Breakfast avec Bendito Machine VI
Entretien avec Jossie Malis Alvarez, réalisateur de Bendito Machine VI
Qu’est-ce qui vous a inspiré Bendito Machine VI ?
Je voulais parler des complexités et des incertitudes de notre avenir. Je me considère comme un technophile pessimiste, je suis fasciné et enthousiasmé par les avancées technologiques, mais en même temps, je m’inquiète de toutes ces possibilités qui s’offrent à nous, pas tant de l’utilisation de cette technologie au niveau personnel, mais de la façon dont elle façonne les comportements sociaux et en génère de nouveaux. Au début du projet Bendito Machine, il n’y avait ni réseaux sociaux, ni Smartphones, ni contenus fragmentés tels qu’on les connaît aujourd’hui, et j’ai trouvé qu’il serait intéressant de faire évoluer l’histoire en imaginant une rencontre technologique entre des créatures primitives et un futur qui nous est plus familier, celui de la conquête spatiale. À partir de là, je me suis autorisé la liberté de laisser les deux histoires évoluer chacune de son côté pour finalement converger en une seule.
Comment avez-vous créé et animé les dessins ?
Je crée tous les dessins sur papier puis je les transfère en images vectorielles. Une fois redessinés, la plupart des éléments et des personnages sont préparés pour être animés en papier découpé, tandis que d’autres sont animés de façon traditionnelle.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le fait de dénoncer les technologies soi-disant « intelligentes » comme le Smartphone ?
L’idée de parler de cette technologie était séduisante. Il s’agit sans aucun doute de la plus grande révolution technologique de ces dernières années depuis l’avènement d’Internet. Il est dingue de constater que le téléphone a été inventé voilà presque 160 ans, et que cet appareil primitif s’est conjugué avec l’Internet et des centaines d’autres technologies pour donner finalement nos petits démons. On ne peut plus s’en passer et on compte dessus même pour aller aux toilettes tranquillement. C’est incroyable de voir que ce petit objet a transformé presque toute la planète en si peu de temps, mais l’ironie dans tout ça, c’est que cet outil si puissant, en plus d’héberger toutes les informations et toutes les fonctionnalités imaginables, est finalement devenu le miroir de Blanche-Neige plutôt qu’autre chose.
Comment avez-vous conçu le petit rover ? En quoi son bonhomme de chemin sert-il l’histoire ?
Ce qui m’intéressait quand j’ai commencé à écrire le film, c’était l’idée de deux récits indépendants. Dès le début, je savais que le premier récit serait celui des hominidés, mais je n’étais pas sûr pour le deuxième. À un moment, je me suis dit que cette deuxième histoire devait comporter une forme humaine mais être dénuée de véritable présence humaine, et c’est là que notre cher Rover a fait son apparition. Les Rovers, et Curiosity en particulier, ont des côtés très humanoïdes, ce qui en fait des personnages qui ne manquent pas de caractère. Il était très amusant de le faire évoluer et de le punir un peu. J’ai passé presque toute ma vie à suivre de très près la conquête de l’espace, et une des expériences qui m’ont le plus marqué a été de voir l’atterrissage de Curiosity sur Mars. Quelque part, c’est un hommage à cet exploit spatial, mais aussi une histoire de destruction et de transformation.
Traitez-vous souvent des mystères de la vie et de l’évolution ? Avez-vous d’autres projets autour de ces thèmes ?
Oui, ce sont mes thèmes de prédilection, surtout notre relation à la planète sur laquelle nous vivons, la technologie et notre évolution en tant qu’espèce. Au final, ce sont tous ces éléments qui font de nous des créatures intelligentes et ce sont ces relations qui vont être déterminantes pour notre avenir en tant que membres d’une société, avec tout le bon et le mauvais que cela comporte. C’est la science fiction elle-même, à travers l’écriture et le cinéma, qui a façonné ce que nous sommes aujourd’hui, et il n’est pas difficile d’imaginer vers quoi nous allons avec toute cette technologie. Voilà les sujets dont j’ai envie de traiter.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Le défi consiste principalement à condenser en peu de temps une histoire faite de suffisamment d’éléments pour aborder plusieurs idées en une seule structure narrative. Arriver à gérer cette liberté, ces possibilités infinies et toutes ces ressources visuelles sur une durée très courte. J’avoue que de ce côté-là, comme je travaille avec une équipe réduite, je m’autorise beaucoup d’improvisation et de changements de direction en cours de route. Je ne me cantonne jamais à une histoire figée et bien que l’animation ne se planifie pas aisément, je suis rassuré d’avoir cette liberté et de pouvoir l’adapter juste ce qu’il faut pendant mon travail.
Si vous êtes déjà venu, pouvez-vous nous raconter une anecdote vécue au festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
C’est la première fois que je viens à Clermont-Ferrand. Je n’ai jamais eu l’occasion d’y assister en tant que spectateur, et la première fois que j’y serai, ce sera pour présenter un film en compétition et en avant-première officielle, donc j’appréhende un peu. Mais j’ai hâte d’être au jour de la première projection, de voir le film sur grand écran, dans une salle obscure pleine de monde – en plus de me faire une overdose de super courts métrages durant toute la semaine, des fêtes, des amis, de la bonne bouffe… Que du bonheur !
Pour voir Bendito Machine VI, rendez-vous aux séances de la compétition Labo L4.