Lunch avec Les vies de Lenny Wilson
Entretien avec Aurélien Vernhes-Lermusiaux, réalisateur de Les vies de Lenny Wilson
Comment vous est venue l’idée pour ce court métrage ?
Le film s’est monté très rapidement, il ne devait même pas exister. Je devais réaliser un premier long métrage de fiction qui a été décalé et dans le but de continuer d’expérimenter des situations pour les projets futurs, nous avons décidé avec mon producteur de réaliser ce film. Je voulais essayer de me confronter à une forme de légèreté, apporter une touche d’humour dans mon travail tout en questionnant des sujets dramatiques. L’idée est donc venue d’un conglomérat d’éléments que j’avais accumulés depuis quelques semaines, mais qui pour une grande partie étaient éloignés des univers que j’avais développés jusqu’à présent. Par exemple, sortir d’un contexte rural pour essayer de tourner un film dans un environnement urbain, ou encore tenter de créer une atmosphère pop… Tout au long de l’écriture, je me suis attaché à apporter des éléments, des effets, des tonalités que je n’avais jamais côtoyés. Les vies de Lenny Wilson est presque « un accident de parcours ».
Pourquoi vouliez-vous un film musical avec cette séquence d’introduction chantée ?
Lenny Wilson est-il totalement fictif ?
Je souhaitais faire un film musical, mais pas une comédie musicale. J’ai toujours rejeté la musique dans les films au point d’en être très avare dans mon propre travail. La musique me fait plutôt peur car très souvent, j’ai l’impression qu’elle n’est pas au service du film. Pour Les vies de Lenny Wilson, j’étais stimulé par l’idée de travailler sur un équilibre rythmique entre différentes parties. Le film conte l’histoire de 3 personnages et je voulais que chacun puisse avoir son monde graphique et rythmique. Il fallait cependant ne pas les isoler totalement les uns des autres, mais créer des liants pour renforcer l’aspect émotionnel de la proposition. Rapidement dans l’écriture, le choix du casting des chanteurs est apparu et je trouvais intéressant de commencer le film par une séquence qui allait à contresens d’une narration classique. Commencer en musique, créer un tempo dynamique qui allait au fil du temps s’adoucir.
Le personnage de Lenny Wilson est totalement fictif, même si après le tournage nous nous sommes rendus compte qu’un acteur américain portait le même nom. Bob Wilson, dont on parle dans le film, est un metteur en scène de théâtre, connu aussi sous le nom de Robert Wilson et dont j’aime énormément le travail. Le clin d’œil est pleinement assumé pour le second.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans la séquence de personnages qui dansent avec des guirlandes ?
Dans le plan séquence qui accompagne le troisième temps du film, je voulais continuer à garder la touche d’onirisme qui enveloppe nos protagonistes, comme je l’ai fait à d’autres moments du court métrage. Évidemment, il fallait aller « ailleurs » sans faire de coupe et rester dans la logique du plan séquence, important dans la structure de cette partie. Ce moment permet au personnage de Julia d’accepter de voir le monde qui l’entoure autrement. Quand elle aura réussi à se sensibiliser et à se libérer de ses maux, elle pourra accepter son avenir. Les touches d’onirisme dans le film sont là pour rendre moins âpre les drames du quotidien.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans la thématique du manque affectif ?
Dans mes différents courts métrages, j’ai souvent abordé la question de la ruine, de la trace, de la mémoire, de ce que nous gardons des personnes qui nous ont accompagnés à un moment de nos vies. Je voulais prolonger cette réflexion. Cependant, ici, le manque est double et la personne qui engendre cette douleur affective pour les deux autres n’est plus là. L’idée d’un trio avec une entité absente mais à la source de toutes les peines me séduisait, comment chacun va vivre ce manque et comment il sera compensé, accepté… C’est à partir de ce postulat que je me suis dirigé vers cette thématique.
Avez-vous conçu Les vies de Lenny Wilson comme un tout ou comme une partie d’un plus grand récit ?
Envisagez-vous d’approfondir le film ou sa thématique dans d’autres films ?
J’ai construit Les vies de Lenny Wilson comme un tout. Quand le film se termine, il laisse la route dégagée vers des perspectives nouvelles pour nos personnages. J’aime laisser libre à notre imagination le futur de Boris et de Julia. Grâce à leur retrouvaille, ils vont peut-être commencer à faire le deuil. Je dis bien « peut-être »…
Plusieurs thématiques du film sont déjà présentes dans certains de mes travaux. Je pense qu’il me sera difficile de m’en éloigner totalement. Cela nourrit à la fois mon travail de création, mais aussi le propre cheminement de mon existence.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Le court métrage est un support de recherche sans limite. Ce format permet d’expérimenter des formes différentes et stimulantes avec une liberté rare. Dans chacun de mes films courts, avec plus ou moins de réussite, j’ai toujours tenté de me confronter à des enjeux formels et narratifs très différents. Je me refuse de faire des films similaires, mais au contraire, je m’amuse à travailler avec des outils, des formats, des codes qui sont chaque fois nouveaux. Il est certain que quel que soit mon avenir, je continuerai à faire des films courts.
Si vous êtes déjà venu, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ?
Sinon, qu’en attendez-vous ?
Le public de Clermont-Ferrand sera le premier à découvrir Les vies de Lenny Wilson. Je n’ai pas d’attente particulière, juste l’espoir qu’il accepte d’accompagner Julia, Boris et Elvis dans cette rêverie nocturne et musicale. J’espère aussi y faire de belles rencontres humaines et cinématographiques et y faire frétiller mes sens en découvrant de nombreux films singuliers.
Autres diffusions publiques ?
Les vies de Lenny Wilson sera découvert pour la première fois durant le festival de Clermont-Ferrand, le film a été tout juste terminé en décembre.
Pour voir Les vies de Lenny Wilson, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F9.