Goûter avec Soleil d’hiver
Entretien avec Hong-Kai Liang, réalisateur de Soleil d’hiver
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le fait de mêler le présent et les souvenirs ?
C’est une impression que j’ai eue en me confrontant au vieillissement de mes parents. Dans ma perception, les gens ne vieillissent pas au fur et à mesure. Et souvent, d’un coup, on sent que l’autre a vieilli, et c’est irréversible. Tandis qu’avant cet instant-là on est coincé dans un souvenir de blessure qui se répète en boucle, le temps n’avance pas, jusqu’à ce que la vieillisse des parents nous réveille, et c’est déjà trop tard.
Et pourquoi ouvrir le film par une séquence de Marin enfant ?
… Et donc Marin, malgré son âge, est toujours coincé dans ce souvenir d’enfance, ou un sentiment d’abandon. Cela nous permet, j’espère, de voir le film depuis une autre perspective et de comprendre le comportement de Marin face à sa mère au début du film. Je pense que mon envie de faire des films vient de celle de revoir le passé et d’essayer de le comprendre, peut-être de m’excuser aussi. Donc l’enfance de Marin laisse ses émotions contradictoires s’infuser dans le silence entre la mère et le fils.
Étiez-vous davantage intéressé par la solitude de cette mère ou le sentiment d’impuissance de Marin ?
Ce que j’ai envie de montrer, c’est le cercle de solitude dans leur relation. Marin croyait profondément que sa mère l’avait abandonné. Il s’était trompé, mais pour se protéger, au fil du temps il s’enferme en lui-même et cela provoque la solitude de sa mère. Lorsqu’il revient, Marin prend conscience de l’état de sa mère et essaie de réparer cette relation, mais, encore une fois ils ne font que se croiser. D’où l’impuissance de Marin.
À quel point êtes-vous intéressé par la relation parent-enfant et envisagez-vous de réaliser d’autres films autour de cette thématique ?
Non, pas pour l’instant. J’essaie de faire des films avec un sentiment de nécessité. À ce moment-là j’avais ce besoin de raconter une histoire sur la relation parent-enfant. La fabrication de ce film m’a amené à traverser un brouillard de souvenirs et me permet de voir un autre paysage, une autre nécessité, donc un autre film. Mais honnêtement je crois que je ferai encore d’autres films autour de cette thématique plus tard, (quand j’aurai assez de courage).
Avez-vous conçu Soleil d’hiver comme un tout ou peut-il faire partie d’un projet cinématographique plus long ?
Soleil d’hiver est un film à part entière. Je crois que le court métrage et le long métrage sont deux formes d’art radicalement différentes. Pour le court métrage, je fais confiance sur l’ouverture et la tolérance des spectateurs en m’exprimant à travers une forme visuelle et sonore qui procure des sensations, pas forcément à travers la narration.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Le format court est pour moi comme du feu d’artifice. On est émerveillé sur le moment par sa forme, mais l’histoire se raconte après coup. Dans le court métrage, j’essaie de procurer chez les spectateurs des sensations, pour qu’ils projettent leurs histoires dedans et continuent à y réfléchir au-delà du film lui-même. Les court métrages que j’aime sont toujours des énigmes qui invitent le spectateur à voyager dans son imaginaire mêlé de souvenirs. Les libertés qu’offre le format court métrage sont autant du côté du spectateur que de celui du cinéaste. La question de la narration se pose autrement et cela m’intéresse énormément !
Soleil d’hiver a été projeté en compétition nationale.