Lunch avec Kleptomami (Kleptomaman)
Entretien avec Pola Beck, réalisatrice de Kleptomami (Kleptomaman)
Qu’est-ce qui vous a inspiré ce personnage ? Avez-vous personnellement connu ce qu’elle a vécu ?
Quelques mois après la naissance de mon fils, je me suis rendu compte que je n’étais pas la jeune maman cool et détendue que j’avais imaginée. Aux yeux de mon entourage, je passais pour la maman parfaite, mais au fond de moi, je me sentais sur le point d’exploser et j’étais envahie par les angoisses. Avant, ma vie c’était : « Je veux faire des films et bosser à fond », et je suis passée à « Un bébé et une carrière ? Je veux dormir ! ». La première fois que je me suis prise à voler dans un magasin, il a fallu se rendre à l’évidence : « Bon, arrête de jouer les mères parfaites. » En volant dans les magasins, je recréais la part d’aventure qui manquait à ma nouvelle vie, catonnée au coussin d’allaitement. J’ai donc décidé de faire contre mauvaise fortune bon cœur et de m’inspirer de mon « malheur » pour faire un film. J’avais très envie de parler de cette perception contradictoire de la maternité moderne. Je pense que dans nos pays occidentaux, beaucoup de jeunes mères (ou jeunes pères) ressemblent à mon personnage. Elles sont tiraillées entre leurs vrais désirs et la réalité dans laquelle elles se retrouvent après la naissance de leur bébé. Maman sexy. Carrière et bébé. Attentionnée mais n’ayant peur de rien. Il faut enfouir ce qu’on ressent pour pouvoir fonctionner. Mais je pense qu’il est important de pouvoir en rire également.
Pouvez-vous nous parler de vos choix esthétiques ? Celui du montage par exemple ?
Pour ce film, je voulais créer un univers très spécial, unique, et mélanger deux mondes complètement différents. La première étape consistait à recherche des images d’archives. Nous avons réalisé les prises de vue et notre VFX les a intégrées aux images d’archives. Je tenais à ce que le spectateur se demande ce qui est authentique et ce qui a été fait juste pour le film. Ce mélange d’archives et de prises de vue m’a été inspiré par le clip vidéo Up&Up de Coldplay, réalisé par Vania Heymann et Gal Muggia.
Qu’est-ce qui vous poussée dans la voie de l’humour noir pour ce film ?
Oh, le scénariste, Daniel Thomaser, a un humour très noir. Nous avons imaginé l’histoire ensemble, mais c’est lui qui a écrit les dialogues. Et c’est à son tour d’être papa maintenant, il galère parfois. Mais je le console, c’est un super papa !
Comment avez-vous trouvé les acteurs ?
Rosalie Thomass, qui joue le personnage de Lucy, est une actrice renommée en Allemagne. Par chance, c’est aussi une copine, et elle est mariée à un réalisateur avec qui j’ai fait mes études. Je lui ai donc juste proposé le rôle, sans passer par un casting. Sebastian Schwarz, le personnage masculin, est connu comme acteur de théâtre et je savais qu’il excellait dans la comédie. Il est fabuleux, il suffit qu’il regarde la caméra pour que j’éclate de rire. Pour ce rôle de l’agent de sécurité, je voulais quelqu’un qui puisse jouer la comédie mais sans tomber dans le cliché. Même chose pour la troisième protagoniste, Monika Oschek. Je n’ai pas organisé de casting pour ce film. J’ai cherché moi-même les acteurs et contacté directement les agences. Tout le monde a adoré le projet et accepté sans hésitation. Ça ne se passe pas toujours comme ça.
De quoi parlera votre prochain film ?
J’aime les histoires de famille, les sentiments très forts, et je rêve de faire une grande histoire d’amour un jour, style Blue Valentine. Mais pour le moment, je travaille sur une série pour la jeunesse, l’adaptation allemande de la série norvégienne Skam. Je recrute des centaines de jeunes âgés de 15 à 20 ans et c’est un marathon ! J’adore. J’ai commencé à « chasser des têtes » sur Instagram, car nous cherchons des débutants complets.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Essayer des trucs délirants. Après mon premier long métrage, je pensais que je ne ferais plus jamais de court métrage. Ça me donnait l’impression de « retourner à l’école ». Mais après le tournage de Kleptomami, j’étais très contente de l’avoir fait, et j’ai renoué avec le court métrage car j’avais de grandes libertés, j’ai pu suivre mon intuition en faisant le film. Quand on travaille sur un long, on est influencé par plein de gens, les producteurs, le commanditaire, le distributeur, etc. Et ça n’en finit pas. Alors que pour Kleptomaman, entre la première idée et l’achèvement du film, il ne s’est passé que huit mois.
Pour voir Kleptomami, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I6.