Lunch avec Roméo
Entretien avec Manuel Schapira, réalisateur de Roméo
Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer un court à partir d’un cours sur la création ?
Je venais de parler avec des étudiants en cinéma à La Sorbonne pendant une heure, c’était une rencontre sympathique mais trop courte. En partant, je suis tombé dans un couloir sur une affichette qui proposait des cours de créativité. Ça m’a intrigué, et je me suis mis à imaginer un court métrage avec ces étudiants que je venais de rencontrer. J’avais l’impression qu’ils étaient timides et que justement, il fallait qu’ils se découvrent un peu.
Comment avez-vous travaillé sur la mise en place du sentiment de malaise dans lequel commence le film ?
La création, ça implique de se dévoiler à un moment. Même si ce n’est pas forcément visible, ça reste codé. En pensant le projet, j’avais en tête Festen : c’était une référence lointaine mais qui est restée toujours présente, et Pinter aussi pour cette tension permanente qui habite ses pièces, cette menace qui pèse.
Avez-vous pensé Roméo comme un tout ou comme une partie d’un récit plus long ?
J’ai réalisé des courts qui pourraient être des séquences de films plus longs, ils donnent cette impression. Mais ça fonctionne aussi parce qu’on ne sait rien des personnages, ni avant, ni après.
Avez-vous réalisé Roméo en vous questionnant sur les limites de l’intimité entre vie personnelle et vie professionnelle ?
Non, mais c’est sûr que la violence qui surgit est aussi la conséquence de cette intrusion dans la vie de la professeure.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le rapport au groupe ?
De découvrir chacun d’entre eux, qu’ils soient tous intéressants à leur manière, que chacun existe.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Pour avoir tourné récemment des formats plus longs, je m’aperçois encore plus de la liberté que peut offrir le court métrage. Et j’en ai profité. On est plus libre d’improviser, d’essayer des choses dans le dispositif de filmage, dans le choix des comédiens et des non-comédiens.
Si vous êtes déjà venu, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
Pour être venu assez souvent, j’en ai pas mal, des anecdotes ! Une fois, un groupe de lycéens m’avait donné rendez-vous pour me poser des questions sur un court qui passait au festival. Ils étaient 8 ou 9 et devaient faire un exposé pour leur classe. L’un avait une jambe dans le plâtre, l’autre tenait un petit cahier de notes, tandis qu’un autre avait un imperméable (peut-être celui de son père ?). Ils étaient très hétéroclites, et l’ambiance de l’interview était franchement bizarre. Ils avaient l’air pressés et étaient plutôt absents. Je ne comprenais pas trop les questions qui étaient très générales et j’essayais d’y répondre mais aussi de comprendre ce qui se passait, où ils voulaient en venir. Au final, j’ai compris qu’ils n’avaient pas vu mon film – aucun d’eux – et qu’ils voulaient juste que je réponde à leur questionnaire pour pouvoir boucler leur devoir. C’était absurde comme situation. Quand je leur ai dit que ça me paraissait aberrant, ils ont eu l’air aussi étonné que moi, et ils étaient dégoûtés par ma réaction. Vu que je n’avais pas terminé de répondre à leurs questions, il fallait qu’ils recommencent tout leur questionnaire avec un autre. Je leur avais fait perdre leur temps ! Ça avait bien fait rigoler, cette histoire. En tous cas, c’était il y a longtemps et je m’en rappelle encore en souriant.
Pour voir Roméo, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F1.