’un homme avant même qu’il soit jugé ?
Tout d’abord, dans le film, le personnage a été jugé et acquitté, donc ce n’est pas tout à fait pareil. Les soupçons devaient peser sur lui avant le procès. Mais pour répondre à votre question, je pense que les gens sont avides de réponses faciles, et lorsqu’il reste une personne après le meurtre d’une famille, nous partons du principe que cette personne est coupable, sans avoir tous les éléments en main. De plus, nous comptons en général sur les médias et les journalistes pour nous fournir des faits, et nous nous basons sur ces brèves informations pour tirer des conclusions hâtives sur plein de choses (pas uniquement les meurtres). Donc même lorsque l’accusé est acquitté, peu de gens se résignent à chercher un coupable ailleurs. Notre avis sur la question est déjà tranché, malgré l’acquittement nous pensons que c’est bien lui ou elle qui l’a fait. Pourtant, la plupart du temps, nous n’avons pas assisté au procès, nous n’avons pas toutes les infos, nous nous basons sur ce que croit ou raconte telle ou telle personne.
Pensez-vous que les médias aient une influence négative dans ces affaires ?
Oui. Beaucoup de reportages sont mal renseignés, ont consacré peu de temps à l’enquête et privilégient les brèves et le sensationnel. Ces reportages tendent aussi à montrer les choses de façon raccourcie et simplifiée ; ils relèvent souvent de la subjectivité des journalistes et des gens.
Le concept de présomption d’innocence est-il différent en Nouvelle-Zélande, par rapport au Royaume-Uni ou aux États-Unis ?
Non, c’est quasiment pareil. Donc quand on y réfléchit, ces choses-là se produisent dans toutes ces sociétés occidentales.
Le carton de fin pose la question de la crédulité du spectateur. Qu’est-ce qui compte le plus pour vous, que le spectateur doute de ce personnage ou qu’il doute de la véracité des images ?
Pour moi, il n’est pas question de la crédulité du spectateur. Je souhaite parler d’un problème qui donne à réfléchir. Mais il y a des raisons concrètes pour lesquelles je précise que le personnage est fictif.
D’un point de vue légal, je ne voudrais pas qu’on pense que l’histoire se base sur quelqu’un de particulier, ou que je me suis approprié un fait divers. On le précise souvent à la fin d’une œuvre de fiction en Nouvelle-Zélande.
En outre, je suis aussi documentariste, je filme de vrais gens qui racontent leur histoire et je ne veux pas me servir de ma réputation en tant que réalisateur de docus. Il faut qu’on comprenne clairement que j’aborde une problématique mais que j’ai inventé le personnage (qui est plutôt rigolo, d’ailleurs, avec sa casquette). Pour vous donner un exemple, il y a un autre film du festival qui prétend être un documentaire. Quand je l’ai vu, je me suis d’abord dit que c’était incroyable d’avoir trouvé cette histoire et que ces personnages soient d’accord pour qu’on les filme, c’était un film vraiment poignant. Le sujet abordé était très sérieux, je n’en avais jamais entendu parler, et quand j’ai appris, durant les débats Expresso, que le film était qualifié de documentaire dans le catalogue du festival et de docudrame dans d’autres contextes, j’étais dégoûté. J’avais l’impression que le réalisateur avait trahi ma confiance, de la même façon que les médias nous mentent. Je ne veux surtout pas qu’on pense ça de moi. Je respecte mon public, et c’est de cela qu’il s’agit dans mon film.
Avez-vous envisagé le film sans ce carton de fin ?
J’aurais pu, pour faire une blague à mes potes, qui savent très bien que ma famille est en vie. Mais surtout pas en vrai pour le public.