Dîner avec United Interest (Intérêts-Unis)
Entretien avec Tim Weimann, réalisateur de United Interest (Intérêts-Unis)
Qu’est-ce qui vous attirait dans les vieux films, dans le muet ? Est-ce le rapport aux industries et le sujet de l’industrialisation ?
J’ai toujours voulu faire un film à propos du capitalisme, mais cherchais la bonne approche. Quand j’ai trouvé la séquence de ce vieux film d’une scène de rue à San Francisco, j’ai instantanément su que je voulais la combiner avec de l’animation. Personnellement, j’aime ce contraste entre le tournage noir et blanc et l’animation colorée.
Comment avez-vous construit l’animation à cet égard ? Est-ce la même boucle que vous utilisez ou y a-t-il des variations dans l’image avant d’ajouter l’animation ? Combien de fois la boucle est-elle répétée ?
Désolé mais je ne comprends pas bien votre question : Il n’y a qu’une seule séquence de tournage qui est doublée, mais il n’y a pas de boucle. La création était un challenge car l’animation devait correspondre aux événements de la séquence réelle. Pour cette raison, aucun storyboard ne pouvait être écrit pour planifier et mettre en scène l’animation. Cela m’a emmené vers une méthode de travail très libre, avec le besoin de foncer et la synchronisation à associer, qui est très différente de mes habitudes, mais qui était très plaisante. Techniquement, c’était compliqué. Le matériau d’origine n’avait pas de cadence régulière dans la prise d’images, comme nous l’utilisons aujourd’hui : soit 25 soit 30 images par seconde. Les caméras de l’époque étaient tournées à la manivelle. Alors la cadence est irrégulière, entre 12 et 15 images par seconde, ce qui veut dire qu’il fallait doubler certaines images, ou pas. Et pour combiner un tournage réel et une animation, il faut suivre les mouvements de caméra. Ce qui est plus facile quand la cadence de prises de vues est régulière. Il a fallu que j’écrive un petit programme qui comparait chaque image avec la suivante pour soit l’effacer, soit la doubler. Après cela seulement, j’ai pu créer mon animation en 2D et utiliser un programme 3D pour la placer dans l’image selon les positions que j’avais définies pour coller aux mouvements de caméra.
Avez-vous une relation particulière aux États-Unis d’Amérique ? Pourquoi avoir choisi ce pays ?
Pour être honnête, je n’ai aucun lien avec les États-Unis, mais je n’en ai pas besoin car nous vivons dans un monde globalisé. Pour nous en Europe, les élections américaines ont autant d’importance que s’il s’agissait d’une élection locale. Les États-Unis n’ont pas inventé le capitalisme, mais ils en ont développé la forme turbo-capitalisme que nous connaissons aujourd’hui. Comme cela leur a apporté du succès dans les dernières décennies, c’est devenu un mode de vie que tous les autres pays se sont mis à imiter à leur manière. Alors si nous voulons comprendre le capitalisme et là où il va nous mener, il faut regarder de ce côté. Il ne faut pas confondre ce film avec un pamphlet anti-américain, mais il y critique la forme actuelle du capitalisme, un système qui devient de plus en plus inhumain et qui ne peut pas être une vision d’avenir pour l’humanité en général.
United Interest résume des décennies en quelques minutes, pourquoi étiez-vous intéressé par ce récit en accéléré de l’Histoire d’un pays ?
Le film n’est pas tellement à propos de l’histoire des États-Unis, mais plutôt à propos de ce que le capitalisme y a changé au cours du temps. Les événements historiques décrits dans le film qui ne soient pas liés à son sujet servent plutôt à tisser la trame chronologique.
Enfin, qu’est-ce qui vous intéressait dans l’impact des puissants, dans l’assimilation par le peuple de cette communauté de puissants magnats ?
C’est un fait qu’il y a environ 10% de la population mondiale qui détient la plus grande partie de la richesse et que de plus en plus de personnes tombent sous le seuil de la pauvreté chaque année. C’est l’effet secondaire systémique du capitalisme. Cela va aller de pire en pire dans les prochaines années avec une grande partie du travail qui sera effectué par des robots et des intelligences artificielles. Il faut complètement repenser notre système, si nous voulons vivre dans la justice et traiter chacun avec respect et bienveillance. Dans une vision utopique d’un futur majoritairement automatisé, seuls ceux qui auront envie de travailler auront à travailler. Les autres pourront faire ce qu’ils veulent, puisque le plus gros du travail sera effectué par des machines. Dans une vision dystopique, nous ne serons pas capables de surmonter les principes capitalistes. De moins en moins de gens auront un travail et pourront gagner de quoi survivre. Si, avant d’en arriver là, nous ne sommes pas en plein milieu de guerres et révolutions, c’est là que ce type de capitalisme s’autodétruira, car qui pourra encore acheter toutes les choses qu’il propose, quand plus personne n’aura la capacité de les payer ?
Quels ont été vos coups de cœur au cinéma cette année ?
Snowden d’Oliver Stone et Lo and Behold, Reveries to the Connected World de Werner Herzog.
Si vous êtes déjà venu, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
Comme je ne suis encore jamais venu, je ne sais pas trop à quoi il faut s’attendre, mais on m’a dit que c’était toujours de la dynamite ! À mon grand malheur, je ne pourrai pas être présent mais une de mes productrices, Kathrarina Jakobs, sera là.
Quels sont vos projets ?
Pour l’instant je travaille sur un clip de Christoffer Wadensten, c’est-à-dire Meadows.
Pour voir United Interest, rendez-vous aux séances de la Compétition Labo L3.