Dîner avec L’âge des sirènes
Interview de Héloïse Pelloquet, réalisatrice de L’âge des sirènes
Pourquoi étiez-vous intéressée par cette période de la fin de l’adolescence et le parcours de Mattis ?
J’avais déjà fait un film avec ces jeunes comédiens deux ans auparavant, quand ils étaient à la frontière entre l’enfance et l’adolescence. Ça s’appelait Comme une grande et c’est Imane qui endossait le rôle principal. Mattis jouait son ami d’enfance. Nous avons tourné pendant un an car le scénario le nécessitait.
À la fin du tournage, après une année passée à suivre les comédiens et à les regarder grandir, j’ai décidé d’écrire un autre film pour continuer l’histoire des personnages, mais en adoptant un point de vue différent. L’idée du scénario est venue de ce qu’ils étaient en train de vivre. Au moment de tourner L’Âge des sirènes, les comédiens entraient au lycée. À Noirmoutier, cela signifie quitter l’île pour l’internat sur le continent. C’est le début d’une nouvelle vie. Mattis était le seul de la bande à choisir de rester. Il voulait apprendre un métier. J’ai choisi d’en faire le personnage principal. Comme une grande était un film sur une fille qui rêve de quitter son île – et plus symboliquement, son enfance – alors que L’Âge des sirènes est un film sur celui qui reste et qui grandit différemment.
Comment avez-vous eu l’idée d’explorer l’univers de la pêche à l’anguille ? Qu’est-ce qui vous intéressait dans le caractère de Noirmoutier ? Le tournage a-t-il eu lieu sur l’île ?
Ce sont ne sont pas des anguilles, mais des congres. 🙂 Les congres sont de très gros poissons. Il y a donc quelque chose de très physique, voire brutal, dans cette pêche. Ça m’intéressait de voir Mattis confronté à la mise à l’épreuve de sa force et de sa résistance. De montrer le plaisir qu’il y prend, également. Par ailleurs, je trouve que, visuellement, les congres ont une forme qui rappelle les sirènes. Dans la vie, Mattis a choisi la plomberie. Nous avons transposé dans le milieu de la pêche, pour des raisons visuelles évidentes mais pas uniquement. J’avais très envie de tourner des scènes en mer et d’utiliser l’image du large, de la mer et certains de ses mythes (les sirènes) pour exprimer les sentiments de Mattis. Le tournage a eu lieu à Noirmoutier. C’est là que j’ai passé mon adolescence. Ce sont donc naturellement des paysages que j’associe cette période de la vie.
Dans L’âge des sirènes, le personnage d’Imane semble être « dans la friendzone » de Mattis, pourquoi avoir fait ce choix et qu’est-ce que ce personnage, très extraverti, apportait au film ?
C’est comme ça dans la vie. Ils sont proches, sans ambiguïté. Pour moi Imane est l’amie que Mattis gardera, malgré les divergences de leurs vies. Elle représente aussi l’envie de partir, de quitter l’île.
Le personnage de Thomas semble être tout l’inverse d’Imane mais aussi un pied de nez aux clichés du schéma « mâle dominant », comment avez-vous travaillé ce personnage ?
Nous n’avons pas pensé Thomas comme un pied de nez à quoi que ce soit. Mais c’est vrai qu’il semble moins préoccupé que Mattis par sa virilité. Il a plus d’humour sur le sujet. J’avais envie de ce type de contrepoids car il n’était pas question que le film renvoie une image unilatérale de ce que signifie « devenir un homme ».
Comment avez-vous travaillé avec les jeunes acteurs quant à l’interprétation ?
Les scènes étaient écrites mais pas entièrement dialoguées. Il n’y avait pas de texte à apprendre par cœur. Je leur indiquais seulement l’essence de la conversation et c’était à eux de formuler les intentions avec leurs propres mots. Nous avons fait beaucoup de répétitions en amont du tournage
Et avez-vous envisagé de faire un long métrage à la suite ou avec les images du court ?
Non, à chaque film ses images et son histoire. Le prochain sera différent, avec de nouveaux personnages, mais encore dans des environnements maritimes.
Enfin, y a-t-il vraiment un âge pour les sirènes ?
J’espère que non.
Quels ont été vos coups de cœur au cinéma cette année ?
La tortue rouge et, plus récemment, Manchester by the Sea.
Si vous êtes déjà venue, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
Je ne suis jamais venue. J’en attends de l’échange, autour du cinéma, et pas seulement. J’espère découvrir de beaux films.
Le film a-t-il bénéficié d’autres diffusions publiques ?
Voici le parcours du film :
– Festival Côté Court, compétition nationale, Pantin, 2016
– Festival du film de Kiev Molodist, compétition internationale, 2016 – mention spéciale du jury
– Festival tous écrans de Genève, compétition internationale, 2016 – prix RTS du meilleur court-métrage
– Festival du film de Sarlat, compétition nationale, 2016 – prix du meilleur court-métrage
– Festival Tous Courts d’Aix en Provence, programme coups de cœur, 2016
– Festival Premiers Plans d’Angers, compétition officielle, 2017
Pour voir L’âge des sirènes, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F3.